L'Officiel-Levant August/September Issue 91

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N° 91 AOÛT-SEPTEMBRE 2019

LANA EL SAHELY EN TOTAL LOOK VALENTINO

WWW.LOFFICIEL.COM

L’ÈRE DES MÉTAMORPHOSES Lana el Sahely · Jennifer Chamandi · Sirine Fattouh · Shkoon
















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109 ALLENBY STREET, BEIRUT CENTRAL DISTRICT, LEBANON TEL. 11 11 99 01 EXT. 579 - AÏSHTI BY THE SEA, ANTELIAS TEL. 16 77 71 04 EXT. 241

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L’OFFICIEL SOMMAIRE

p.146 p.64

40 L’édito

110 « Piaget Society » célèbre l’ouverture de Piaget à Aïshti D.T.

42 News 52 Tendances

112 La collection « vintage » de Buccellati

56 Le « Triomphe » de Celine

113 La « Limelight Gala » de Piaget

58 La mode en ses verts pâturages

114 Dans mon sillage

62 Hermès entre terre et mer

118 Le cil superstar

64 Couleurs d’automne

119 Ruée vers l’or

72 That’s Amore

120 Success story : La Mer

74 La Dolce Vita

122 Lana hors l’armoire

80 La poésie de L’Arctique

136 Je ne veux pas travailler

84 Jennifer Chamandi, à « chas » perché

146 Ève en hiver

86 Vacances, j’oublie tout

158 Sassy Sadie

88 La Magnifique

166 Sirine Fattouh sous l’empire du rêve

90 De Beyrouth à Orion

170 Esprit et sensualité

92 « Je suis une amoureuse de tolérance »

174 Zénobie ressuscite la magie du papier

94 Tania George imprime ses souvenirs

178 « The Council for visual affairs », l’étoile montante de l’animation au Liban

p.100

98 Qui êtes-vous, Daniel Lee ? 100 Gemmes à aimer

32

182 Joan Baz au passé décomposé du design

PHOTOS DR

p.110


buccellati.com

Macri Collection

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L’OFFICIEL SOMMAIRE

p.210

p.178

p.200

220 C’est le Pérou !

190 Sur les traces du rêve hollywoodien

222 Les vrais/faux burgers d’Orenda

194 Maya Zbib, de l’amour, encore

224 Sororité en cuisine

198 Naïade Aoun, actrice en herbe

226 Makan, le « Saj » de Madrid

200 Shkoon, fusion culturelle à l’ère des migrations

230 Sur le rebord d’une fenêtre 232 La glace change de camp

202 Xriss, Petite Sirène, grande voix 206 Kozo, structurer pour mieux libérer 210 Aïshti en fête pour Zimmerman 212 Americano, comme Daniel Craig et Eva Green 214 L’hôtel Phoenicia, une liberté qui se danse

234 Bau, un bar païen dans le ciel de Beyrouth 236 Chez Fares et Lucia, comme chez soi 240 Les pieds dans l’eau 244 Snobismes de saison 248 Le sanctuaire des éléphants

216 Voyager, se nourrir, s’émerveiller 254 Adresses 218 Pour la beauté des femmes et des photos

34

256 (Ex) myope comme une taupe

PHOTOS DR

p.236

186 Contes de mode


Aïshti by The Sea, Aïshti Downtown, Aïshti Verdun


N ° 91 A O Û T- S E P T E M B R E 2 019

ÉDITEUR

TON Y SALAME GROUP TSG SAL Rédaction RÉDAC TRI CE EN CH EF

FIFI ABOU DIB R É D A C T R I C E E T C O O R D I N AT R I C E

SOPHIE NAHAS Département artistique D I R E C T R I C E D E C R É AT I O N

MÉLANIE DAGHER DIRECTRICE ARTISTIQUE

SOPHIE SAFI Contributeurs PH OTO

CLAR A ABI NADER, MICHÈLE AOU N, TON Y ELIEH, BACHAR SROUR RÉDAC TI O N

MAR IE ABOU KHALED, PHILIPPINE DE CLER MONTTONNER R E , LAUR A HOMSI, MAR IA LATI, NASR I SAYEGH, JOSÉPHINE VOYEUX STYLISME

SELIM BOUR DOUK AN, CHAR LES NICOLA I L L U S T R AT I O N E T G R A P H I S M E

MAR IA KHAIR ALLAH, MAR ION GAR NIER Production DIRECTRICE

ANNE-MAR IE TABET Retouche numérique

FADY MA ALOUF Publicité et Marketing DIREC TEUR GÉNÉR AL COM MERCIAL ET M ARKETIN G

MELHEM MOUSSALEM C O O R D I N AT R I C E C O M M E R C I A L E

R AWAN MNEIMNE CO O R D I N AT R I CE M A R K E T I N G

M AGA LY MOSLEH Directeur Responsable

AMINE ABOU KHALED Imprimeur

53 DOTS DAR EL KOTOB


AÏSHTI, DOWNTOWN BEIRUT, T.01.991 111 AÏSHTI BY THE SEA, ANTELIAS, T. 04 717 716 EXT. 243

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DIRECTION Gérants Coprésidents des boards exécutif et administratif Marie-José Susskind-Jalou Maxime Jalou Directeur général Directeur des boards exécutif et administratif Benjamin Eymère b.eymere@jaloumediagroup.com Directrice générale adjointe Membre des boards exécutif et administratif Maria Cecilia Andretta mc.andretta@jaloumediagroup.com Éditeur délégué Membre du board exécutif Emmanuel Rubin e.rubin@jaloumediagroup.com Assistante de direction Céline Donker van Heel c.donkervanheel@ jaloumediagroup.com

PUBLICITÉ Directrice commerciale Lisa Tsygankova l.tsygankova@jaloumediagroup.com Directrice commerciale L’Officiel Anne-Marie Disegni a.mdisegni@jaloumediagroup.com Directeurs de publicité Christelle Mention (joaillerie, beauté) c.mention@jaloumediagroup.com Marina de Diesbach (horlogerie) m.diesbach@jaloumediagroup.com Stéphane Moussin (opérations spéciales) s.moussin@jaloumediagroup.com Régie externe Mediaobs Sandrine Kirchthaler skirchthaler@mediaobs.com Traffic manager Marie Detroulleau m.detroulleau@jaloumediagroup.com PRODUCTION Directeur de la production Joshua Glasgow j.glasgow@jaloumediagroup.com ADMINISTRATION ET FINANCES Tél. 01 53 01 10 30 Fax 01 53 01 10 40 Directeur administratif et financier Membre du board administratif Thierry Leroy t.leroy@jaloumediagroup.com Secrétaire général Membre du board administratif Frédéric Lesiourd f.lesiourd@jaloumediagroup.com Directrice des ressources humaines Émilia Étienne e.etienne@jaloumediagroup.com Responsable comptable & fabrication Éric Bessenian e.bessenian@jaloumediagroup.com Diffusion Lahcene Mezouar l.mezouar@jaloumediagroup.com Trésorerie Nadia Haouas n.haouas@jaloumediagroup.com

INTERNATIONAL ET MARKETING Management international et marketing Flavia Benda f.benda@jaloumediagroup.com International editorial et archive manager Nathalie Ifrah n.ifrah@jaloumediagroup.com Manager publicité internationale Carlotta Tomasoni c.tomasoni@jaloumediagroup.com Chef de produit diffusion Jean-François Charlier jf.charlier@jaloumediagroup.com International marketing spécialist et strategic planner Louis du Sartel l.dusartel@jaloumediagroup.com Graphiste marketing & projets spéciaux Anaëlle Besson Assistant marketing Antoine Diot a.diot@jaloumediagroup.com Ventes directes diffusion Samia Kisri s.kisri@jaloumediagroup.com ABONNEMENTS Abosiris BP 53, 91540 Mennecy Tél. 01 84 18 10 51 jalouboutique.com VENTE AU NUMÉRO France V.I.P. Laurent Bouderlique Tél. 01 42 36 87 78 International Export Press Carine Nevejans Tél. +331 49 28 73 28

FABRICATION Impression, suivi de fabrication et papier par Valpaco, 3, rue du Pont-des-Halles, 94150 Rungis Imprimé sur des papiers produits en Italie et Finlande à partir de 0 % de fibres recyclées, certifiés 100 % PEFC Eutrophisation : papiers intérieurs Ptot 0,006 kg/tonne et Ptot 0,003 kg/tonne ; papier couverture Ptot 0,006 kg/tonne PHOTOGRAVURE Cymagina DISTRIBUTION MLP ÉDITÉ PAR LES ÉDITIONS JALOU SARL au capital de 606 000 € représentée par Marie-José Susskind-Jalou et Maxime Jalou, co-gérants, filiale à 100 % de la société L’Officiel Inc. S.A.S. Siret 331 532 176 00095 Siège social : 128, quai de Jemmapes, 75010 Paris Tél. 01 53 01 10 30 – Fax 01 53 01 10 40 Dépôt légal juillet 2019 N° de commission paritaire 0323 K 80434 ISSN 0030.0403 Printed in EU/Imprimé en UE FONDATEURS Georges, Laurent et Ully Jalou (†) DIRECTRICE DE LA PUBLICATION Marie-José Susskind-Jalou



L’OFFICIEL ÉDITO

L’ÈRE DES MÉTAMORPHOSES Faux-fur, faux-cuir, plastique recyclé, surplus sublimés, la mode qui n’a longtemps juré que par le rare et l’authentique fait serment de faire encore mieux en contribuant à protéger la Terre, les ressources et tout ce dont son avenir et le nôtre dépend désormais. Il y a quelques jours, accompagnant une amie pour un shopping rapide dans un célèbre magasin de chaussures, j’ai assisté à un échange des plus cocasse : - Mon amie : C’est du vrai poulain, cette bande ? - Le vendeur : Bien entendu, madame, on ne se permettrait pas, dans une maison comme la nôtre, d’utiliser des matériaux d’imitation. - Mon amie : La pauvre bête… - Le vendeur : Ah, mais il n’est pas tué, le poulain. On lui prélève juste un petit ruban de peau pour la sandale. Nous sommes contre la cruauté envers les animaux ! Cet hilarant et si pathétique rattrapage du vendeur permet malgré tout de mettre le doigt sur une réalité nouvelle : la prise de conscience, à tous les niveaux de l’industrie, que le luxe ne peut plus s’accommoder d’une mauvaise conscience. Évidemment, tant qu’il y aura des carnivores, il y aura des utilisateurs et des fabricants de cuirs et de fourrures. Mais le vent, orienté par une nouvelle génération d’acheteuses et d’acheteurs, tourne en faveur de nouvelles pratiques plus éthiques. Après tout, la mode des années 1940, une mode de crise inventée en pleine Guerre Mondiale, nous a laissé en héritage les semelles de liège, les manteaux militaires retaillés à la mesure des femmes, la première version du smoking féminin, porté par Marlène Dietrich bien avant d’être démocratisé par Yves Saint Laurent, et bien d’autres preuves que l’on peut créer du beau et du sensuel en réutilisant ce qui est. Voici donc venue l’ère des métamorphoses. En recyclant les plastiques, en créant de nouveaux textiles et textures à base de fibres végétales issues de l’agriculture durable, en réutilisant simplement la quantité effroyable de stocks invendus, la mode fait mieux que protéger la Terre, elle contribue à la sauver.

Fifi Abou Dib

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L’OFFICIEL NEWS

PAR F.A.D

RALPH MASRI ET LES ORNEMENTS D’HÉLIOPOLIS Toujours puisant son inspiration aux sources du patrimoine libanais, Ralph Masri livre cette saison une nouvelle collection sur le thème d’Héliopolis, - la Baalbeck libanaise -, qui abrita le plus grand temple du monde romain. Aux reliefs et bas-reliefs des temples de ce site antique vieux de plus de 5000 ans, le créateur a emprunté des détails et motifs d’une infinie délicatesse, audacieusement sortis de leur contexte pour exprimer toute la modernité d’un art intemporel, en or rose ou jaune serti de diamants et rubis. Simple étudiant à Central Saint Martins, Ralph Masri se distinguait déjà par la cohérence de ses projets, son originalité et son sens du détail, remportant le prix Swarovski dès ses débuts. Depuis 5 ans, établi joailler à Beyrouth sous sa marque éponyme, il continue à aligner prix et récompenses : deuxième des « 30 under 30 » du classement Forbes pour le Moyen-Orient pour 2019, prix honoraire du DDFC/Vogue Fashion en 2017, sans compter l’accueil enthousiaste que lui réservent les établissements les plus sélectifs du monde, parmi lesquels The Webster, Harvey Nichols et Bloomingdale’s Dubaï, ainsi que les célébrités telles que la reine Rania de Jordanie, Meghan Markle, Gigi Hadid et Katy Perry. Son magasin phare au centre-ville de Beyrouth a été inauguré cet été. Ralph Masri Ralph Masri Boutique, Rue Waygand, Centre-ville, Beyrouth, +961 3 488 538

LA RÉCRÉATION SELON MARC

Marc Jacobs 137 Rue El Moutran, Centre-ville, Beyrouth, +961 1 911 111 ext.104 Aïshti by the Sea, Antelias, L3, +961 4 717 716 ext.131

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PHOTOS DR

Ça s’appelle « The Marc Jacobs » et ça parle de nous, des choses qui nous amusent et nous touchent et que nous avons envie de mettre ensemble, ou avec autre chose, pour habiller notre différence ou notre humeur du jour. Cette nouvelle division de la griffe Marc Jacobs est faite d’articles déclinés sur un même thème inspiré, selon la saison, par la musique, l’art et la culture pop ou une époque donnée. The Marc Jakobs, c’est un sac, un tee shirt, un sweat, un foulard, une écharpe, des baskets, des sandales, une petite robe de soirée, quelques éléments de prêt-à-porter, autant de « trucs » qui reprendront cette saison des visuels iconiques : le logo original du New York Magazine dessiné par Milton Glaser en 1968 et les personnages de la bande dessinée Peanuts illustrée par Schultz. Parce que Marc Jacobs a reçu à l’âge de six ans un énorme Snoopy en peluche de sa baby-sitter et qu’il y est resté attaché. Chacun fait ce qu’il lui plaît.


L’OFFICIEL NEWS

SPIRALES ET CATAPULTES

Obsédée par les formes dont nous habillons nos pieds, la jeune marque Neous crée des souliers comme autant d’objets radicaux et contemporains. Et parce que « L’espace est le souffle de l’art » selon Frank Lloyd Wright, la collection Neous pré automne hiver 2019 se concentre sur un minimalisme infusé d’énergie. La silhouette qui définit la saison est le talon en spirale : une bobine d’or qui s’enroule autour d’un pilier central. Celui-ci crée un espace négatif intriguant sur des bottines minimalistes. L’espace négatif est l’outil de base du minimalisme, une ponctuation silencieuse dans un monde bruyant. Cette saison, les volumes malléables d'une nouvelle ligne de bottes explorent cette dimension : ainsi, les proportions extra-larges permettent d’utiliser davantage l’espace comme outil visuel. Parallèlement, de nouvelles formes de talons ont été développées, comme le croissant incurvé de certains modèles qui semble contenir l'énergie refoulée d'une catapulte. De l’architecture dans la dimension cordonnière. Neous 137 Rue El Moutran, Centre-ville, Beyrouth, +961 1 911 111 ext.110 Aïshti by the Sea, Antelias, L2, +961 4 717 716 ext.123

VALEURS SENTIMENTALES C’est dans le cadre de la Beirut Design Week, début juillet, que la créatrice de bijoux Nada Ghazal a révélé, sous son label Nada G., une capsule nostalgique dédiée à un passage de témoin ancré dans les traditions libanaises et arabes : celui de la « mabroumé », bracelet en or sous forme d’un simple jonc, généralement torsadé, ouvert et aplati aux deux extrémités. Ce bracelet typique a toujours été cédé par les mères à leurs filles. Cette collection est constituée de 8 modèles édités à 50 exemplaires chacun. En or 18k, les « mabroumé » Nada G. sont déclinées en plusieurs variations contemporaines sur le modèle traditionnel, certains modèles étant sertis de brillants et de pierres précieuses. Cet hommage de la bijoutière à ses aïeules est aussi un hommage affectueux au matriarcat parfois sévère, souvent intrusif mais toujours bienveillant. Ce bijou a toujours été destiné tout à la fois à assurer la sécurité financière des jeunes filles et à leur rappeler les valeurs et l’amour qu’elles ont reçus et qu’elles devront communiquer à leur tour. Une jolie manière de perpétuer une tradition qui se perd. Nada G Nada G, Beirut Souks, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 983 443

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L’OFFICIEL NEWS

LETTRES DE NOBLESSE Fondée en 1996, la marque de chaussures et maroquinerie de luxe Jimmy Choo a prospéré sur un concept qui semble aujourd’hui évident : réconcilier le sexy avec le savoir-faire maroquinier habituellement réservé à des modèles intemporels mais un peu tristounets. Chausseur de l’aristocratie et de la haute société britannique, Jimmy Choo étend son offre aux sacs sans cesser de poursuivre sa quête d’un glamour sans concession pour la qualité. La nouvelle collection automne hiver 2019 de la griffe s’orne pour la première fois du logo « J.C », deux lettres entrelacées, fondues à la manière d’un bijou dans un métal inaltérable. Ce retour très 90’s à la fantaisie un rien ostentatoire du monogramme est aussi une manière d’affirmer l’identité Jimmy Choo entre héritage et vision contemporaine. Si ce logo court sur tous les accessoires de la maison, c’est surtout dans le sac Varenne, avec son esthétique empruntée à l’univers équestre et son rabat en forme de blason, qu’il trouve sa pleine expression. Jimmy Choo Rue Fakhry Bey, Beirut Souks, Centre-ville, Beyrouth, +961 1 911 111 ext.595 Aïshti by the Sea, Antelias, L2, +961 4 717 716 ext.121

TB POUR BURBERRY !

Fasciné par le romantisme gothique, Riccardo Tisci, successeur de Christopher Bailey à la direction artistique de Burberry depuis 2018, ne pouvait que tomber amoureux de la très britannique maison dont il s’attèle, depuis son arrivée, à remettre les codes à plat pour mieux les comprendre. Ayant trouvé dans les archives une série de monogrammes du fondateur Thomas Burberry réalisés dans un graphisme du début du XXe s., il s’en saisit pour créer avec la collaboration de l’artiste graphique Peter Saville une collection à la fois vintage et puissamment contemporaine, basée sur un nouveau logo où s’entrelacent les lettres T et B. Thomas Burberry qui, par-delà l’inventeur de génie, fut simplement « un homme, un père et un mari » selon le communiqué de presse de la maison, sert de modèle au vestiaire imaginé pour cette collection placée sous son monogramme. Pour incarner les différentes personnalités du fondateur de Burberry, c’est la belle Gigi Hadid qui endosse tour à tour, devant la caméra de Nick Knight, le trench-coat, le manteau, le blouson à capuche ou le costume de cette collection complétée par une superbe gamme de bagages. Le Burberry nouveau célèbre clairement la fluidité des genres. Burberry 137 Rue El Moutran, Centre-ville, Beyrouth, +961 1 911 111 ext.455 Aïshti by the Sea, Antelias, L2, +961 4 717 716 ext.123

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L’OFFICIEL NEWS

LE SAC PREMIER Longtemps, la maison Chloé a baptisé ses sacs à la manière des compagnons de race : selon leur pedigree. Appeler Aby le nouveau modèle de l’automne hiver 2019 n’est donc pas anodin. Portant les deux premières lettres de l’alphabet, ce sac réunit dans son esthétique les codes intemporels d’une maison vouée à la féminité tout en privilégiant confort et douceur. En léger trapèze, petit ou de belle dimension pour contenir les essentiels d’une journée active, le sac Aby est un descendant direct du Paddington, l’un des modèles les plus plébiscités de la marque, créé en 2006. En veau souple et grainé avec ses bords francs et son fermoir en forme de serrure bijou surdimensionnée, le Aby est une version plus légère et expressive de son jeune ancêtre. Disponible en deux formats et en noir, gris, bleu clair ou cognac, il peut être porté à la main, à l’épaule ou en cross-body. Un nouvel indispensable. Chloé Rue Fakhry Bey, Beirut Souks, Centre-ville, Beyrouth, +961 1 991 111 ext.580 Aïshti by the Sea, Antelias, GF, +961 4 717 716 ext.101

COMME UN ÉTAT D’ESPRIT

PHOTOS DR

Si la maison créée en 1978 à Milan par Gianni Versace a pu conquérir le monde, c’est surtout parce qu’elle a su, sous la férule de son fondateur, offrir aux riches et célèbres une mode excessivement sexy et glamour qui pouvait atteindre des prix jamais vus dans le prêt à porter. Reprise par Donatella Versace après l’absurde assassinat de son frère, la griffe n’est jamais descendue du piédestal où Gianni a voulu la placer, constamment soutenue par de puissantes égéries parmi lesquelles Lady Gaga et infusée d’une aura puissante jamais démentie. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas, Versace avec son identité gréco-romaine revisitée à la sauce 80’s ne passe pas inaperçue. Présentées à New York, les collections homme et femme pré automne 2019 s’offrent, sous la direction artistique de Donatella Versace, un joyeux délire grunge à la croisée du cosmopolitisme et de l’Antiquité. Parce que la perfection n’est jamais parfaite sans une imperfection contrôlée. Parce que l’impertinence est une forme de puissance. Et que le vêtement est avant tout un état d’esprit. Versace 137 Rue El Moutran, Centre-ville, Beyrouth, +961 1 911 111 ext.130 Aïshti by the Sea, Antelias, L2, +961 4 717 716 ext.121

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L’OFFICIEL NEWS

MONCLER GENIUS ET LES GRANDS ESPACES Contrairement à la tradition qui veut que chaque maison de mode soit dirigée par un même créateur, Remo Ruffini, le président de Moncler, a décidé, il y a un an, de faire de la division « Genius » de la marque un champ d’expérience pour plusieurs directeurs artistiques invités à créer des capsules tout au long de l’année. Cette saison, on aura l’opportunité de découvrir successivement les propositions de Richard Quinn, Matthew Williams, Veronica Leoni ou Sergio Zambon. « Chaque génie opère individuellement et c’est la somme des génies qui interprète l’identité de Moncler », explique Ruffini qui précise que ces contributions ressemblent aux différentes pièces constituant un même édifice. Quatrième « génie » de l’année en cours, dont la collaboration a été annoncée en février 2019 et lancée le 2 juillet dernier, la créatrice irlandaise Simone Rocha s’est intéressée à l’aspect protecteur des vêtements d’extérieur Moncler, imaginant une fusion avec les grands espaces à travers des capes volumineuses ornées de fleurs. Le vêtement devient abri et célèbre la nature entre romantisme et poésie. Moncler 137 Rue El Moutran, Centre-ville, Beyrouth, +961 1 911 111 ext.120 Aïshti by the Sea, Antelias, L1, +961 4 717 716 ext.113

L’HÉRITAGE D’HUMBERTO

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Avant de quitter, en juin dernier, la direction artistique de Kenzo, Carol Lim et Humberto Leon ont choisi, pour leur dernière collection automne hiver, de célébrer une fois de plus la diversité. Dans un siècle où les mouvements de populations et les mélanges de cultures sont à leur apogée, ils ont souhaité raconter une histoire personnelle, celle d’Humberto dont les origines remontent à l’importation au Pérou, au XIXe s., par les conquérants espagnols, d’une main d’œuvre agricole chinoise réduite à l’esclavage et qui connaîtra de grandes difficultés d’intégration mais finira par diffuser la culture asiatique en Amérique du Sud. Humberto est lui-même issu de l’héritage sino-péruvien. Dans cette nouvelle collection Kenzo, on retrouve ces échanges de récits exprimés dans les textiles où les vibrantes couleurs andines croisent le jute et le raphia des sacs de riz, mais pas que : Avec la collaboration de l’artiste Pablo Amaringo, Paris rencontre Cuzco ; la ville s’invite à la campagne ; les codes et matériaux de la plongée sous-marine se mêlent à ceux du trekking. Un véritable feu d’artifice pour marquer une sortie en beauté. Le duo de créateurs a passé le flambeau à Felipe Oliveira Baptista. Kenzo 137 Rue El Moutran, Centre-ville, Beyrouth, +961 1 911 111 ext.105 Aïshti by the Sea, Antelias, L2, 961 4 717 716 ext.121

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L’OFFICIEL TENDANCES

LA CLASSE

Héroïne fantasmée de la Nouvelle Vague, voici des jupes crayon ou à mi genou, des escarpins à brides et à petits talons, des bas noirs, des foulards, des chemisiers taillés au cordeau, des manteaux stylés…Hiroshima votre amour ? Mettez ces grandes lunettes pour 5 à 7 et vous irez après à Saint Germain des Près.

Auteure F.A.D Illustration MARION GARNIER

Fendi

Prada

Valentino

Chloé

Gucci

Fendi

Fendi

Balenciaga Hermès

Balenciaga

Burberry Skiim

Photos DR

Burberry

Saint Laurent Gucci 52

Burberry


L’OFFICIEL TENDANCES

L’AUDACE

Voilà longtemps que les dessous vont dessus et que le déshabillé joue l’habillé. Entrez dans la tribu de l’attribut, rien à cacher, les matières sont douces, peau d’ange, satin, dentelle, c’est précieux, ça caresse, ça brille, ça froufroute, ça fascine les phalènes égarées et ça vous électrise une atmosphère guindée.

Fendi

Chloé Alexander McQueen

Etro

Dolce & Gabbana Alexander Wang

Chloé DVF Alexander Wang

Miu Miu

Burberry Hermès

Loewe

Prada Miu Miu

Fendi

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Gucci


L’OFFICIEL TENDANCES

PASSE-PASSE

Au départ, le grunge était un manifeste anti-mode, anti-bling. Comment est-il devenu un style à part entière ? Que s’est-il passé pour que la fripe s’infiltre dans le luxe et que les grandes maisons imitent le décrochez-moi-ça ? L’époque est à la singularité, il fallait le comprendre, et le style est une réinvention de soi.

Gucci

Prada

Valentino

Gucci

Saint Laurent

Jonathan Simkhai

Proenza Schouler

Prada Prada Miu Miu

Photos DR

Alexander Wang

Balenciaga Chloé Chloé

Alexander McQueen 54

Miu Miu



L’OFFICIEL ANATOMIE D'UN SAC

LE “TRIOMPHE” DE CELINE C’est l’un des premiers sacs imaginés par Hedi Slimane pour la maison, inspiré des archives avec son fermoir représentant deux “C”. PAR LÉA TRICHTER-PARIENTE PHOTOGRAPHIE MARINE BILLET

Monument historique Son nom “Triomphe” fait référence au monument parisien, l’Arc de triomphe de l’Étoile. En effet, en 1972, la voiture de Céline Vipiana, la fondatrice de la marque, tombe en panne sur la célèbre place, et son attention se porte alors sur la chaîne qui entoure le monument. Le fermoir, représentant deux “C” et qui s’inspire de cette chaîne, est alors utilisé sur les sacs, bijoux et chaussures de la maison. Classique intemporel Réalisé en septembre 2018, lors de l’arrivée d’Hedi Slimane au sein de la maison Celine, le “Triomphe” compte parmi les trois premières lignes de sacs Celine par Hedi Slimane, avec le sac “16” et le sac “C”. Présenté sur deux looks du défilé printemps-été 2019, ce modèle a tout pour devenir un classique. Avec son logo inspiré des créations de Céline Viapiana dans les années 1970, il confère un style rétro sophistiqué à la silhouette. Différentes combinaisons Disponible en trois tailles (petit, moyen et grand modèles), il est décliné en noir, rouge, nude, blanc, gris, amazone, bordeaux, tan, teck, bleu marine ; et pour la version bimatière et bicolore : blanc et tan, blanc et bordeaux, blanc et bleu marine. Il prend ainsi une allure très différente selon qu’il est en cuir de veau naturel ou satiné, en lézard, en crocodile ou bimatière (textile et veau naturel). Sac “Triomphe” moyen en veau satiné, Celine par Hedi Slimane. 56


@nancygonzalezofficial

Aïshti, Downtown Beirut 01. 99 11 11

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Aïshti, by the Sea, Antelias 04. 71 77 16


L’OFFICIEL FOCUS

LA MODE EN SES VERTS PÂTURAGES

STELLA MCCARTNEY

PAR F.A.D.

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Photos DR

Considérée comme une des plus polluantes au monde, l’industrie de la mode se refait une vertu. C’est évidemment la mode de masse qui est la plus incriminée, mais les marques de luxe se doivent de donner l’exemple. Répondant avec talent aux inquiétudes des Millenials, les créateurs nous entraînent dans le tourbillon vert.


L’OFFICIEL FOCUS

DIOR

Tout a commencé avec la fourrure, dès les années 1980. Tout à coup, de là où le manteau de vison et autres mustélidés s’imposait comme le vêtement statutaire par excellence, l’action des activistes et les vidéos agressives, voire trash, notamment celle de Greenpeace où des manteaux de fourrure sur un défilé éclaboussent de sang les spectateurs, a rendu obsolète, voire vulgaire, l’idée même d’endosser une peau de bête pour frimer dans les grand-messes sociales. Au moins jusqu’au début du millénaire, le harcèlement des porteuses de fourrure fut tel, en Europe, aux USA, et même au Canada où ce vêtement est culturel, que la cause parut presque gagnée. Mais non. Petit à petit, arguant du fait qu’on porte du cuir sans se poser de questions sur l’exploitation de la vie animale, fourreurs et éleveurs sont revenus à la charge. En petites touches d’abord, utilisant la fourrure par chutes, l’insérant dans des maillages, créant des patchworks en pièces multicolores comme on l’a vu dans la première partie des années 2000. Mais la demande grandissante des nouveaux marchés, notamment celui de la Russie, a réactivé la pratique. La défense clé des producteurs a commencé par un engagement à ne

PRADA

plus utiliser que des animaux d’élevage. C’était, malgré l’usage permanent de la cruauté, préserver déjà certaines espèces sauvages de l’extinction. La grande question qui s’est toujours posée à cet égard était de savoir si la vie et la souffrance d’une poule ou d’une vache avaient moins de valeur que celles d’un phoque ou d’une loutre. Une autre parade dit que l’industrie du luxe étant réservée à une clientèle exclusive et peu nombreuse, le marché de la fourrure était moins agressif qu’un autre. Du bébé phoque au « bébé acrylique » Mais nous étions déjà dans un monde surmédiatisé par les réseaux sociaux. Chacun exigeait son quart d’heure de gloire et son droit aux privilèges des privilégiés. Douce et sensuelle, la fourrure continuait à créer du désir, ainsi que l’illusion de conférer ses vertus à celle qui la porte. La pression se poursuivait. C’est alors que, initié par Vivienne Westwood selon la philosophie punk, porté à bout de bras par la créatrice et baby Beatles Stella McCartney, un mouvement prônant le bannissement des matières animales fait son chemin dans l’industrie de la mode. Les fausses fourrures développées dans la foulée 59

se révèlent aussi douces et denses que les vraies. Un faux cuir à base de liège ou de fibres d’ananas (Pinatex) se révèle aussi résistant que le vrai. Mais il y a un hic : la fourrure artificielle perd toute sa superbe quand on sait qu’elle est fabriquée à partir de fibres polymères, autrement dit de plastique, de résines et de silicones. Elle se révèle dramatique pour l’avenir de la planète. Par comparaison, même cruelle, la vraie fourrure, elle, est biodégradable. Quant aux matériaux issus de l’agriculture, ils sont certes voraces en eau et en carburant, mais l’industrie s’attèle à réduire cet impact, ce qui les présente comme une perspective et une solution durable pour une planète dont toutes les ressources s’épuisent déjà. Mis à part ces propositions plus ou moins « vertes », la seule sortie d’impasse valable pour la mode est aujourd’hui entre les mains des créateurs : elle consiste à recycler avec talent la masse inquantifiable de matière en déshérence. Récupérer, recycler, sublimer, c’est ce que font avec succès les stylistes de la nouvelle génération, suivis par des millions d’adeptes et encouragés par les stars de la pop. L’industrie du vêtement veut retrouver son innocence. Le beau sera bon ou ne sera pas.


MARCJACOBS.COM



L’OFFICIEL STYLE

HERMÈS ENTRE TERRE ET MER C’est une hybridation heureuse entre tout ce qui, sur terre comme sur mer, caracole et embrasse le vent. On ne se lasse pas de la subtilité de cette collection Hermès printemps été 2019 qui transforme les cordages en bretelles et les mousquetons en fermoirs et bijoux, anoblit la toile de bâche et celle des voilures, reconvertit en robes et jupes le tablier de palefrenier, remplace le marine et le blanc par le cuir gold, le safran, la cannelle, l’orange vif, le vert thé et le turquoise au plus grand bonheur des pupilles, mélangeant les codes de la navigation et de l’ équitation pour nous donner des ailes. PAR F.A.D

Photos DR

Top façon tablier, en agneau pleine fleur, couleur blanc marbre, à bretelles en cordage tressé de coton et veau, couleurs blanc cassé et beige moyen, et oeillets, en métal palladié. Pantalon droit longueur cheville, en soie rustique, couleur blanc cassé. Sandales à bride, en veau, couleurs bleu trempé et blanc. 62


Top façon tablier, en soie rustique, à bretelles de satin duchesse, couleur noire, et œillets, en métal palladié. Pantalon droit longueur cheville, en canevas de laine, couleur noire. Sandales à bride, en veau, couleur noire. 63


COULEURS D’AUTOMNE Pourquoi dit-on « feuilles mortes » ? La saison nous cueille « feuilles vives » détachées des branches, ivres de vent. Feuilles dorées, mordorées, vert-de-grisées, roses, rousses et rouges, libres et radieuses comme jamais.

Photographie Tony Elieh Direction de création Mélanie Dagher Direction artistique Sophie Safi Stylisme Selim Bourdoukan


Ensemble, SONIA RYKIEL. Sandales, JENNIFER CHAMANDI. Sac, GUCCI. Lunettes de soleil, DIOR.


Top, SAINT LAURENT. Jupe, VINCE. Escarpins, GIANVITO ROSSI. Sac, NANCY GONZALEZ. Manteau, MAX MARA. Page de droite : manteau, PHILOSOPHY. Bralette, DION LEE. Sneakers, TOD'S. Manchette, HERMÈS.




Ensemble, DSQUARED2. Body, JONATHAN SIMKHAI. Ceinture, VALENTINO. Manteau, SPORTMAX. Lunettes de soleil, SUNDAY SOMEWHERE. Sac, BOTTEGA VENETA. Page de gauche : manteau, BURBERRY. Chemise, BRUNELLO CUCINELLI. Sac, FENDI. Pantalon, WEEKEND. Lunettes de soleil, GUCCI.


Top, JONATHAN SIMKHAI. Pantalon, PHILOSOPHY. Sac, PRADA. Escarpins, VALENTINO. Sac, BOTTEGA VENETA. Lunettes de soleil, DIOR. Page de droite : chemise, DSQUARED2. Short, SPORTMAX. Escarpins, JENNIFER CHAMANDI. Sac, STAUD.



L’OFFICIEL COLLABORATION

THAT’S AMORE “Fendi Roma Amor”, la nouvelle collection capsule de la maison italienne, est arrivée. Streetwear et fluo, le logo icônique ne cesse de se renouveler…

Dans la lignée des #FFseries inaugurées l’année dernière avec les lancements des collections capsules “FF Reloaded” et “Fendi Mania” (avec le logo créé par l’artiste instagrameur @hey_reilly), la maison romaine continue sur sa lancée avec la nouvelle collection “Fendi Roma Amor” et l’intervention de l’artiste graffeur Pref. Soit la rencontre entre le savoir-faire de la marque italienne et les codes du streetwear revisités sur fond de sportswear. Dans la collection femme, le logo iconique FF se pose autant sur un bombers qu’une robe asymétrique ou sur la collection denim, le tout coloré de fluo, le second signe distinctif de la capsule. Même attitude pour les accessoires, parmi lesquels on retrouve des variantes du “Peekaboo”, du “Baguette” et du “Mon trésor”, tous gravés du FF et agrémentés de finitions ultra-colorées. Quant aux collections homme et enfant, elles ne sont pas en reste avec, pour lui, des joggings et des T-shirts brodés et, pour eux, une approche mini-moi avec des vestes unisexes ou des coupevent transparents. Ainsi, Fendi joue les irrévérencieux avec une capsule décalée haute en couleurs. 72

Photo DR

PAR LAURE AMBROISE


CANALI.COM

225 Foch St., Downtown Beirut, Tel. + 961 1 991111 Ext. 480 1 Aïshti By the Sea, Antelias, Tel. + 961 4 417716 Ext. 234


J.J. Martin et Pepper. Elle porte une chemise La DoubleJ et une jupe Prada.


L’OFFICIEL LE MONDE DE

LA DOLCE VITA Rencontre à Milan avec J.J. Martin, ex-journaliste américaine devenue créatrice de La DoubleJ, une marque mode et lifestyle aux imprimés colorés qui donne envie de s’installer en Italie. PAR LAURE AMBROISE P H OTO G R A P H I E S E R G I O C O RVA C H O

Vous avez quitté New York il y a dix-sept ans pour devenir journaliste à Milan, un sacré choc des cultures, non ? J.J. Martin : Avant d’être journaliste, j’ai été directrice marketing chez Calvin Klein à New York. Dès mon arrivée en Italie, j’ai suivi des cours intensifs de journalisme. Ma carrière a commencé au Fashion Wire Daily à Milan. Je couvrais tout, des défilés aux événements en passant par les rapports financiers. Un an plus tard, Suzy Menkes m’a demandé d’écrire pour le International Herald Tribune, et c’est ainsi que ma carrière a pris son envol. D’abord au Harper’s Bazaar américain en tant que rédactrice européenne, puis au Wall Street Journal et au Wallpaper. Au début, vivre et travailler en Italie était plutôt difficile. C’était à des années-lumière de ma vie à Manhattan. Il n’y avait pas de yoga, ni de Pilates ou de grands cafés au lait, rien ne fonctionnait sans fil, pas de nourriture sans gluten, rien à emporter ni ouvert le dimanche, il n’y avait jamais assez de climatisation entre juin et juillet. J’ai dû apprendre péniblement à cuisiner et à m’adapter. L’Italie fonctionne sur un autre emploi du temps ; tout y est plus détendu. Les choses y sont moins structurées et organisées, que ce soit dans une entreprise, un supermarché, un dîner ou une banque. Au début, je détestais ça et j’étais frustrée par tout. Mais quelques années plus tard, je me suis finalement installée dans le rythme de ce pays et de sa culture, et quelle richesse ! J’apprécie l’ouverture d’esprit des Italiens, la façon dont ils m’ont accueillie et acceptée. Maintenant, quand je retourne aux États-Unis, je suis généralement ennuyée par la rapidité du quotidien. Je n’aime plus les grands magasins. J’adore le petit marchand de primeurs en Italie et les relations privilégiées que j’ai avec le garçon de café ou celui de la station-service. J’aime surtout retourner dans ma ville natale, Los Angeles. J’aimerai toujours leurs cours de yoga, les classes spéciales de vinyasa flow spécifiques à Venice Beach et la délicieuse nourriture végan facile à trouver dans des endroits comme Erewhon. 75

La DoubleJ est aujourd’hui une marque mode et lifestyle. À ses débuts, en 2015, c’était un site de vente en ligne de vos collections mode et bijoux vintage. Racontez-nous cette aventure… La DoubleJ a commencé comme un projet passionnel. Je collectionnais des vêtements et des bijoux vintage depuis vingt ans et j’étais obsédée par les imprimés et les couleurs 60s et 70s. J’avais aussi appris à connaître et apprécier les élégantes artistes de Milan. J’ai donc lancé le site La doubleJ pour rendre hommage à ces femmes. Au départ, nous avons photographié des architectes et des stylistes, des designers de meubles et des galeristes, chez elles, vêtues de pièces vintage. Cela s’est avéré un vrai succès, mais c’est devenu difficile de se renouveler et d’obtenir un chiffre d’affaires en progression lorsque l'offre repose sur un bijou vintage que vous venez de trouver. J’ai donc décidé de créer une robe en utilisant des imprimés vintage que j’ai trouvés dans des archives de soierie du lac de Côme. Cela a été une démarche totalement spontanée. La fondatrice de Matches.com, Ruth Chapman, l’a adorée et l’a mise en ligne. Nous avons maintenant toute une ligne de prêt-à-porter, de maillots de bain, de pièces d’extérieur, de vêtements de soirée ainsi qu’une collection maison comprenant des assiettes, du linge de table, des vases, des draps, des coussins et des meubles. Je n’avais jamais prévu de créer, dessiner et diriger une marque de mode et de maison, mais c’est ce qui est arrivé. Parlez-nous de vos collections mode, de vos inspirations, de vos envies ? Tous les produits sont censés être faciles à porter. Les imprimés font partie de notre signature. On les intègre partout, on les mélange, on les dépareille et on joue la carte des contrastes. Au début, nous avons travaillé exclusivement avec des imprimés vintage, mais à mesure que mon équipe a grandi, nous nous sommes mis à en concevoir nous-même.



Dans le bureau de l’appartement milanais de J.J. Martin, des foulards La DoubleJ. Page de gauche, de haut en bas, J.J. en robe La DoubleJ, bijoux vintage et chaussures Prada. Dans la chambre, robe et parure de lit La DoubleJ.


L’OFFICIEL LE MONDE DE

L’ambiance joue une part importante dans ce que nous réalisons. Il faut du bonheur, sinon ce n’est pas La DoubleJ. Quand j’ai commencé mon site, j’étais très inspirée par l’Italie et les femmes de ce pays et nous sommes toujours enracinés dans cela. Notre concept est le style de vie à l’italienne : la manière dont les Italiens mangent, s’habillent, se divertissent, cuisinent, décorent et passent leurs vacances. Vous avez été journaliste pour le magazine Wall­paper, une référence en matière de design et de décoration d’intérieur. Cela a-t-il été formateur pour lancer votre marque très lifestyle ? Le temps que j’ai passé à Wallpaper a été fondamental dans mon évolution vers La DoubleJ. C’est drôle parce qu’à l’époque, je ne voulais pas travailler là-bas. Quand ils sont venus me demander de les rejoindre, je traversais un mauvais moment professionnellement. Je ne pensais pas m’intéresser à ce magazine de design très minimaliste. Mais une fois que je me suis ouverte à cette nouvelle aventure, j’ai réalisé à quel point c’était un cadeau. J’ai rencontré tous les architectes, artistes, designers de meubles et galeristes de Milan. J’ai développé de merveilleuses amitiés en dehors de la mode. J’ai appris le design à leurs côtés de façon incroyable. Pendant que je travaillais, mon œil pour les intérieurs s’est perfectionné, passant d’un bel intérieur à un autre. Même si par nature je penche davantage vers une esthétique maximaliste, travailler avec le “sobre” Wallpaper m’a permis de former mon œil. Maintenant je sais que j’aime la combinaison de ces deux univers ; l’architecture très clean et le design chaleureux. Votre maison milanaise est-elle à l’image de vos collections mode, imprimée, colorée et vintage ? Je ne peux pas vivre dans une maison où chaque pièce se compose entièrement d’imprimés. Il doit y avoir un équilibre. Notre chambre à coucher, assez minimale, possède quand même une merveilleuse aquarelle fantaisie de Ruben Toledo et plusieurs coussins à motifs. Les murs de la maison sont recouverts d’un motif vintage très floral des années 1940 dessiné par Stig Lindberg, des toiles délirantes peintes

par mon arrière-grand-mère dans les années 1950 à Los Angeles. Le canapé est violet et les murs vert menthe. J’adore le dialogue entre les motifs. Et bien sûr j’adore le vintage. Presque tous les meubles de la maison sont d’époque, provenant d’années d'exploration dans les marchés aux puces. Vous êtes une collectionneuse aguerrie. Quelles sont les pièces qui ne vous quitteront jamais ? Celles du joaillier Ugo Correani, qui sont probablement les plus importantes pour moi. J’ai trouvé l’intégralité de ses archives à Milan avant de lancer La DoubleJ. Elles ont fait partie de ma collaboration avec Mytheresa.com lancée à Paris en 2015 pour laquelle j’avais sélectionné des pièces provenant de ma collection. Il y a aussi deux robes de cocktail Valentino haute couture que j’ai également trouvées à Milan. J’en ai porté une lors d’une interview avec Tom Ford, il y a de nombreuses années, il avait fixé son regard dessus jusqu’à finir par m’en parler. C’était dingue. Avec qui collaborez-vous actuellement pour vos collections ? Nos soies sont exclusivement fabriquées chez Mantero Seta dans la région du lac de Côme, nos verres de Murano chez

dépression ou faire de gros changements dans ma vie. J’ai choisi la seconde option. J’ai commencé par pratiquer la méditation et des rites spirituels, approfondir ma pratique du yoga pour inclure le yin et faire connaissance avec le qi gong. Toutes ces choses ont profondément enrichi ma vie et m’ont permis de donner naissance à mon entreprise. Fan de yoga et de méditation, avezvous le projet de lancer un espace dédié ? C’est mon rêve. Ouvrir en Sicile un centre de retraite pour se remettre d’aplomb et retrouver son harmonie. Alors s’il vous plaît, achetez beaucoup La DoubleJ afin que nous puissions y arriver ! Votre carlin ne vous quitte jamais, comment s’appelle-t-il ? C’est une fille, elle s’appelle Pepper. Elle m’accompagne tous les jours au bureau et voyage également à mes côtés. Elle s’est rendue à Paris pour la fashion week. C’est le chien le plus affectueux que j’aie jamais rencontré.

“Notre concept est le style de vie à l’italienne : la manière dont les Italiens mangent, s’habillent, se divertissent…” J.J. Martin Salviati, nos porcelaines chez Ancap à Vérone et nos meubles chez Kartell à Milan. Toutes ces entreprises ont entre 50 et 120 ans. La plupart, à part Kartell, n’étaient pas connues de nos clients. Nous avons consacré beaucoup d’attention à ces sociétés, en affichant fièrement leurs noms aux côtés du nôtre et en veillant à ce qu’elles soient toujours correctement mises en avant par la presse. D’où vous vient votre spiritualité que vous évoquez régulièrement dans la presse ? De la douleur. J’ai essayé pendant plusieurs années d’avoir des enfants, et quand il a fallu se rendre à l’évidence que cela ne donnerait rien, j’ai su que je devais choisir entre tomber en 78

Page de droite, J.J. en top et pantalon La DoubleJ. Stylisme : Lucia Turegano Grooming : Francesco Mammone



HERMÈS ET LA POÉSIE DE L’ARCTIQUE

Photo Carol Sachs

PAR F.A.D



L’OFFICIEL INSPIRATION

Photos Carol Sachs

« Ouvrir le champ de l’imaginaire qui stimule la création » : voilà bien une consigne administrative que seule oserait Hermès, maison pour laquelle qualité et raffinement sont au-dessus de toute considération. Sous la houlette de son directeur artistique Pierre Alexis Dumas, l’entreprise place l’année 2019 sous le vocable des rêves et nous entraîne à leur poursuite... aux confins de la Norvège.


Énigmatiques, les recommandations se limitaient à une panoplie de vêtements chauds, voire très chauds. La fête de son thème annuel que célèbre Hermès tous les mois de juin est toujours entourée d’un épais secret et le lieu ne s’en révèle qu’à l’arrivée. Aussi, dès l’aéroport où la destination du vol elle-même est bipée, où l’avion décoré d’étoiles n’a pas d’autre nom qu’un mystérieux « À la poursuite des rêves », un sentiment d’irréalité enveloppe les participants. À bord, des livres d’auteurs scandinaves posés sur chaque siège donnent un premier indice. À quelque 4 heures de Paris commencent à se révéler, entre émeraude et turquoise, des fjords septentrionaux sur les sommets desquels persiste une récente neige d’été. Ceux qui plaisantaient en annonçant qu’on allait à la plage n’avaient pas tout à fait tort. Il est 19h et déjà par le hublot s’enflamment dans une lumière d’aurore les vitraux de la célèbre cathédrale de Tromso, conçue en 1965 par l’architecte Jan Inge Hovig. À °70, au-dessus du cercle arctique, la ville norvégienne ne nous accueillera que le temps de nous rhabiller. Cinq épaisseurs de laine et de plumes plus tard, le groupe se rassemble sur un quai où s’élèvent, joués par un trio de druides lithuanien, les vibrations ligneuses d’étranges instruments à vent. Comme naviguant sur l’écho de ces cornes de brume, un bateau conduit l’expédition vers Musvaer, petit lagon au nord de la mer de Norvège. Sur cet archipel vit la sixième génération d’une famille d’agriculteurs, propriétaire et gardienne d’un paradis dont elle s’efforce de préserver l’écosystème. Les sentiers sont balisés. La végétation qui a émergé du dégel, pour abondante, ne durera pas au-delà du mois d’août. Éphémère, elle servira de fourrage aux animaux de la ferme tout au long du très long hiver. Aussi, s’abstient-on de sortir des sentiers battus tandis qu’un ensemble de bagpipers scandinaves rythme la marche de la cordée vers une plage du bout du monde. Là se dresse une tente qui accueillera le groupe pour le dîner. Il est déjà minuit et le ciel tout entier se reflète dans l’eau limpide du lagon, tandis que le Soleil irradie la frange des îles. Il ne se couchera plus. Des feux ont été allumés sur la plage. Le sable est blanc et doux, parsemé de coquillages de toutes nuances. Qu’on se penche pour les ramasser, on reçoit une vision étrange : ce n’est pas du sable mais une myriade de coraux minuscules ramenés sur ces bords par l’inlassable et doux mouvement des vagues. 83

Pierre Alexis Dumas, à moitié grec par sa mère l’architecte Rena Grégoriadès, observe, rêveur, ces paysages où se révèle à lui une véritable « Grèce du Nord ». La nuit polaire, un jour sans fin Le dîner servi sous les tentes est une symphonie de saveurs accordée par Heidi Bjerkan, chef du Credo, restaurant de Trondheim qui vient de recevoir sa première étoile Michelin. Les produits proviennent de la ferme de Musvaer et de la mer de Norvège, algues comprises. On poussera plus loin par le même bateau. On marchera à travers l’île de Sandoya jusqu’au bout de la nuit qui ne viendra pas. Sous les pas des randonneurs, une végétation surprenante donne par son incroyable variété l’illusion d’une forêt lilliputienne, telle qu’en verrait en vol une oie sauvage. Une vague sonore marque le premier arrêt. C’est le compositeur et multi-instrumentiste Loup Barrow qui joue dans le grand silence polaire sur un Cristal Baschet. Même les oiseaux se sont tus. Seule la pluie accompagne les ondulations du verre. On est déjà aux petites heures de l’aube, mais dans le ciel, se consume encore une tendre lumière diurne. Au fil de la marche, on croisera une sirène dont la queue semble formée de roches empilées. Elle inspire l’air glacé et en exhale une douce et poignante mélopée. Elle s’appelle Sigrun. Compositrice et vocaliste, elle a notamment accompagné les spectacles de Björk et de Florence and the Machine. C’est sur la vague de sa voix que l’expédition se dirige vers un dernier arrêt, dernier regard sur ce monde en marge du monde, autour de feux où grille le petit déjeuner. Rafael Sotomayor et Kate Stone accompagnent au Handpan le lever du jour, à peine une nouvelle nuance d’or à l’horizon qui ne verra plus la nuit avant six mois. Sur le bateau du retour, grisé de fatigue et de manque de sommeil, on redécouvre, serrée au fond d’une poche de l’épaisse doudoune, une poignée de sable arctique qui n’est pas du sable. Dans l’autre poche, quelques fleurs inconnues dans les plis d’un mouchoir. Lovés au creux de la main, ces souvenirs sont les seules preuves de ce que l’œil a cru voir et qui dans un instant aura disparu. Ainsi du rêve, cet insaisissable sur lequel Hermès a bâti sa culture, préférant l’ineffable au clinquant, et le savoir-faire de la main aux richesses du monde.


JENNIFER CHAMANDI, À « CHAS » PERCHÉ 84

Photos Carl Halal

L’OFFICIEL STYLE


L’OFFICIEL STYLE

Sa fraîcheur d’abord. Un faux air de Victoria Beckham, le sourire en plus. Jennifer Chamandi dégage une bonne humeur contagieuse qui transparaît jusque dans les chaussures qu’elle crée sous son label éponyme depuis deux ans et demi : l’âge de ses filles jumelles qu’elle a couvées en même temps que son projet. Triple accouchement en quelque sorte, et une nouvelle page dans une vie commencée dans la finance, entre un diplôme à la LSE et un début de carrière prometteur chez Merill Lynch. PAR F.A.D

La jeune femme confie avoir toujours aimé à égalité les mathématiques et les chaussures. L’escarpin – le talon aiguille – est pour elle non seulement un accessoire qui modifie l’attitude de la femme en confortant son pouvoir de séduction, mais un défi passionnant au niveau de la conception. Jennifer Chamandi, qui puise son inspiration aux géométries et palettes de Kandinsky et Fernand Léger, est avant tout une dessinatrice née. Parallèlement à ses études et stages en finance et en économie, elle suit des cours intensifs entre Central Saint Martins et London’s Cordwainers College pour apprendre les secrets de fabrication d’un soulier féminin. L’idée fait son chemin et le rêve est trop grand pour ne pas aboutir. Son premier concept consiste à prendre le mot « aiguille » au pied de la lettre en ajoutant au talon un chas par lequel passe la bride. L’avantage de faire passer la bride par le talon est à la fois pratique et esthétique : le pied est maintenu et le fâcheux effet visuel d’une jambe « coupée » au niveau de la cheville est contourné. La créatrice prend contact avec des fabricants en Italie trouvés sur internet pour les convaincre de réaliser ses modèles. Elle concentre sa recherche sur Milan après avoir constaté, étant basée à Londres, que plusieurs vols quotidiens desservaient les deux villes. L’entreprise approchée ne lui répond pas, mais elle a le sentiment que c’est là que se produira le résultat qu’elle attend. Elle finit par comprendre que l’artisan approché pratique mal l’anglais et décide à cet effet de prendre des cours d’italien. Forte de cette nouvelle langue, elle revient à la charge avec une lettre émouvante, « existentielle », dit-elle, et convainc son correspondant. Ce sera le début d’une collaboration heureuse, si heureuse que l’escarpin phare sorti des ateliers milanais porte le nom du maître artisan qui lui a permis de voir le jour : Lorenzo. Jennifer Chamandi travaille seule, longtemps. Au four et au moulin, elle réussit à faire placer ses créations sur les sites Net-a-porter, Farfetch et Browns, des entreprises d’ecommerce qui brassent des milliers d’articles au quotidien et sur les sites desquelles elle parvient à se distinguer. 85

Son concept est simple, modèles basiques, lignes épurées, élégance indissociable du confort (« On n’est plus à une époque où il faut souffrir pour être belle. Personne ne consent à souffrir pour quoi que ce soit », dit-elle). Mais la magie prend et la créatrice apprend à son tour à déléguer, accepte avec de plus en plus de plaisir que d’autres l’aident à élargir son spectre d’action et de vente. Elle écoute clientes et amies, comprend leurs attentes, talons plats par-ci, talons épais par-là, son ADN mute et évolue avec l’art de vivre. La marque Jennifer Chamandi, déjà proposée à Harrods Londres, Level Shoes Dubaï, Bergdorf Goodman et Neiman Marcus New York, Los Angeles et Miami ainsi qu’On Pedder Hong Kong et Singapour, fait une entrée remarquée au Liban depuis hier, accueillie par un événement tout en glamour chez Aïshti centre-ville. « Dans mon adolescence, au Liban, je passais souvent chez Aïshti rien que pour observer les modèles de chaussures et la manière dont ils étaient exposés, et je me disais qu’un jour mes propres chaussures seraient là. C’est un rêve qui devient réalité », sourit la jeune femme qui voit dans cette présence une véritable consécration, couronnée par l’enthousiasme de l’équipe de vente heureuse et fière de véhiculer une grande marque d’origine libanaise. Jennifer Chamandi crée deux collections par an, toutes placées sous le concept Eye of the needle, soit le chas de l’aiguille. Ce procédé complexe a bien mérité son brevet : sans une approche scientifique de sa construction, le talon ainsi percé serait fragilisé, or il est d’une solidité à toute épreuve. Au raffinement et à la simplicité, il reste à ajouter l’énergie positive que véhicule la marque. Les objets, on le sait, s’imprègnent de l’humeur de celui qui les conçoit et les fabrique. À tous les niveaux de cette chaîne, beaucoup d’entente et d’amour conduisent à la conception de chaque modèle de chaussure et se retrouvent en bonus au fond de la boîte. jenniferchamandi.com


L’OFFICIEL STYLE

VACANCES, J’OUBLIE TOUT Pour illustrer sa troisième collaboration estivale avec la boutique Paula’s Ibiza, Loewe a fait appel au talent de la photographe Gray Sorrenti. Lunettes de soleil conseillées !

Depuis que Jonathan Anderson a choisi comme quartier d’été pour Loewe le Musée d’art contemporain d’Ibiza, à l’occasion de sa première collaboration avec l’artiste John Allen en 2015, l’île des Baléares est ancrée dans l’ADN de la maison espagnole. De son côté, la boutique Paula’s, située au cœur de la vieille ville, représente depuis plus de vingt ans l’épicentre culturel et glamour de l’île avec sa boutique intégralement fleurie et hautement extravagante, où se sont croisés hippies, intellectuels et artistes, de Valentino à Freddie Mercury. Enfant, Jonathan Anderson passa par là avec ses parents et n’y resta pas insensible. À la façon d’une madeleine de Proust, la collection capsule Loewe x Paula’s Ibiza voit le jour en 2017, dont le

troisième chapitre sort cet été. Composée de pièces bohème chic taillées pour la plage et ornées de motifs emblématiques, la collection rappelle l’insouciance cathartique d’une escapade dans les îles. Loewe traduit ainsi son amour du savoirfaire avec une garde-robe facile à vivre qui met à l’honneur des fibres naturelles, du pur lin au sisal tissé en passant par l’éponge et le crochet de coton, le tout dans un colorama blanchi par le soleil. De nombreuses pièces sont ornées du logo culte de Paula’s ou d’imprimés exclusifs qui font penser à des motifs de tapisseries enfantines : un assortiment excentrique, véritable bric-à-brac de bord de mer où se mélangent serpents marins, grappes de raisin, traces de pas fleuries, masques des Baléares ou soleils 86

ardents. Ici encore, des tourterelles se marient à des peignes de mantille et des éventails de flamenco, tandis que des chérubins s’ébattent sur fond de papier peint rose poudré. Jonathan Anderson a demandé à la fille multi-talents du photographe Mario Sorrenti, Gray, connue pour son travail net et contrasté qui ne repose pas tant sur la technique que sur l’intuition, d’immortaliser cette collaboration. Chose faîte en République Dominicaine, d’où la jeune photographe a ramené une multitude d’images façon reportage que l’on peut aujourd’hui découvrir reliées dans un album photos mis en page par M/M (Paris) et tiré en édition limitée à 1 200 exemplaires numérotés à la main. Attention, collector !

Photos Gray Sorrenti

PAR LAURE AMBROISE



L’OFFICIEL STYLE

LA MAGNIFIQUE À 28 ans, l’actrice australienne Elizabeth Debicki vient de décrocher le Prix Women in Film Max Mara Face of the Future… De Marvel à Steve McQueen, elle brille par l’éclectisme de ses choix et impressionne par son assurance de globe-trotteuse cultivée. PA R M ATH I LD E B E RTH I E R ET G A B R I E L A C A M B E R O

J’ai lu que vos parents étaient tous les deux danseurs… En quoi cela a-t-il influencé vos choix de vie ? J’ai grandi dans une atmosphère ultra-créative. On allait au théâtre, au ballet… Mes parents me stimulaient beaucoup artistiquement. Je leur en suis reconnaissante car cela a contribué à développer ma sensibilité esthétique

très jeune, découvrant comment on se construit une identité, un projet de vie à travers l’art. En même temps, il y avait une part de moi qui me disait : “Peutêtre que tu devrais exercer un métier aux antipodes ? Avocate, ingénieure…” J’avais conscience des difficultés de mener à bien une carrière d’artiste car je vivais au contact d’artistes. Bref, j’étais “prévenue” quand, à 17 ans, j’ai choisi d’intégrer une école d’art dramatique. Vous vivez aux États-Unis, vous avez grandi en Australie… et êtes née à Paris ! Tout à fait, mais j’ai quitté la France pour l’Australie assez rapidement, quand j’avais 5 ans. Ma mère a des racines irlandaises, anglaises et ma famille paternelle est polonaise. Avec du recul, je constate à quel point voyager si jeune, changer de pays, forge le caractère. On apprend à assimiler culturellement les choses et on devient extrêmement conscient des règles, du comportement des gens dans une ville… Je garde le souvenir, à mon arrivée à Melbourne en Australie, de m’être sentie littéralement déplacée : il m’a fallu apprendre à m’adapter. Au-delà de ça, la manière dont j’ai grandi reste somme toute normale ! Ma mère était professeure de danse dans une école, mon père travaillait dans un théâtre… 88

Nous vivions en banlieue, j’allais à l’école à vélo et ma meilleure amie faisait un petit détour par chez moi pour venir me chercher. Vous serez à l’affiche du prochain film de Neil LaBute, The Burnt Orange Heresy. Un univers bien différent de celui de Marvel et des Gardiens de la Galaxie, dans lequel vous avez joué en 2017… La clef, pour une comédienne, est-elle de se nourrir de différents genres ? Si vous en avez l’opportunité, il faut la saisir. Jouer un personnage dans un monde fantastique et en “cultiver” la réalité est un challenge bien différent que de jouer un rôle dont l’essence, l’écriture relève du naturalisme. Du point de vue de l’acteur, le processus de création est le même mais ces différents mondes, ces différents genres l’obligent à s’adapter… J’ai eu beaucoup de chance de tourner mon premier film, Gatsby le Magnifique, sous la direction de Baz Luhrmann. Tant de choses interagissaient sur une seule prise… Et pourtant l’énergie qui régnait sur le set était propice à l’épanouissement d’un monde intérieur. Quel pari faites-vous sur demain ? Continuer à avancer, comme actrice et comme femme. Voilà mon but.

Photo DR

Ce prix que vous décerne Max Mara récompense les femmes qui sont à un tournant de leur carrière. En avez-vous le sentiment ? Elizabeth Debicki : Quand vous vivez votre vie “de l’intérieur”, vous ne vous rendez pas vraiment compte de ce qui change autour de vous, que les gens vous perçoivent différemment… Pour un acteur, le seul moyen de juger et de valoriser son travail est d’être vu. Quand une pièce, un film commence à bénéficier de davantage d’exposition, alors on se dit qu’on franchit une étape. Je pense au long-métrage que j’ai récemment tourné sous la direction de Steve McQueen, Les Veuves. Les gens autour de moi, en particulier les femmes, réagirent avec tant de force… Pour l’anecdote, c’est aussi après ce film que, pour la première fois, les gens m’ont abordée en ville, par exemple au moment de traverser au passage piéton…



L’OFFICIEL COUTURE

De Beyrouth à Orion Cet été, le créateur libanais Ziad Nakad se projette dans les étoiles. On embarque sans hésiter dans son univers. PAR LAURE AMBROISE PHOTOGRAPHIE DANNY LOWE

D’origine libanaise, le créateur Ziad Nakad a eu la révélation de sa vocation dans son adolescence. Attiré par les beaux tissus et les broderies serties de perles et paillettes, il se met à l’ouvrage en dessinant mille et un croquis auxquels il donne vie en les faisant réaliser aussitôt pour sa famille. Encouragé par son succès, Ziad Nakad décide alors d’explorer sa passion et de s’investir totalement dans la mode en y consacrant ses études. Il fait ses classes chez les plus beaux noms de la couture libanaise. Et c’est en 1997 que son rêve devient réalité : il est invité à défiler à la fashion week de Beyrouth. Karen Mulder, Nadja Auermann et Naomi Campbell défilent pour lui et sa carrière est lancée. Il enchaîne ainsi des shows à Milan puis Cannes jusqu’à défiler dans le monde entier, de l’Asie jusqu’aux États-Unis. Sa mode, il la destine “aux femmes qui aiment les vêtements au style spectaculaire et à la féminité intemporelle”. Pour sa collection printemps-été 2019, le designer s’est inspiré de la constellation d’Orion : “Le chasseur Orion fut transformé en constellation par Zeus, comme une victoire de la grâce sur la violence.” L’astre est brodé sur chacune de ses robes, avec un focus sur la pierre, le tout coloré de bleu roi, vert jade, rose pâle, ciel et champagne. Une mode à porter comme si on était dans un conte de fées. ziadnakad.com

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T H E O R I G I N A L A M E R I CA N B RA N D AÏSHTI BY THE SEA ANTELIAS | 04 717716 EXT 232 AÏSHTI DOWNTOWN BEIRUT | 01 991111 AÏSHTI DUNES CENTER VERDUN STREET | 01 793777


L’OFFICIEL ICÔNE

“JE SUIS UNE AMOUREUSE DE LA TOLÉRANCE” Celle qui a introduit la wrap-dress et accompagné l’indépendance féminine par son style est aujourd’hui une légende vivante. Philanthrope, Diane von Fürstenberg soutient aussi les femmes avec les DVF Awards. Ambassadrice du musée de la Statue de la Liberté à New York, elle nous accorde une rencontre lors d’une halte parisienne.

Avant-gardiste, visionnaire, entrepreneuse dans l’âme, Diane von Fürstenberg incarne l’american dream. Symbole de liberté et d’indépendance de la femme, l’incontournable wrap-dress s’est vendue à plus de dix millions d’exemplaires depuis son lancement en 1974. En 2012, le magazine Forbes la présente comme la femme la plus influente dans le monde de la mode. À la tête de la fondation The Diller – von Fürstenberg Family qui soutient des organisations caritatives dans des domaines comme l’art, l’environnement, les droits de l’homme ou l’éducation, la créatrice a également lancé les DVF Awards en 2010, qui récompensent avec une bourse annuelle de 50 000 dollars des femmes ayant fait avancer la cause des femmes. Récemment, sa marque newyorkaise DVF a annoncé qu’elle allait abandonner la fourrure, un engagement qui marque le développement durable mis en œuvre par la griffe avec le soutien du Council of Fashion Designers of America. Comment a débuté votre histoire avec la mode ? Diane von Fürstenberg : Je ne voulais pas particulièrement travailler dans la mode. Je ne savais pas vraiment ce que j’allais faire mais je savais quel genre de femme je voulais être et quel genre de vie j’avais envie de mener. J’aspirais surtout à être indépendante. J’ai d’abord travaillé pour Albert Koski, le producteur français, j’étais son assistante. Il était à l’époque agent de photographes. J’ai connu Helmut

Newton… Puis j’ai travaillé pour un industriel italien, Angelo Ferretti, qui avait une usine d’impression. Quel compliment vous a le plus touchée ? C’est une question qu’on ne m’a jamais posée… Je dirais que ce qui me fait toujours le plus plaisir finalement c’est d’inspirer et de donner confiance en soi. Quels sont vos projets pour DVF ? On est retourné au concept original. DVF ce sont de belles pièces pour toutes les circonstances. Pour une femme moderne qui veut travailler, sortir… C’est avant tout le côté pratique mais sophistiqué et joli. L’essentiel, avec toujours légèreté et humour. Que représente la France pour vous ? C’est là que j’ai eu mon premier rapport avec la mode. J’avais 9 ans, je prenais le train toute seule et j’allais rendre visite à ma tante qui avait une boutique rue La Boétie. Je l’aidais à plier les pulls. Sinon, pour moi, Paris c’est la ville littéraire, ce sont les bouquins… J’ai eu une maison d’édition à Paris par le passé. Paris, c’est aussi les amis. Pourquoi vous êtes-vous engagée dans le projet du nouveau musée de la Statue de la Liberté à New York ? C’est une longue histoire. Cela faisait longtemps qu’on voulait que j’intègre le board de la fondation qui s’occupe d’Ellis Island et de la Statue de la Liberté. Au début, je n’avais pas spécialement envie. J’ai lu beaucoup de livres sur l’histoire et j’ai pris connaissance du rôle de Victor Hugo, de Gustave Eiffel et de beaucoup d’autres qui étaient impliqués. C’est en faisant allusion à un de mes livres 92

que le président de cette fondation m’a convaincue. Il a lu un passage où ma mère, qui a été déportée, m’a écrit ce mot : “Dieu m’a sauvée afin que je puisse te donner la vie. En te donnant la vie tu m’as rendu la mienne. Tu es mon flambeau de liberté.” J’ai finalement accepté et j’ai récolté plusieurs millions de dollars pour ce projet. Que symbolise la Statue de la Liberté pour vous ? Elle appartient à tout le monde, elle représente la liberté et la mère des exilés. Elle a selon moi un véritable pouvoir et son flambeau peut être vu comme une baguette magique. Que renvoie la notion d’immigration pour vous ? Elle rime avec tolérance. Mes parents sont des réfugiés. Moi-même, je suis une immigrée. Je suis une amoureuse de liberté et de tolérance. Avez-vous toujours été philanthrope ? La philanthropie vient avec l’âge. Ce qui me préoccupe le plus ce sont les femmes. J’ai lancé le DVF Awards il y a près de dix ans pour rendre hommage aux femmes qui ont fait preuve de leadership, de force et de courage dans leur domaine. Quelle est votre devise ? Fear is not an option. (La peur n’est pas une option, ndlr.) Comment vous décrivez-vous ? Guerrière, honnête, énergique, provocatrice, mère, grand-mère et amie. Comment vous voyez-vous dans dix ans ? J’espère être toujours là et j’espère monter une plateforme pour aider les femmes à se réaliser.

Photo Thomas Whiteside

PAR LÉA TRICHTER-PARIENTE


Diane von Fürstenberg dans son bureau à New York en 2014.


L’OFFICIEL STYLE

Photos Prod Antzoulis

TANIA GEORGE IMPRIME SES SOUVENIRS

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L’OFFICIEL STYLE

Tout ce qu’elle fait est juste très mignon. La réponse levantine au kawaii japonais. La créatrice jordanienne Tania George crée sous sa marque éponyme des vestiaires pop taillés dans des tissus imprimés de ses propres dessins. Ses modèles sont cousus par des artisans d’Amman qui travaillent à domicile. PAR F.A.D

A quel moment vous est venue la vocation de créer des vêtements ? Depuis l’âge de six ans je crée des choses de mes mains. Chaque été, je m’emballais pour un travail manuel différent et j’en faisais des objets que je vendais. Malheureusement, mes seuls clients étaient les membres de ma famille. Je rêvais de devenir peintre, mais en grandissant, et en me familiarisant avec les notions de mode et de vêtement, j’ai compris que ce que je voulais faire, c’était combiner l’art et la mode.

Jordanie et notre héritage. Elle témoigne de l’ancien et du nouveau, des trésors cachés de la vie quotidienne, des choses qui ont fait partie de notre enfance dans les années 1990 et d’autres, exquises, qui font partie de notre environnement, comme les camions musicaux des livreurs de gaz et les pickups exagérément décorés. Toutes ces spécificités jordaniennes que les habitants ne voient plus. Qui a été votre exemple, votre mentor ? Aziz Ammoura qui est mon professeur de dessin depuis que j’ai 11 ans. Il m’a tout appris sur l’art et la peinture, mais il a surtout forgé la manière dont je réfléchis aujourd’hui. Johannes Egler, mon professeur à Polimoda, Florence, qui m’a aidé à trouver mes points forts dans la mode et la direction que j’ai adoptée. Ma mère, certainement, avec sa liberté d’esprit. Elle m’a appris à profiter de la vie et absorber tout ce qui nous entoure. Mon père, un grand travailleur qui m’a prouvé par l’exemple que rien n’était impossible, à condition d’y travailler assidument. Ma tante Nivin et la tendance « Grand-père » m’ont fait apprécier le côté amusant et intéressant de la mode.

A part le stylisme, quel est le métier que vous auriez aimé exercer ? Sûrement quelque chose en rapport avec la musique. Peutêtre que si j’avais eu une plus belle voix ou si j’avais su jouer d’un instrument, j’aurais fait partie d’un groupe. Alors oui, j’aurais sûrement été musicienne. Quelle est la cause que vous défendez à travers vos créations ? Ce que je souhaiterais, à la longue, c’est que cette marque reste fidèle à elle-même et à ses origines. La Jordanie est notre principale source d’inspiration, ainsi que la création artisanale parfaitement comprise et réalisée par chaque main qui y participe. Notre principal objectif est d’offrir le meilleur de notre pays, que ce soit à travers l’inspiration ou le savoir-faire. Nos couturiers sont sélectionnés avec soin, et ils livrent leur magie de chez eux, puisqu’ils travaillent à domicile à Amman ou à travers la Jordanie, pour réaliser nos pièces inédites. La marque représentera toujours la

Que vous ont apporté vos études et stages à Florence ? Faire ses études à Florence est simplement magique ! Mais c’est surtout après avoir travaillé à la Stamperia Fiorentina que j’ai découvert mon amour pour le design et l’impression textile. Cette expérience a un impact important sur mon travail aujourd’hui. 95


L’OFFICIEL STYLE

Que représente pour vous la Jordanie ? Je suis née et j’ai grandi à Amman. Ce n’est qu’après avoir quitté ma ville deux ans durant que j’ai commencé à l’apprécier et à la regarder différemment. La Jordanie est pour moi un lieu très spécial. Ma ville m’amuse et j’adore le chaos qui y règne. Il me rafraîchit. J’adore observer la vie quotidienne en Jordanie. J’aime fondamentalement documenter notre culture et y découvrir sans cesse de nouveaux comportements que je traduis dans mes collections. Cela fait partie de l’ADN de notre marque. Quel est votre souvenir d’enfance le plus marquant ? Les étés surtout. A l’âge où je portais un monokini spectaculairement coincé entre mes fesses, la glace à la vanille qui me dégoulinait dessus tandis que j’attendais que mon père sorte de l’eau pour remonter sur le bateau. Je pouvais passer des journées entières étendue sur le pont, à l’ombre, l’oreille collée au plancher à rêvasser en écoutant le bruit de l’eau. Les chips bon marché et la barbe à papa qu’on retrouve dans les imprimés Tania George.

Quelles sont les lectures, les films ou les œuvres d’art qui vous ont le plus inspirée ? Wes Anderson, depuis mes débuts. Egon Schiele et Klimt, mes artistes préférés depuis toute petite. La musique sous toutes ses formes est toujours présente quand mon inspiration atteint un pic. Mais c’est surtout la Jordanie -le chaos de ses rues, les couleurs, le kitsch, l’aspect aléatoire de ses autoroutes et magasins- qui me stimule le plus. Comment se déroulent vos journées d’une manière générale ? A Amman, vous me trouverez dans mon atelier à Weibdeh. Souvent, je prends un déjeuner rapide chez Najla, en bas de l’immeuble (ils annoncent leur plat du jour sur leur page Facebook) ou à Joz Hind, tout aussi rapide et léger. Sinon, je vais à Shams al balad, un restaurant adorable où on sert une cuisine arabe avec un léger détournement. Je pourrais prendre aussi un ou deux petits breaks chez Rumi. Quand je me sens démotivée ou à court d’idées, je vais à l’amphithéâtre romain, ça me donne un coup de fouet à chaque fois différent. Pour dîner, j’aime bien Jasmin House, et pour une collation très, très tard, il y a toujours le KitKat. Côté bar, j’aime bien le Bonita. Mais ce que j’aime le plus, c’est conduire à travers la ville et m’arrêter pour admirer les vues d’Amman. Nous avons tant de collines, il y a tant à découvrir ! Faites un vœu Voir mon équipe grandir de manière organique. Initier des collaborations pour voir ce qu’il peut en sortir. Si seulement nous pouvions préserver notre héritage, arrêter de construire des trucs modernes et prendre soin de notre passé, surtout à Amman et en Jordanie. Voir se développer l’industrie jordanienne et continuer à être fière des produits Made in Jordan.

taniageorge.com 96

Photos Prod Antzoulis

Quel est le profil de votre cliente type ? Jeunes, âgés, originaux, curieux, fonceurs, n’importe qui, homme ou femme, qui aime danser, explorer, s’amuser et porter des pièces originales. Il faut aussi être sentimental, parce que nos créations en appellent à la nostalgie et vous nourrissent de couleurs et d’histoires. Nos créations s’adressent aussi à celles et ceux qui aiment connaître l’origine de leurs vêtements et l’histoire qui les sous-tend. Ma mère, une toute mignonne femme de 65 ans qui n’a pas peur de s’habiller funky avec des choses qu’elle ramène de ses voyages, serait la cliente type. Ce qui n’empêche pas qu’une jeune femme de 23 ans qui aime les fringues et les imprimés soit elle aussi notre cliente type.


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L’OFFICIEL STYLE

Qui êtes-vous, Daniel Lee ? Depuis sa nomination comme directeur artistique de la maison Bottega Veneta il y a un an, il n’a presque pas pris la parole. Pourtant, son travail intrigue et séduit. Focus sur son parcours, ses inspirations et ses premières collections. PAR LAURE AMBROISE

Les prémices Pour sa première collection, la prefall 2019, il a pris ses marques avec des silhouettes très minimales, des coupes trapèzes, des vestes en maille, des chemisiers en soie, des blazers stricts et des trenchs en cuir tressé, le tout coloré de noir, beige, camel électrisé de turquoise, orange et jaune presque fluo. Pas de flou mais une mode au cordeau sans être austère, avec l’idée d’une féminité assumée. Avec lui, Bottega Veneta n’a donc pas seulement changé de designer mais aussi d’identité. Le premier défilé Pour l’automne-hiver 2019/20, Daniel Lee a fait défiler hommes et femmes ensemble. À cette occasion, il a su mettre en avant l’ADN de la marque avec, bien évidemment, le cuir et son tissage intrecciato qu’il a revisité en format oversize. Une belle entrée en matière sur sa vision propre de l’héritage 98

maison. Avec lui, la femme Bottega est conquérante et forte, habillée de combinaison de cuir, de trench droit, de jupe trapèze et d’encolure basculée, le tout accessoirisé, entre autres, du sac “The Sponge Pouch”, l’emblématique pochette oversize de la maison, et des bottes motardes aux semelles à plateformes démesurées. Un univers inspiré Parmi les influences de Daniel Lee, il y a l’Italie, sa culture, son sens de la famille et l’importance du cinéma. Mais aussi une certaine idée de la sensualité et une vision de la beauté démocratique. Lorsqu’il fait référence à des personnalités, il évoque Monica Vitti, PJ Harvey, Stefano Pilati ou Gianni Agnelli. Et de nombreux artistes tels qu’Irving Penn, Helmut Newton, Rachel Whiteread et, plus particulièrement, Ellsworth Kelly. Un succès prometteur La collection automne-hiver 2019/20 a convaincu la presse comme les acheteurs. Depuis l’arrivée de Daniel Lee, les ventes du prêt-à-porter ont augmenté sur tous les marchés, ce qui n’empêche pas le designer de déclarer : “Cette saison, nous avons pris du recul et analysé ce qui avait fonctionné jusqu’à présent, ce qui était solide, mais aussi les domaines où je sens le besoin de nous améliorer.” On a donc hâte de voir la suite !

Photos Tyrone Lebon, Dinendra Haria/Wenn.com/Alamy Stock Photo

Le nom de la saison Inconnu du grand public et de la presse, Daniel Lee ne l’est pas des grandes maisons. Ce jeune Anglais, né à Bradford dans le Yorkshire, qui a étudié à la fameuse Central Saint Martins de Londres (promotion 2011), a, à seulement 33 ans, un CV impressionnant. S’y succèdent Maison Margiela, Balenciaga au côté de Nicolas Ghesquière et, surtout, Phoebe Philo chez Céline (de 2012 à 2018) dont il fut le directeur du prêt-à-porter.


L’OFFICIEL STYLE

Ci-dessus, deux silhouettes du défilé Bottega Veneta automne-hiver 2019/20. Ci-contre, “Untitled (Stairs)” (2001), de Rachel Whiteread, à la Tate London. Page de gauche, Daniel Lee.


GEMMES À AIMER Une étincelle sur la peau, un reflet lumineux qui semble émaner de la carnation même. Elle attire le regard, brille au soleil ou sous les projecteurs, irradie la photo. Depuis le fond des temps, les bijoux nous subliment. Mais ils n’ont jamais été aussi beaux. Photographie Bachar Srour Direction de création Mélanie Dagher Direction artistique Sophie Safi


Collier, CARTIER.



Bracelets, PIAGET.


Collier et boucles d'oreilles, TABBAH. Page de droite: bracelet, BVLGARI.




Boucle d'oreille, MOUAWAD. Page de gauche: bracelets, BUCCELLATI.



Bagues, NADA G. Page de gauche: boucle d'oreille, GEORGE HAKIM. Remerciements, Nayla Mouawad.


Photo Pulse


L’OFFICIEL HORLOGERIE

« PIAGET SOCIETY » CÉLÈBRE L’OUVERTURE DE PIAGET À AÏSHTI D.T. Le 2 juillet dernier, les « beautiful people » de Beyrouth s’étaient joints à JeanMarc Shammas, directeur de la marque Piaget pour le Moyen-Orient et l’Inde, et à Tony Salamé, fondateur et président des magasins de luxe Aïshti ainsi que son épouse Elham, directrice des achats féminins, pour fêter l’ouverture de Piaget au sein de Aïshti D.T. PAR F.A.D

ou en mouvement automatique. Des idées marketing se développent en parallèle, avec un « Salon Piaget » créé en 1950 à Genève, où l’on peut découvrir le savoir-faire des artisans et la créativité des concepteurs. La joaillerie est introduite dans l’horlogerie et très vite fait son apparition la célèbre montre Piaget en serti pavé, icône absolue de la marque. Jackie Kennedy, Elizabeth Taylor, Sophia Loren, mais surtout Salvatore Dali et Andy Warhol qui créent pour la maison des éditions limitées, contribuent au prestige de Piaget. Bientôt, à l’initiative d’Yves Piaget, fils de Gerald et quatrième génération de l’entreprise, le nom de la marque s’associera au polo, sport des rois, accentuant encore davantage son prestige.

« Faire ce qui n’a jamais été fait avant », telle est, depuis 1963, la devise de Piaget, maison horlogère iconique, partie de la région de Neuchâtel pour conquérir le monde. Mais cette directive de Valentin Piaget, issu de la troisième génération de cette maison familiale, ne fait que confirmer une quête d’excellence enclenchée en 1910. Cette année-là, George-Édouard Piaget, concepteur de mouvements, fonde en Suisse, à la Côte-aux-Fées (un nom qui ne s’invente pas), une maison horlogère qu’il destine d’emblée à l’excellence, créant dans la foulée, en cadeau à sa femme, une montre qui fera date dans l’histoire de la manufacture. Dix ans plus tard, fort de cet exemple, Timothée Piaget, fils de George-Édouard, fait évoluer la société de la fabrication de mouvements à la création de montres de poche de luxe et de montres bracelets. Les années 1940 voient arriver à bord de ce navire amiral Gérald et Valentin, représentants d’une troisième génération tout aussi créative, audacieuse et engagée que les précédentes. La maison se développe davantage, fonde une nouvelle usine à la Côte-aux-Fées et acquiert une dimension internationale. Quand l’horlogerie rencontre la joaillerie Dès la fin des années 1950, Piaget révolutionne le monde de l’horlogerie avec une montre ultraplate qui sera sa marque de fabrique. La mode est lancée, et la minceur de la montre devient dans la décennie suivante un summum d’élégance et d’ingéniosité, que ce soit en remontage manuel 111

Élégante et décontractée, précieuse et sportive, luxueuse et discrète, audacieuse et classique, la maison Piaget dont une grande majorité des employés appartiennent à la famille éponyme, incarne un art de vivre où se conjuguent modernité et valeurs immuables. Portée par une « Piaget Society » grandissante, elle franchit avec grâce le nouveau millénaire en créant en 2001 de nouveaux ateliers à Planles-Ouates, à Genève. Encore un nom prédestiné. Entre magie et nuages, l’esprit Piaget rayonne au centre-ville de Beyrouth, au sein du très éclectique grand-magasin Aïshti où il a rencontré de véritables initiés.

137 El Moutran Street, Centre-ville, Beyrouth, GF, +961 1 911 111 ext.104-105


L’OFFICIEL ANATOMIE D'UN BIJOU

LA COLLECTION “VINTAGE” DE BUCCELLATI La maison de joaillerie italienne célèbre son centenaire en proposant une sélection choisie de bijoux anciens au sein de son nouvel écrin parisien. Une prodigieuse leçon d’élégance. PAR HERVÉ DEWINTRE PHOTOGRAPHIE JULIEN ROUX

À l’origine Buccellati, c’est la saga d’un savoir-faire d’exception, c’est aussi l’épopée d’une famille qui n’a jamais voulu céder aux sirènes du compromis. Un feu sacré qui s’est transmis de Mario Buccellati, qui fonda la maison en 1919, à son fils Gianmaria, qui fit de la maison un empire durant ses 70 ans de carrière. Aujourd’hui, Andrea, auprès de sa sœur Maria Christina et de sa fille Lucrezia, perpétue une dynastie dédiée à l’exaltation des canons esthétiques de la Renaissance. Une maestria distillée au compte-gouttes : seuls 7 000 bijoux sont produits par an. Le déclic L’histoire d’amour entre la capitale française et la maison milanaise ne date pas d’hier. Gianmaria Buccellati adorait Paris. Face à des concurrents de poids, il remporta, lors d’une vente à la chandelle, un premier magasin place Vendôme en 1979. Cette affinité sélective perdure désormais avec une nouvelle boutique située près de l’hôtel Costes, au 239, rue Saint-Honoré. Pour faire honneur à cet écrin dont

l’inauguration coïncide avec le centenaire de la maison, la famille a lancé la collection “Vintage” comprenant une série de bijoux et de pièces d’argent exceptionnels. Le savoir-faire Les nombreux adorateurs de Buccellati se précipiteront pour découvrir ces trésors présentés dans leur boîte d’origine. Le goût personnel de chaque génération brille sur ces objets précieux : on retrouve avec plaisir l’opulence des bijoux conçus par Gianmaria, le style Régence des créations de Mario, l’univers géométrique d’Andrea et, couronnant le tout, ce travail remarquable de la matière, ce goût exquis qui donnent à ces pièces uniques un cachet inimitable. La virtuosité est décidément indémodable. Collier anniversaire “100 ans de savoir faire et de création” en or jaune gravé, aigues-marines taillées en cœur, émeraudes et rubis, modèle réalisé par Gianmaria Buccellati en 1992, pièce unique vendue avec certificat et copie du dessin d’origine, collection “Vintage”, Buccellati. 112


L’OFFICIEL ANATOMIE D'UNE MONTRE

LA « LIMELIGHT GALA » DE PIAGET La dernière-née des ateliers Piaget est une « old soul ». Issue des années « jet set », la montre Limelight Gala, à l’origine ovale, revient avec un boîtier circulaire entourée de ses iconiques cornes ou griffes serties de diamants remontant jusqu’au poignet. Un double chefd’œuvre d’horlogerie et de joaillerie. PAR F.A.D.

Photo DR

Le mythe La genèse de la Limelight Gala remonte à 1973, année paroxystique des « Trente Glorieuses », cette période de prospérité économique avec laquelle le monde occidental n’a plus jamais renoué durablement. Aussi, le retour de ce garde-temps est-il en soi tout un symbole et une invitation à perpétuer l’esprit d’optimisme et de fête, la créativité, le glamour, la sensualité, la générosité et l’élégance absolue de l’époque qui l’a vu naitre. Les deux « cornes » serties de diamants de cette montre joyau semblent vouloir enlacer dans l’ébauche d’un mouvement dynamique tout le tour du poignet, associant dans un même rythme la pulsation du temps et celle du cœur. On l’aura compris, il ne s’agit pas ici de « lire » le temps mais de le vivre pleinement. Le défi Cette montre pour femme en or blanc et diamants est garnie ici d’un bracelet en satin noir. Réinterprétation d’une icône glamour de 1973, cette montre de luxe sertie déploie sa féminité dans une élégante boîte ronde de 26 ou 32mm en or blanc, sublimée par deux cornes allongées et cambrées épousant parfaitement le poignet. Son galbe est rehaussé d’une lunette sertie de diamants ronds de taille progressive. Le cadran argenté de cette montre en or blanc pour femme affiche un classicisme épuré aux notes contemporaines, avec des chiffres romains noirs assortis au bracelet de satin à boucle ardillon sertie d’un diamant. 113


DANS MON SILLAGE

Tête, cœur, fond… le parfum est une géographie mystérieuse qui se déploie d’arêtes en volutes, d’angles vifs en rondeurs envoûtantes.

Photographie Tony Elieh Direction de création Mélanie Dagher Direction artistique Sophie Safi


Eau de parfum, "Her", BURBERRY. Page de gauche: eau de toilette, "Un Jardin sur la Lagune", HERMÈS.


Eau tendre, "Chance", CHANEL. Page de gauche: eau de parfum, "The Only One", DOLCE & GABBANA.



L’OFFICIEL BEAUTÉ STYLE

LE CIL SUPERSTAR Pleins feux sur les yeux : repéré sur les podiums des dernières fashion weeks, le regard dramatique signe un retour en force.

XXL et théâtral, le cil s’impose comme le statement ultime d’un look nude tout en sobriété, avec lèvres et teint en sourdine. Chez Vivienne Westwood, la prodige des pinceaux Isamaya Ffrench imagine un cil-bijou aux allures disco ; pour le défilé haute couture de Valentino, l’illustre Pat McGrath crée un regard fleuri aux accents surréalistes (en photo) ; tandis que Peter P­hilips nous plonge au cœur des 60s lors du défilé Dior où il dessine des cils au liner, à même la peau. 118

Photo Marcio Madeira

PAR MÉLANIE MENDELEWITSCH


L’OFFICIEL MAKE-UP

RUÉE VERS L’OR Pour célébrer l’été, Tom Ford Beauty imagine Soleil Summer 2019, une collection de maquillage incrustée à l’or 24 carats. PAR MÉLANIE MENDELEWITSCH PHOTOGRAPHIE CÉCILIA POUPON S ET- D E S I G N C L A I R E B O U R R A S S É

Flamboyante et sexy, la collection Soleil Summer 2019 de Tom Ford Beauty sublime le hâle estival. Véritables concentrés de lumière, ces produits incrustés d’or pur parent le teint, les yeux et les lèvres d’un glow sans pareil. Malin et tout-terrain, le fond de teint Cushion Compact doté d’un indice SPF40 et de poudres de perles lumineuses hydrate et rafraîchit la peau parfois éprouvée par la chaleur. Facile à transporter dans son boîtier compact, il est idéal pour des retouches discrètes en journée, que l’on se trouve au bord de l’eau ou en pleine jungle urbaine. Quant à la poudre bronzante Glow, elle rehausse le teint sans dessécher ni plomber la carnation grâce à l’alliance de beurres de mangue, de cacao et de cupuaçu d’Amazonie. Mention spéciale aux ombres à paupières Acqua Métal résistantes à l’eau, meilleures alliées des naïades, ainsi qu’au Soleil Lip Blush qui teinte les lèvres d’une couleur rosée subtile et nous suit du soleil matinal aux bains de minuit sans faillir. 119


L’OFFICIEL BIEN ÊTRE

SUCCESS STORY : LA MER Retour sur la genèse d’une marque d’exception et sur l’un de ses best-sellers devenu produit culte, Le Concentré. PAR MÉLANIE MENDELEWITSCH PHOTOGRAPHIE MARINE BILLET

Une histoire hors norme Forte d’un background historique riche qui a largement contribué à sa légende, la Mer naît dans les années 1950 sous l’impulsion du Dr Max Huber, physicien en aérospatiale. À la suite d’une explosion accidentelle survenue au sein de son propre laboratoire au cours d’une expérience malencontreuse, le scientifique se voit gravement brûlé au visage. Faute de remèdes cosmétiques adaptés, il transformera cet accident traumatique en découverte résiliente : durant douze ans de recherche intensive, il s’attelle à concocter des solutions adaptées aux peaux les plus endommagées en mettant à profit les bienfaits réparateurs des algues marines, jusqu’alors insoupçonnés. Une concentration exceptionnelle La clé de voûte de ces soins d’exception ? Le Miracle BrothTM, un puissant élixir aux propriétés inégalées obtenu grâce

à un protocole de fabrication fascinant. Un processus minutieux qui met à profit les vertus des algues marines, et transforme jusqu’aux peaux les plus endommagées. Récoltées à la main et exposées à la bio-fermentation durant quatre mois, elles sont ensuite soumises à des vibrations qui miment le ressac des vagues, ainsi qu’à une lumière qui reproduit la lueur de la lune. Contenu en quantité maximale dans ce soin ultra-concentré, ce Graal absolu de toute beautista qui se respecte déploie ses super-pouvoirs à l’infini : soin SOS à l’usage des peaux brûlées ou fragilisées, Le Concentré constitue une barrière protectrice qui régénère la peau et la préserve des méfaits de la pollution et des effets du stress oxydatif. Prodigieux, ce sérum est aussi d’un grand secours sur les cicatrices d’acné, répare les cellules cutanées fragilisées après une exposition solaire et atténue rides et ridules de façon bluffante. Véritable shot 120

énergisant, le Concentré vient réveiller les mécanismes d’auto-régénération de la peau trop souvent assoupis et donne un coup de boost considérable au renouvellement cellulaire, tout en favorisant l’hydratation. Dès les premières applications, on observe une diminution nette des rougeurs et des irritations et une unification globale du teint, qui apparaît comme illuminé. Un incontournable des backstages Férue de solutions beauté aussi luxueuses qu’efficaces, la faune fashion a rapidement intégré les soins La Mer parmi ses produits fétiches. Régulièrement cités par Gisele Bündchen, Anja Rubik, Cara Delevingne ou Jourdan Dunn parmi leurs soins favoris, les sérums, crèmes et autres huiles La Mer figurent aussi en bonne place dans les interviews beauté du site Into the Gloss, bible des beautistas fondée par Emily Weiss.



LANA HORS L’ARMOIRE


En moins de dix ans, Lana el Sahely a fait d’un simple blog, « L’armoire de Lana », une entreprise à part entière, entre e-magazine et e-commerce. Adulée par plusieurs centaines de milliers d’abonnés sur Instagram, cette jeune maman a acquis dans l’industrie de la mode et du luxe une crédibilité qui fait autorité. Sa silhouette de rêve est sculptée à force d’entraînement et de diète adaptée. Sa beauté singulière, yeux clairs, teint mat, lèvres pulpeuses, est exaltée par la moindre touche de maquillage. Elle partage tous ses tuyaux en direct avec ses « followers ». Par F.A.D Photographie Clara Abi Nader Stylisme Charles Nicola Direction de création Mélanie Dagher Direction artistique Sophie Safi Lieu Aïshti Foundation


Qu’est-ce qui dans votre parcours vous a prédisposée à devenir une des blogueuses les plus suivies au Moyen Orient ? J'ai grandi dans un environnement très conservateur, élevée par des parents extraordinaires qui nous ont appris que le travail acharné mène à tout. Par-dessus tout, j'ai appris l'éthique du travail et l’art d’utiliser les moyens honnêtes et appropriés pour atteindre mes objectifs. J'ai aussi appris à ne jamais mentir et à m’efforcer d'être fidèle à moi-même. Ma mère est ma muse et j’ai appris d'elle l'amour du beau. A quel moment a eu lieu le tournant, qu’est ce qui a fait qu’un hobby est devenu une profession à part entière ? Le jour où j’ai enregistré L’ Armoire De Lana en tant que société. C'était à la fois extraordinaire et terrifiant, car tous mes engagements ont pris tout à coup une tournure très officielle. Avez-vous une équipe ? que fait chacun ? Oui, j'ai la chance de travailler depuis plusieurs années déjà avec Bouchra Boustany, qui gère tous mes projets avec son équipe. Nous recherchons actuellement un coordonnateur de projet ! Je suis également heureuse de travailler avec de nombreux photographes, vidéographes et talents incroyables. Quel a été le moment le plus heureux de votre carrière ? J'ai la chance d'avoir vécu de nombreux moments exceptionnels, heureux et épanouissants. Pour n’évoquer que quelques-uns… Je me revois marchant dans le défilé Dolce & Gabbana à Milan. Comme j’étais la seule à représenter le Moyen-Orient, Naomi Campbell m'a choisie pour participer au défilé «Fashion for Relief» à Cannes. J’ai pu ainsi assister à certains événements des plus exclusifs comme la présentation de la collection haute couture Valentino à Rome, avec le lancement du LDL Shop. Un an plus tard, je collaborais avec Fendi Global sur l’édition d’une petite poupée nommée Lana, qui a été vendue en 3 semaines dans le CCG. Je me sens privilégiée et pleine de gratitude Vous est-il arrivé d’avoir envie d’arrêter ? Bien sûr, cela m’arrive souvent, car je suis une âme très

sensible. Mais je me suis offert une pause après mon accouchement, je voulais vraiment prendre du temps et ça a été une période merveilleuse. Quelle est la griffe de mode qui vous ressemble le plus ? Je ne peux pas en choisir une seule car je crois à la polyvalence du style. Je mêle constamment les créations de mes maisons de mode préférées à celles de marques contemporaines très intéressantes ou de talents régionaux émergents. Quel est le profil type de vos followers ? Je pense que beaucoup de mes abonnés me suivaient avant même que je rejoigne Instagram, depuis le lancement de mon blog. Cela crée une relation merveilleuse et je me sens très proche d’eux. Constamment, de nouvelles personnes du monde entier nous rejoignent. Je suis heureuse de toucher tant les jeunes que les amoureux du luxe. Qu’attendent-ils de vous ? Ils veulent de beaux contenus, des images, des vidéos, des choses que je partage et dont je discute en direct. Je veille à maintenir l’intérêt, partager ce que je vois, les coupes, les silhouettes, les palettes de couleurs. Sans me prendre trop au sérieux, simplement par passion. J'ai commencé toute cette aventure à cause de mon amour pour les belles histoires. Et rien n’est comparable aux incroyables histoires de la mode, qui nous font rêver aussi bien à travers les archives que les successions de collections. Comment envisagez-vous le futur ? J'espère bien sûr continuer à progresser. Quand je parle de croissance, il s’agit de tous les fronts. Cela va d’un travail sur l’amplification de mon nom de marque à la consolidation de ma présence internationale, à la construction de quelque chose de nouveau. J'aimerais continuer à être cette voix du Moyen-Orient qui parle, sur la belle scène de la mode, au reste du monde, des talents émergents et des formidables pôles créatifs que nous avons. Et j'espère que dans un an, nous dévoilerons quelque chose de vraiment cool. Restez à l'écoute.


Top et boucle d'oreille, DOLCE & GABBANA. Robe, MIU MIU. Escarpins, JENNIFER CHAMANDI.



Robe, BALENCIAGA. Boucles d'oreilles, MIU MIU.


Total look, CHLOÉ. Page de droite : escarpins, JENNIFER CHAMANDI.




Pull, HELMUT LANG. Jupe, RAG & BONE. Sandales, JIMMY CHOO. Lunettes de soleil, DIOR.



Sac, CHLOÉ. Page de gauche : total look, ALEXANDER MCQUEEN.



Deux robes, LA DOUBLEJ. Foulard,EMILIO PUCCI. Page de gauche : total look, ALEXANDER MCQUEEN.


JE NE VEUX PAS TRAVAILLER Seulement oublier. Lire un peu, mais je regarde les mots sans les entendre. Oublier, et tout me distrait. Le chat qui passe. Le dessin des carreaux. Rien ne contient mon ennui si vaste ni mes rêveries habillées de couleurs. Et puis je fume.

Légendes et photos Sarah Bahbah Direction de création Mélanie Dagher Direction artistique Maria Khairallah Lieu Zanzoun


Blouse, MIU MIU. Page de gauche: Total look, MIU MIU.


Veste, GUCCI. Pantalon, MIU MIU. Page de droite: Bralette, DION LEE. Jupe, PRADA.




Veste, GUCCI. Page de gauche: robe, BALENCIAGA.



Robe kaki, CHLOÉ. Robe fleurie, BALENCIAGA. Page de gauche: robe, LA DOUBLEJ.


Robe, LA DOUBLEJ. Sweatshirt, GUCCI. Page de droite: pull et sac, PRADA. Jeans, ETRO. Boucles d'oreilles, FENDI. Modèles Isabella Khoury, Léa Casini



Robe, GALVAN LONDON.


ÈVE EN HIVER Ce coup de soleil dans la brume, ce goût de fruits d’arrière-saison, ces bottes, ces bêtes, ces peaux déjà, où l’on s’enroule parce que l’été n’est bientôt plus qu’un frisson, un parfum de pêche et de cerise, un reste d’étincelles sur un fourreau lamé… Et si le paradis était gris et que nous étions grises, juste un peu d’avoir tant dansé ? Photographie Michèle Aoun Direction de création Mélanie Dagher Direction artistique Sophie Safi


Foulard, EMILIO PUCCI. Pantalon, THE MARC JACOBS. Mules, BALENCIAGA.


Gilet, DSQUARED2. Chemise, MONCLER BY SIMONE ROCHA. Chemise transparente, MIUMIU. Page de gauche: veste, UNRAVEL PROJECT. Body, MOSCHINO. Bottes, MONCLER BY SIMONE ROCHA.


Pull, CHLOÉ. Manteau, SAINT LAURENT. Bottes, FENDI.



Veste en cuir, HELMUT LANG.




Robe, THE ATTICO. Bottes, PRADA.


Doudoune et pull, SPORTMAX CODE. Pantalon, WEEKEND BY MAXMARA. Bottes, PRADA. Page de droite : robe, EMILIO PUCCI.



L’OFFICIEL RÉVÉLATION

SASSY SADIE P H OTO G R A P H I E K ATI E M C C U R DY STYLISME JENNIFER EYMÈRE TEXTE SHIRINE SAAD


Veste en tweed, boucles d’oreilles et bracelet en métal, résine et strass, collection Métiers d’art Paris-New York 19/2018, CHANEL.


L’OFFICIEL RÉVÉLATION

Dr. Martens et Chanel, végan et écolo, nature et tapis rouge, Sadie Sink est l’icône d’une nouvelle génération d’activistes qui rêvent en couleurs.

Avec sa crinière fauve, son regard de poupée et son attitude cool, elle est devenue une proche de la maison Chanel, a envoûté ses fans avec son personnage de Max la skateuse accro aux jeux vidéo dans la série rétro Stranger Things, a joué à Broadway avec Helen Mirren, au cinéma aux côtés de Naomi Watts, a défilé et posé pour des campagnes de mode. Elle vient d’annoncer sa participation dans une nouvelle trilogie d’horreur, Fear Street, basée sur la série de livres de R.L. Stine. À 17 ans, Sadie Sink passe sa vie en avion et signe des autographes de Buenos Aires à Paris. Elle est née à Brenham, au Texas, et c’est une obsession pour le High School Musical de Disney à l’âge de 7 ans qui lance sa carrière au théâtre. À 11 ans, elle joue dans la pièce Annie sur Broadway et dans la série d’espionnage 80's multirécompensée The Americans. Trois ans plus tard, elle retourne à Broadway pour The Audience, une pièce du Britannique Peter Morgan avec Helen Mirren, où elle incarne la jeune reine Élisabeth II. Sur le tournage du film Le Château de verre, elle se rapproche de l’acteur Woody Harrelson et de sa fille Makani, végans comme elle, qui l’inspirent pour s’impliquer dans le militantisme environnemental. En cette fraîche matinée de décembre, Sadie arrive sur le shoot à New York en jean déchiré et Dr. Martens. Sa playlist : Nirvana, Foo Fighters, Jack Johnson. Elle essaye avec grâce et gentillesse des tenues grandioses du défilé Chanel des Métiers d’arts qui vient de se dérouler la veille au Metropolitan Museum of Art. Au temple égyptien Isis de Dendour du Met, elle est apparue au premier rang en deux-pièces bleu pailleté et boots noires, créant un moment magique. Aujourd’hui, elle pose dans les plus belles tenues de la collection. Et s’émerveille devant les bijoux en métal doré d’inspiration antique, les bottes lamées, les tweeds pailletés. Sadie a atteint la gloire fulgurante en quelques mois. Elle a séduit les fans de séries, savouré les luxes de sa nouvelle vie, porté des fringues siglées à l’école avant de choisir de terminer ses études à la maison et s’est transformée en activiste. Elle profite de ses plateformes sociales (4,6 millions de followers sur Instagram) pour se battre pour les droits des animaux et le véganisme. Elle rêve de pâtes maison cuisinées

en famille, d’un déjeuner au resto végan Butcher’s Daughter, de toasts à l’avocat, d’escapades à Disneyland et de journées passées en pyjama. Elle aime la mode, bien sûr, mais aussi les marques militantes qui représentent son éthique de vie : simplicité, responsabilité, durabilité. Animée par une curiosité inépuisable, une candeur attachante, un humour désarmant, elle vit la célébrité avec grâce et humilité. “Je voyage toujours pour le travail, c’est une opportunité incroyable”, raconte-t-elle. “Ma famille ne part pas beaucoup pour les vacances, donc j’aime beaucoup voyager pour tous ces projets. Je commence toujours par faire des recherches pour trouver les restaurants végan dans chaque nouvelle ville. J’étais récemment à Londres et j’ai goûté une cuisine délicieuse dans un restaurant qui s’appelle Mildred’s et dans un indien qui s’appelle Dishoom. J’ai plusieurs voyages excitants qui se profilent à l’horizon. Je vais à Tokyo pour la première fois, je suis ravie. Mais j’espère prendre de vraies vacances cet été.” Côté mode, Sadie évolue au gré des personnages, des aventures, inspirée par sa styliste Molly Dickson, qui habille beaucoup d’actrices. “Je suis constamment inspirée par les gens autour de moi”, explique-t-elle. “Le personnage de Max dans Stranger Things a même inspiré mon style. Elle porte beaucoup de couleurs dans la saison 3. Longtemps, je préférais porter une palette plus sobre mais en filmant la troisième saison, je me suis mise à choisir des tenues plus colorées. Maintenant j’adore ça, c’est tellement fun et parfait pour le printemps et l’été. Max porte aussi des super chaussettes, j’adore.” L’été s’annonce effectivement chargé pour une ado qui aurait aimé, comme les autres, faire une pause, réfléchir à ses études universitaires. Mais en plein tournage pour Fear Street à Atlanta, elle a à peine le temps de s’ennuyer. Entre deux séances de skate et d’essayages, Sadie enfile ses baskets pour faire des sprints et travaille aussi ses salutations au soleil en vue de passer un diplôme d’enseignement de yoga. “Mais c’est un processus ralenti puisque je n’ai pas beaucoup de temps. Je suis passionnée par le yoga et je voudrais vraiment atteindre l’objectif de devenir prof. C’est impossible de prédire l’avenir, mais j’aime ce que je fais et je suis très impatiente de voir ce qui m’attend.” 160


Robe et pull en maille, boucles d’oreilles en métal, résine et strass, bottes en cuir aux talons bijoux, collection Métiers d’art Paris-New York 19/2018, CHANEL.


L’OFFICIEL RÉVÉLATION

“JE SUIS PASSIONNÉE PAR LE YOGA ET JE VOUDRAIS VRAIMENT ATTEINDRE L’OBJECTIF DE DEVENIR PROF. C’EST IMPOSSIBLE DE PRÉDIRE L’AVENIR, MAIS J’AIME CE QUE JE FAIS ET JE SUIS TRÈS IMPATIENTE DE VOIR CE QUI M’ATTEND.”


Pull en laine, collection Métiers d’art ParisNew York 19/2018, CHANEL.

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Manteau en tweed pailleté, robe en jersey, collection Métiers d’art Paris-New York 19/2018, CHANEL.

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Veste en cachemire, boucles d’oreilles en métal, résine et strass, collection Métiers d’art Paris-New York 19/2018, CHANEL. Coiffure : Ryan Richman Maquillage : Nina Park Assistant photo : Ross Thomas Assistant stylisme : Simonez Wolf


SIRINE FATTOUH SOUS L’EMPIRE DU RÊVE Artiste visuelle, Sirine Fattouh a plus d’une corde à son arc. Vidéaste, dessinatrice, peintre et sculptrice, elle n’hésite pas à multiplier les supports pour explorer les tréfonds de son inconscient autant que les incongruités de notre temps. PAR JOSÉPHINE VOYEUX

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Photos Mahmoud Reda, Sirine Fattouh "In The Middle of a Leap Into The Void", Letitia Gallery, 2019. Courtoisie de l'artiste et Letitia Gallery, Beyrouth.

L’OFFICIEL ART


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« In The Middle Of A Leap Into The Void », la première exposition individuelle de Sirine Fattouh qui se tient à la galerie Letitia, à Hamra, jusqu’au 10 août, est selon les propres mots de l’artiste, « un saut dans le vide », au sens figuré autant que propre. Cet ensemble se propose comme un hommage à « Leap into The Void » œuvre d’Yves Klein réalisée en 1960 à Fontenay-auxRoses, mais également en tant qu’expérience de dépassement de soi. « C’est la première fois que je montre une telle diversité de mon travail, que j’ose autant me dévoiler », confie l’artiste. Cette première exposition solo de Sirine Fattouh s’apparente à un parcours initiatique, un voyage inconscient dans les tréfonds de soi-même. Guidé tantôt par les néons bleutés de l’installation lumineuse Affect Infect, tantôt par la bandesonore de la vidéo Another Night In Beirut - qui retrace les pérégrinations d’un Musaharatti et de ses percussions pendant le Ramadan, le visiteur est tour à tour invité à se plonger dans ses souvenirs et rêves - pour mieux s’interroger sur le monde qui l’entoure, face à une série d’aquarelles, une photographie géante de Beyrouth, des sculptures miroirs, et deux installations - l’une visuelle, l’autre sonore.

sa réalité éveillée. Sirine Fattouh surprend par sa profonde nature empathique. De bout en bout, elle vous guide à travers son processus créatif, et sa quête artistique se fait accessible, notamment à travers un jeu de miroirs. Au centre de la galerie Letita gît une série de Dormeurs – des sculptures en argile, laiton et argent dans lesquelles se reflètent le visage et l’expression de celui qui s’en approche, sans équivoque, et tout en transparence. « Lorsque l’on tourne autour des Dormeurs, lorsqu’on les porte dans la main, on se rend compte à quel point l’expression change. Ils sont le reflet de notre for intérieur », souligne la jeune femme. Il faut dire qu’en vertu de sa grande sensibilité, l’artiste franco-libanaise fonctionne avant tout à l’instinct. Elle donne et offre spontanément, laissant à la chance une grande liberté. « In The Middle Of A Leap Into The Void » n’aurait ainsi jamais vu le jour si elle n’avait pas rencontré et eu « un coup de foudre » pour Annie Vartivarian, la directrice de la galerie Letitia et sa fille, Gaia Fodoulian. Artistiquement, le résultat est troublant : à la fois généreux, introspectif et expérimental. Surréaliste, proche du lâcher prise, Sirine Fattouh flirte immanquablement et inlassablement entre le réel et le fictif. Une vraie bouffée d’air frais !

Notre reflet dans ces visages endormis Tous les supports sont réunis pour confronter le spectateur à

sirinefattouh.com 167


7FORALLMANKIND.COM BEIRUT SOUKS, SOUK EL TAWILEH T. 01 99 11 11 EXT: 560 AÏSHTI BY THE SEA, ANTELIAS T. 04 71 77 16 EXT: 263 ALSO AVAILABLE AT ALL AÏZONE STORES IN BEIRUT, DUBAI, AMMAN



L’OFFICIEL DESIGN

ESPRIT ET SENSUALITÉ

Photos DR

PAR F.A.D

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Le succès de ses tables et séries Avocado, Talon aiguille ou Marguerite a fait de lui un pilier incontournable du design Made in Lebanon. Georges Mohasseb questionne les formes, négocie avec les volumes, peaufine les surfaces et les textures, teste la résistance et l’équilibre de tout ce qui sort de son atelier, Wood &. Tour à tour concepteur, menuisier ou forgeron, il vit son métier avec la modestie d’un ouvrier, les mains dans la matière.

Il faut avoir vu -et caressé en douce- ses tables « Avocado », coulées de résine oblongues et voluptueuses, montées sur trois pieds en laiton, saturées de couleurs profondes, où s’incruste l’illusion d’un noyau doré ; ou encore ces autres tables, baptisées « Marguerites », constituées de bouquets de fleurs forgées dont le sommet forme un plateau ; ou ces meubles perchés sur des empiétements inspirés du talon aiguille… Pleins d’humour et d’esprit, infiniment séduisants, les objets domestiques que crée Georges Mohasseb le sont par leur sensualité -au doigt et à l’œil- et ce fond de romantisme échevelé qui l’habite et qu’il a renoncé à brider. Diplômé en architecture de CUA Washington DC, ancien du New Jersey Institute of Technology et de l’École Boulle de Paris où il s’est spécialisé en ébénisterie contemporaine, ce créateur doublé d’un artisan fait partie d’une génération résolue, malgré les nombreux écueils posés par un écosystème local peu favorable au développement des entreprises, à porter haut le savoir-faire libanais. Il nous raconte.

Quelle est l’œuvre qui a déterminé votre vocation de designer ? C’est une lampe de chevet que j’ai dessinée et exécutée dans le cadre de mon année de diplôme aux États-Unis en 1994.

Depuis quand créez-vous des objets ? Je pense que la création en soi ne peut être limitée ou définie par une date précise. À l’âge de 12 ans, je passai beaucoup de temps avec les maçons et les tailleurs de pierre lors de la construction de notre maison de vacances. Ça vient peut-être de là.

Qu’est ce qui est laid ? L’éphémère, le côté bling-bling.

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Quel est le conseil professionnel qui vous a le plus marqué? Rester fidèle à ses premières intuitions dans le processus de création et ne négliger aucun détail. Ne jamais se prendre au sérieux mais, tout ce qu’on entreprend, le faire sérieusement. Quelles sont les créateurs qui vous ont aidé à déterminer votre style ? Je suis très sensible au style danois, surtout le travail de Finn Juhl et Poul Kjærholm dont j’admire l’approche, leur usage et leur maîtrise technique des matériaux nobles comme le palissandre. Côté italien, je citerais Giò Ponti et Alberto Meda. Qu’est-ce qui fait la beauté d’un objet ? Son côté intemporel. L’idée et la matière qui le définissent.

Qu’est ce qui est impossible à réaliser ? De nos jours, avec l’aide des technologies de pointe et les imprimante 3D, rien n’est impossible à réaliser.


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Le design peut-il être politique ? Le design se doit de trouver des solutions à l’échelle nationale ou régionale et répond à un mouvement social. Tel est le cas dans les pays scandinaves dont 80% de l’économie repose sur le design, sa production et son exportation. L’État y subventionne cette industrie pour une grande part. Quelle est la création que vous avez eu le plus de plaisir à réaliser ? Marguerite et Talon aiguille. Celle qui vous a donné des cauchemars ? Ne pas respecter les délais de livraison. Quel est votre plus grand succès à ce jour ? La collection Avocado. Un succès qui se poursuit.

Quelles sont les plus grandes difficultés auxquelles vous faites face dans votre métier au Liban ? Trouver des artisans formés aux métiers d’art et capables de maîtriser le matériau au-delà des compétences de l’artisanat traditionnel. Si vous pouviez attribuer une musique particulière à chacune de vos pièces, quelle serait-elle ? Talon Aiguille : La Flute enchantée de Mozart Avocado : Let the sunshine in Marguerite : L’Appuntamento d’ Ornella Vanoni Un moment de grâce ? Une nouvelle idée revigorante sur laquelle sera développée la prochaine collection, fin 2019. Un souhait ? Avoir plus de temps pour se poser, faire le vide, prendre du recul afin de mieux observer ce qui m’entoure.

woodand.com 172

Photos DR

Qu’est-ce qui vous obsède ? Le manque d’harmonie.


AVAILABLE IN LEBANON: AÏSHTI DOWNTOWN, AÏSHTI BY THE SEA, AÏZONE BEIRUT SOUKS, AÏZONE ABC ASHRAFIEH, AÏZONE ABC DBAYE, AÏZONE ABC VERDUN 01 99 11 11 EXT. 140, DUBAI: DUBAI MALL T. +971 4 3882 270, MIRDIFF CITY CENTER +971 4 284 3007, JORDAN: CITY MALL +962 6 582 3724, KUWAIT: THE AVENUES MALL +965 2259 8016

TRUERELIGION.COM


L’OFFICIEL DESIGN

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ZÉNOBIE RESSUSCITE LA MAGIE DU PAPIER

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Inspirée par Zénobie, la reine rebelle de Palmyre qui défia Rome au IIIe s. av. J.-C., la marque éponyme libanaise, lancée en 2015 par la dessinatrice Zeina Bassil, fait fureur dans le domaine de la papeterie. Avec ses calepins, ses cartes de vœux et ses illustrations aussi épurées que romantiques, Zénobie offre une seconde vie au papier. Une initiative surprenante, à l’heure où le numérique s’attire toutes les faveurs, mais ô combien essentielle et salutaire !

PAR JOSÉPHINE VOYEUX

Zénobie, c’est avant tout une parenthèse enchantée et un zeste de fraicheur. Fondée il y a trois ans par Zeina Bassil, diplômée depuis 2012 en illustration et bande dessinée de l’Académie libanaise des beaux-arts (ALBA), cette marque de papeterie offre une alternative rafraîchissante à la frénésie du tout numérique. En s’inspirant de notre quotidien aussi bien que d’anciens mythes et légendes d’ici et d’ailleurs, elle propose à tout un chacun de se reconnecter à son for intérieur. Fini donc les étalages d’humeur publics et les déclarations enflammées aux yeux de tous ; avec ses carnets de note, ses cartes de vœux et cartes postales, Zenobie redonne aux mots et à la correspondance leurs lettres de noblesse. L’intention est claire : chasser la vacuité et l’instantané des échanges numériques pour laisser place à l’émotion et aux souvenirs. « Nous avons tendance aujourd’hui à nous dévoiler complètement à notre entourage, chaque moment de notre vie est exposé sur les réseaux sociaux, ce qui fait que nous ne faisons aucun effort pour aller vers les gens ou mieux les connaître, précise Zeina Bassil, alors que la correspondance et l’écriture sur des carnets de note permettent une sorte de déconnexion du virtuel et un moment de réflexion individuel privilégié ». 175

Le passage entre ces deux mondes dont la frontière semble aujourd’hui si imperméable – le réel et le virtuel, est empreint de douceur chez Zenobie. Sur la couverture de ses calepins ou le recto de ses cartes de vœux, les illustrations sont aérées, subtiles, créatives et délicates - tantôt tracées à l’encre, tantôt à l’aquarelle. Elles racontent la simplicité de la vie, l’éclat des sentiments et la beauté de l’instant présent, quand elles n’ouvrent pas la porte à un monde féérique et mythologique. Libre cours à l’imagination : l’interprétation est propre à chacun. « Il n’y a pas de message particulier, confirme la jeune illustratrice. Les cartes n’ont pas de messages particuliers pour laisser à chacun la liberté de les personnaliser ». Une des dernières collections de Zeina Bassil, « Mystère » par exemple, représente un être chimérique inspiré du « Livre des êtres imaginaires » de Jorge Luis Borges. Sa lecture est elliptique. Au dos est inscrite la phrase : « Gardez le mystère, il vous gardera ». « Tachées de sauces, griffonnées de recettes » C’est après un stage dans un studio de graphisme à Paris que le désir d’ouvrir une papeterie grandit chez Zeina Bassil. Après plusieurs semaines de travail exclusivement digital pour des marques de luxe, la jeune femme a en effet ressenti le besoin de renouer avec ses pinceaux… Les illustrations


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et personnages qu’elle dessine alors atterriront sur les premières cartes de vœux Zenobie. « Je me rends compte que le rapport au papier a quelque chose de rassurant, souligne l’artiste. J’imagine aujourd’hui mes cartes de vœux dans de jolies boîtes bien gardées, encadrées dans une chambre ou encore dans le tiroir d’une table de chevet, mais que l’on peut consulter pour relire les mots doux d’une personne chère. Dans une cuisine, elles seraient tachées de sauces et de pates à gâteaux, griffonnées de recettes… ». Une véritable ode à la vie.

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Faudrait-il finalement voir en Zénobie un acte de résistance contre une société de plus en plus numérisée ? Un acte de résistance pour renouer avec soimême, un indispensable passage pour échanger avec autrui, ou finalement pour rompre, tout en douceur, avec le narcissisme digital ? Zeina Bassil, reine moderne de Beyrouth qui, à l’image de Zénobie, son aînée de Palmyre, n’hésite pas à se lancer dans de nouvelles conquêtes. Pour redonner au papier, son empire et premier amour, son prestige d’antan. zenobie.me 176


Available in all AĂŻzone stores T. 01 99 11 11


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“THE COUNCIL FOR VISUAL AFFAIRS”, L’ÉTOILE MONTANTE DE L’ANIMATION AU LIBAN C’est un studio d’animation et de graphisme basé entre Beyrouth et Montréal. « The Council For Visual Affairs », fondé en 2012, est d’un dynamisme rafraîchissant. Avec ses campagnes de communication et ses films en deux et trois dimensions - aussi vibrants que percutants, cette jeune et vive pousse canado-libanaise n’a rien à envier aux plus grands noms de l’animation. Portrait d’un jeune studio prometteur.

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PAR JOSÉPHINE VOYEUX

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L’OFFICIEL ANIMATION

L’histoire a commencé il y a tout juste sept ans pour « The Council For Visual Affairs ». C’est en effet en 2012 que le talentueux trio composé de l’ingénieur Nadim Zaazaa, de l’artiste visuel Ali Kays et du spécialiste en effets spéciaux Nadim Shartouny a décidé de lancer son studio d’animation à Beyrouth. A l’époque, leur leitmotiv, c’est avant tout de lier communication, technologie et design à la narration visuelle. Aujourd’hui, leur velléité de raconter des histoires en images est toujours aussi forte mais la jeune structure s’est depuis transformée en une véritable petite entreprise et a ouvert son antenne de l’autre côté de l’Atlantique, au Canada. Résultat : le studio d’animation « The Council For Visual Affairs » emploie aujourd’hui une dizaine d’illustrateurs, de développeurs, d’animateurs et de graphistes entre Montréal et Beyrouth. Il faut dire que l’ingénieux trio fondateur a trouvé son crédo au fil des années. Il a su jouer avec les codes de l’animation 2.0 pour se faire remarquer à l’échelle internationale, sans jamais se fondre dans un moule pour autant. Depuis le lancement de son studio, il a su imposer sa marque de fabrique grâce à une signature bien singulière, créative, esthétique, mais surtout avant-gardiste et audacieuse. Sans détour, « The Council For Visual Affairs », dont Nayla Mabsout a désormais rejoint l’équipe dirigeante, aborde ainsi les sujets de société les plus brulants voire les plus tabous, comme le pouvoir d’Internet et l’excision dans le monde arabe. 179


L’OFFICIEL DESIGN

Et c’est sûrement cela la clé du succès de « The Council For Visual Affairs » : la concertation, l’échange et la communication. Le trio directeur du studio d’animation sait tirer profit du savoir-faire et des compétences de chacun en se basant sur le brainstorming. La magie, sans surprise, opère par la suite : chacun, avec son bagage, apporte ses références

culturelles au projet, qu’elles soient tirées du cinéma, de l’animation, des beaux-arts, de la littérature ou encore des arts visuels. Conséquence : « The Council For Visual Affairs » enchaîne les projets: après la vidéo “The Internet Society” qui promeut le développement d’internet tout en questionnant la transparence et la confidentialité des données, et la campagne de sensibilisation contre les mutilations génitales réalisée pour le Fonds des Nations Unis pour la Population, le studio d’animation s’est récemment attelé à la création d’une animation en deux dimensions pour le 100ème anniversaire des cinémas Empire, en collaboration avec Banana Monkey. Le résultat est à chaque fois saisissant : le fruit d’un meltingpot de savoir-faire qui se complète, pédagogique, percutant et contemporain, 100% efficace, tout en restant ludique. La recette du succès.

thecouncil.com.lb

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Brainstorming et campagnes percutantes Comment trouver sa place au sein d’internet ? Qui contrôle la Toile ? Comment ce réseau fonctionne-t-il ? Comment survit-on aux mutilations génitales ? Pourquoi excise-t-on toujours les jeunes femmes en Afrique et au Moyen-Orient ? Engagé, « The Council For Visual Affairs » reste toujours pédagogique pour embrasser en images la marche du progrès. « Le point de départ de chaque projet sur lequel nous travaillons est systématiquement le brainstorming, explique Nayla Mabsout. Nous discutons de sa nature, de sa portée et de ses exigences en réfléchissant, visuellement, à sa conception. Nous faisons des croquis, dessinons des ébauches de dessins et de storyboard à partir de nos idées ».



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JOAN BAZ AU PASSÉ DÉCOMPOSÉ DU DESIGN Artiste plurielle, le sourire à la commissure du talent, Joan Baz n’a pas froid à l’imaginaire. Animée par le dessin et par la mémoire, elle nous parle de sa carrière, de ses recherches et notamment du festival du Film d’Animation, « Beirut animated », dont elle co-dirige cette année la 5e édition.

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PA R N A S R I S AYE G H

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Joan Baz, à quand remonte votre première émotion animée? Enfant, je me souviens des heures que je passais devant le poste de télévision et des tentatives incessantes que je faisais pour tenter d’y entrer. J’ai finalement dû abandonner cette idée et me suis consolée en me mettant au dessin. Mon tout premier dessin animé remonte à mes années d’école; sur PowerPoint… Aujourd’hui encore, je ne sais toujours pas comment la petite fille que j’étais s’y est prise! Pourquoi “designez-vous” ? Parce que tout est palette de couleurs. Ce que je mange, ma collection de bols, mes chats, mes pages Excel. Tout est design; l’univers est ainsi fait! La mémoire semble jouer un rôle important dans votre travail ? Pourquoi et que recherchez-vous au juste ? Lorsque vous vivez dans une ville qui a perdu sa mémoire, le passé vous obsède. Dans mon approche artistique, je joue le rôle de détective usant de méthodes

d’investigations afin d’accéder aux mémoires collectives et individuelles. Au commencement de mon enquête, je ne sais pas trop ce que je recherche. D’entretien en entretien, les bribes de souvenirs, les morceaux du puzzle se mettent en place. Je cartographie ces données, puis, de manière obsessive, je cherche les liens et les motifs visuels qui en découlent. Qui sont vos maitresses et maitres à créer? En découvrant l’univers de l’artiste italien Bruno Munari, je suis tombée amoureuse de son approche ludique qui a la capacité de résonner tant chez les adultes que chez les petits. J’ai par la suite retrouvé cette approche chez l’illustrateur égyptien Mehieddine el Labbad et dans les travaux du Japonais Kazumi Komagata. Au delà de l’illustration et du design, il y a tant de choses qui m’inspirent; les livres de Rabih Alameddine, l’univers de Jocelyne Saab, les films d’animation de Gianluiggi Toccafondo… et beaucoup d’autres choses! 183


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Vous partagez cette année avec Fadi Baki la direction du Festival Beirut animated*. Que nous préparez-vous ? Oui! Beirut Animated est de retour! Nous préparons un festival où les grands noms de la scène internationale, régionale et locale seront présents. Nous posons une réflexion sur l’animation en tant que forme artistique en soi. En marge des projections, nous organisons des ateliers, des tablerondes des Masterclass ainsi qu’une collaboration spéciale avec le prestigieux Festival du Film d’Annecy en France, LA référence mondiale du cinéma d’animation.

Sur quoi travaillez-vous en ce moment? Je travaille actuellement sur les rapports entre l’espace et la mémoire. C’est une enquête sur la base d’entretiens dont le point de départ est le suivant: je demande aux personnes de se souvenir, simplement, d’un lieu, d’un endroit où ils ont vécu par le passé et, à l’aide de blocs de construction, de 184

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Comment se porte le film d’animation au Liban et dans notre région ? Alors que la liste des animateurs indépendants au Liban et dans la région s’allonge, l’animation souffre toujours d’un manque flagrant de ressources financières. Mais un grand nombre de studios de création voient le jour pour alimenter le flux commercial du web, de la téléphonie mobile… C’est un grand pas. Le monde a résolument besoin de plus de réalisateurs de films d’animation et de dessinateurs pour lutter contre les “bad guys”! (Rires)


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reconstituer cet espace. Deux pièces ont déjà été publiées par Optophono, un label de musique londonien. Par ailleurs, je suis aussi plongée dans un projet d’illustration d’extraits issus de la littérature Queer contemporaine arabe. Si je vous dis Beyrouth, que me répondez-vous en un mot ? En une phrase plutôt! “El denyeh be alf kheir” (le monde va très bien!) – (Rires). Phrase que vous entendrez à Beyrouth à l’instant où votre voiture ira percuter, par accident, une autre automobile… Si je vous dis Beyrouth que me répondez-vous en quelques coups de crayons ?

*Du 31 Octobre au 4 Novembre 2019, au Cinéma Metropolis, beirutanimated.com, joanbaz.com 185


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“Shako Mako” de Hailey Gates, le dernier chapitre de “Women’s Tales”.

CONTES DE MODE Agnès Varda, Dakota Fanning, Naomi Kawase, Chloë Sevigny, Alice Rohrwacher, Ava DuVernay, Lucrecia Martel, Zoe Cassavetes, Hailey Gates… Qui ne rêverait pas de réunir sur la même affiche ces étoiles singulières du cinéma mondial ? Miu Miu l’a fait pour une série de courtsmétrages intitulée “Women’s Tales”. PAR VIRGINIE APIOU

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Photos Brigitte Lacombe

“Hello Apartment”, de Dakota Fanning.

Comment les femmes se voient-elles au xxie siècle ? Miu Miu n’a pas attendu l’ère #MeToo pour poser la question. La maison transalpine a demandé à des artistes internationales et des femmes de cinéma d’y répondre sous forme de contes modernes. C’est bien connu, les contes sont imaginés pour éveiller nos sens et notre intelligence, tout en gardant quelque chose de l’enfance, une compréhension instinctive, immédiate. Ça pourrait être une définition de la mode et de son imaginaire selon Miu Miu. Pour autant la marque italienne n’a jamais rien imposé aux réalisatrices du projet Women’s Tales relayé sur Instagram et impeccablement documenté par, notamment, des photos signées Brigitte Lacombe. La consigne de Miu Miu est claire : faites ce que vous voulez. On vous ouvre grand l’accès à nos tissus, nos modèles, nos créations. Choisissez ! Face à ce dressing qui s’apparente à une caverne d’Ali Baba, les cinéastes allient souvenirs d’enfance, où les petites filles rêvent de se vêtir d’ultra-féminité, et vie d’adulte où l’accomplissement social des femmes passe par l’engagement. Quand le conte de fées rend romanesque la cause des femmes ! 187

Au pays des merveilles Une fois sur le site dédié, le film d’Agnès Varda, Les 3 Boutons, saute aux yeux. Au cœur d’un paysage rural d’une grande modestie, la cinéaste, qui raconte toujours autrement la vie quotidienne, fait atterrir une splendide robe de soie dans les bras d’une adolescente émerveillée. Un tissu uni, rouge comme une envie d’être vue. Ce vêtement, en apparence inadapté à la vie simple de la campagne, trouve par sa force sa place au cœur de cette Provence sombre et sensorielle chère à Giono. “J’ai tout de suite vu la juxtaposition contradictoire de la vie à la ferme et de la haute couture”, commente Agnès Varda qui adorait faire émerger des merveilles. Pas étonnant alors que le court-métrage suivant que l’on ait envie de voir soit celui de l’Italienne Alice Rohrwacher, auteure du long-métrage présenté à Cannes Les Merveilles. Petite-fille artistique de Varda, Rohrwacher compose avec l’Argentine Lucrecia Martel et la Japonaise Noami Kawase (toutes des cinéastes primées au Festival de Cannes, comme Varda !) le groupe des réalisatrices grandes formalistes et filles secrètes de Women’s Tales. De Djess, c’est le titre du court de Rohrwacher, qui filme la vie d’une robe comme on filmerait


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“De Djess”, d’Alice Rohrwacher.

un personnage qui choisit son destin. Comment porter un vêtement ? En quoi cela peut-il être autant politique que poétique ? Ce sont les questions posées par Rohrwacher, Martel ou Kawase. Dans Seed, Kawase transporte l’esthétique vestimentaire de Miu Miu au cœur de sa province japonaise chérie de Nara. Et le tissu italien aux juxtapositions naturelles semble avoir été taillé pour l’âme cosmogonique nippone. Pour Kawase, se vêtir c’est rejoindre le monde, s’y fondre au sens le plus écologique et gracieux possible. Le corps féminin est ainsi un élément parmi les autres dans une chorégraphie particulière. Muta de Lucrecia Martel adopte également cette idée que les femmes sont des êtres harmonieux. Elles participent à un ballet sensuel et pourraient être aussi vues comme une forme de doux équilibre pour la planète. C’est le détail qui imprime la rétine chez Martel, qui filme des éclats de corps féminins comme Miu Miu imagine ses motifs afin de former un être intime. Aventurières poétiques L’intimité, mot très féminin, est un des grands sujets abordés à travers ces Women’s Tales par le clan des filles douces et déterminées que sont les comédiennes réalisatrices Chloë

Sevigny et Dakota Fanning. La première fait avec Carmen le portrait mélancolique d’une fille drôle et drôle de fille, l’artiste de stand-up Carmen Lynch. En robe rouge brodée et comme gaufrée qui fait penser à l’enfance, cette brune au visage très adulte pratique calmement un humour très noir avant de marcher solitaire dans la ville. Au cœur d’un paysage urbain similaire, Fanning, comme Sevigny, s’emploie dans Hello Appartment à raviver le monde d’une vie privée, toujours objet de grands espoirs pour les femmes, grâce à la variation des couleurs fortes et des motifs à carreaux mélangés de la marque italienne, qui donnent une tension métaphorique à ce conte sur la vie sentimentale d’une très jeune héroïne. Plus directement offensifs, se développent les contes réalisés comme des rêveries musclées par le gang des aventurières poétiques. Dans That One Day de Crystal Moselle, Rachelle (incarnée par le prodige féminin du skate Rachelle Vinberg) est une ado qui intègre un groupe de skateurs. Grâce à sa présence très féminine tout en cheveux longs, en blouson jaune pâle d’une simplicité désarmante, elle se crée une famille. Il est aussi question de famille dans Spark & Light de So Yong Kim. Riley Keough y parcourt les murs aux motifs quasi surréalistes, très Miu Miu et très Jean Cocteau aussi, 188


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Photos Brigitte Lacombe

“The Wedding Singer’s Daughter”, de Haifaa Al-Mansour.

de la maison de son enfance, motifs qui vont jusqu’à épouser le corps d’une mère affectueuse et éternelle. Keough comme Vinberg sont des jeunes femmes qui, sans peur, avancent dans les couloirs d’un skate park ou d’un lieu fantasmé. En toute indépendance. Quant aux réalisatrices Ava DuVernay, Miranda July et Zoe Cassavetes, reines du ciné indé américain, elles portent un regard spirituel, dégagé jusqu’à l’absurde, sur la société occidentale au cœur de laquelle les femmes évoluent comme des oiseaux. Les superpositions de couleurs font merveille pour traduire les destins très xxie siècle, des héroïnes rigolent d’elles-mêmes dans The Door, Somebody ou The Powder Room. Debout, lovées au creux d’un canapé ou assises trop droites, ces filles n’attendent rien. Solidaires, libres, sages et stylées comme des dandys féminins, elles reçoivent ce que la vie quotidienne a d’extraordinaire à leur proposer, et dont elles comptent bien disposer à leur gré en filles réactives sans jamais chercher à dominer, seulement à partager. Women’s Tales est une œuvre collective commencée il y a neuf ans. Ses différents épisodes composent une véritable comédie humaine au féminin, un recueil de contes des mille et une femmes. Aujourd’hui, notre cover-girl Hailey Gates signe Shako Mako, le dix-septième chapitre… 189

Filmer la vie d’une robe comme on filmerait un personnage qui choisit son destin. Comment porter un vêtement ? En quoi cela peut‑il être autant politique que poétique ? Ce sont les questions posées par Alice Rohrwacher, Lucretia Martel ou Noami Kawase.


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SUR LES TRACES DU RÊVE HOLLYWOODIEN Élégie fantasmée et poignante de Quentin Tarantino à la ville de son enfance, “Once Upon a Time… in Hollywood” est aussi un jeu de l’oie, où Leonardo DiCaprio, Brad Pitt et Margot Robbie se cherchent dans les lieux emblématiques de la ville du péché. Visite guidée.

Photo Andrew Cooper/CTMG 2018

P A R J U L I E N W E LT E R

La Playboy Mansion Bien qu’investie en 1971 seulement par Hugh Hefner et ses Playboy bunnies, la célèbre maison de style néogothique/ Tudor en bordure de Beverly Hills est fantasmée par Quentin Tarantino comme lieu de bacchanales dès 1969. Dans Once Upon a Time… in Hollywood, on y croise donc Mama Cass et Steve McQueen, mais sûrement pas ses antihéros Rick et Cliff… Rick Dalton (Leonardo DiCaprio) est en effet un acteur TV dont la renommée, déjà pas fabuleuse, chancelle dangereusement vers la ringardise. Quant à son inséparable doublure, le cascadeur Cliff Booth (Brad Pitt), il ne pense même pas à se lamenter sur son sort tant qu’il peut jouer avec sa chienne adorée, Brandy, lauréate du seul prix accordé au film à Cannes cette année : la Palme Dog de la meilleure interprétation canine. Parmi les happy few du manoir, vous verrez en revanche Sharon Tate (Margot Robbie), actrice en pleine ascension et incarnation d’une jeunesse qui s’apprête à jeter le vieil Hollywood à la poubelle. Elle a bien sûr vraiment existé, contrairement aux deux autres qui sont vaguement inspirés de Burt Reynolds et de son meilleur ami, le cascadeur Hal Needham. Cielo Drive “Dire que je suis à une putain de fête, à une piscine près de tourner avec Roman Polanski !”, se lamente Rick Dalton, entre deux whiskys. L’acteur fané est en effet le voisin de Sharon Tate et de son époux Roman Polanski (le comédien polonais Rafal Zawierucha), alors considéré comme l’un des 191

cinéastes les plus en vue après le triomphe de Rosemary’s Baby. Si loin, si proche : leurs parcours respectifs (les séries western moisies d’un côté, les oscars de l’autre) ne semblent jamais être appelés à se croiser, à moins que… Tout le monde garde en mémoire les assassinats du 8 août 1969, qui ont eux aussi marqué la fin d’une époque considérée comme la plus insouciante. Ils ont été commis dans la villa louée par les Polanski (aujourd’hui démolie) au 10050 Cielo Drive, une impasse d’un quartier chic peuplé de créatifs à l’ouest de L.A. Tarantino passe cependant l’essentiel de son film à imaginer une autre histoire, une contre-histoire du rêve hollywoodien : de quelle manière – et dans quel univers parallèle – nos deux figurants que sont Rick Dalton et Cliff Booth pourraient tout de même rencontrer les Polanski ? Le Bruin Ils auraient une chance, aux alentours du Sunset Strip. Par exemple au Bruin. Ce palais du cinéma, situé dans le quartier Westwood de Los Angeles et inauguré en 1937, est toujours en activité (aujourd’hui rebaptisé Fox Bruin Theater). Il donne lieu à l’une des scènes de recréation fétichiste les plus émouvantes d’un film qui n’en manque pas, entre pastiche de séries TV et déluge de panneaux publicitaires et d’enseignes d’époque, réelles ou factices. Sharon Tate se rend au Bruin pour s’admirer elle-même dans Matt Helm règle ses comptes, une parodie US de 007 avec Dean Martin. Tandis que Margot Robbie scrute, sans dialogues superflus, les réactions des spectateurs de la salle, sur l’écran on projette "sa


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C’est là, au Spahn Ranch à Chatsworth, un district de Los Angeles dans la vallée de San Fernando, que se trouve le repaire de la “ famille” : le gourou Charles Manson et sa secte de jeunes filles embrigadées dans une folie meurtrière qui culminera le 8 août 1969.

Le drive-in Van Nuys Plus au nord, les chances d’une rencontre s’amenuisent ; la ville y montre sa part d’ombre. C’est là qu’habite Cliff Booth, dans une caravane pourrie derrière l’écran géant du Van Nuys Drive-In. Au temps de sa gloire, l’endroit, ouvert en 1948 sur Roscoe Boulevard, pouvait accueillir un millier de voitures. Quand il fut démoli, à la fin des années 1990, c’était le dernier drive-in de la vallée. Quant à Cliff, comme souvent, il s’en fiche. Il préfère regarder la télé, qu’il ne prend même pas la peine d’éteindre quand il s’en va : le symbole d’une industrie du divertissement qui, pour un Tarantino plus lucide que nostalgique, tourne à vide, dans un bruit assourdissant de réclames publicitaires et de tubes du moment (Simon & Garfunkel, Deep Purple…). Derrière son sourire, Cliff est aussi un peu inquiétant. Une rumeur court même sur son implication dans la mort de sa femme, une référence directe à celle de Natalie Wood et aux suspicions qui planent toujours sur son ex-époux, Robert Wagner. Le Spahn Ranch Encore plus au nord, il faudrait carrément songer à faire demi-tour… C’est là, au Spahn Ranch à Chatsworth, un district de Los Angeles dans la vallée de San Fernando, que se trouve

le repaire de la “famille” : le gourou Charles Manson (incarné par Damon Herriman) et sa secte de jeunes filles (jouées notamment par Lena Dunham et Dakota Fanning) embrigadées dans une folie meurtrière qui culminera le 8 août 1969, au 10050 Cielo Drive. Aussi appelé Spahn Movie Ranch (aujourd’hui parc naturel protégé), l’endroit a accueilli de nombreux tournages de westerns. Cliff, lorsqu’il a la mauvaise idée de ramener une Manson’s girl chez elle, connaît donc l’adresse : il y a longtemps tourné ses cascades. À défaut d’y rencontrer Sharon Tate, il va se trouver nez à nez avec des hippies pas du tout flower power, aux ordres d’un leader, chanteur raté mais vrai proxénète, mû par sa haine contre le monde des nantis en général, et contre le producteur Terry Melcher (fils de Doris Day) en particulier, qui lui aurait promis un contrat discographique. À moitié en ruine, le Spahn Ranch présente naturellement une atmosphère de western : silence lourd, buissons secs balayés par le vent et une poignée d’habitants qui voient arriver d’un mauvais œil l’étranger, qui plus est s’il appartient au show-business. De quoi, pour Tarantino, réussir une magistrale scène de tension. Cinecittà Au-delà des collines de Hollywood, il y a peut-être encore un avenir pour Rick Dalton. Encore faut-il qu’il l’accepte. Car, encore davantage que les hippies, l’acteur, plutôt conservateur, a horreur des westerns spaghetti. Pourtant, selon l’agent Marvin Schwarz (un Al Pacino très goguenard), c’est pour lui la dernière chance : partir cachetonner à Rome dans les studios italiens de Cinecittà. Là, Tarantino, plus scorsesien 192

que jamais, fait raisonner The Rolling Stones dans la B.O. : “Baby, baby, you’re out of time.” Il jongle bien sûr avec l’idée de célébrité en faisant jouer ces deux losers par deux superstars (DiCaprio et Brad Pitt) au faîte de leur gloire. En miroir de son propre film, le cinéaste, à 56 ans, se questionne lui aussi sur sa place aujourd’hui, et sur son obsolescence dans un monde qui change. L’anxiété de cet auteur qui ne voudrait surtout pas faire le film de trop est palpable. Il parsème son nouveau et neuvième long-métrage de discussions à propos des célébrités dont le comportement par le passé est désormais inacceptable, de rivalité toujours plus sanglante entre grand et petit écran, du besoin de continuer à produire coûte que coûte des programmes de divertissement, quitte à tourner n’importe quoi, n’importe comment, ou encore de jeunes qui ne sont plus du tout en phase avec le monde de leurs parents, et inversement. Once Upon a Time… in Hollywood est grand parce qu’il parle autant de 2019 que de 1969. “Once upon a time… in Hollywood”, de Quentin Tarantino, avec Leonardo DiCaprio, Brad Pitt, Margot Robbie, Al Pacino…

Page de droite, Margot Robbie dans le rôle de Sharon Tate. Pages précédentes, Leonardo DiCaprio joue Rick Dalton, acteur de série B fictif.

Photo Andrew Cooper/CTMG 2018

performance” : celle de la vraie Sharon Tate qui donne la réplique à Dino. Au-delà de l’aspect vertigineux de cette mise en abîme, la scène prouve que l’actrice pourrait donc bien croiser ce loser de Rick Dalton : après tout, avant de croiser Polanski, elle a débuté dans ce genre de divertissements surannés que Rick enchaîne de façon alimentaire.



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MAYA ZBIB, DE L’AMOUR, ENCORE Metteuse en scène, écrivaine, actrice et cofondatrice de la compagnie de théâtre Zoukak, Maya Zbib nous murmure - amoureuse - les mots de sa dernière création. « In My Heart's Eye: The Love Project », est une odyssée du cœur vers le cœur. Après une première mondiale au Festival International de Spoleto, en Italie, en juillet dernier, la pièce s’apprête à ravir la scène libanaise. Rencontre. Confidences.

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D’où vient “The Love Project”? Cela fait des années que je réfléchis à une création sur le thème de l’amour. Plus de 15 ans de réflexion, d’intuition autour des écrits de Marguerite Duras, notamment “L’Amour”, “India Song” et “Le Ravissement de Lol V. Stein”. J’ai toujours été fascinée par le personnage de Lol qui est ravie, prise, emmenée, emportée par l’amour. Tel un rapt. Cet amour impossible. Ou comment Lol s’obstine à poursuivre, faire vivre cet amour sous diverses formes, à travers plusieurs personnes. Les triangles amoureux et les multiplicités de projections autour de l’amour me fascinent. L’Amour, encore? Tout n’a-t-il pas été dit, écrit, créé autour de l’amour? Il est plus que jamais temps de réfléchir à l’amour! Avec Zoukak Theatre Company, nous avons créé tant de pièces ayant trait à la mort, à la violence qui émane du monde contemporain. Il y a un besoin profond de connexion à une époque où les individus sont séparés, seuls. Nous avons tant de choses à dire et à redire au sujet de l’amour. Il fait partie de ces éternelles questions. Qu’est-ce-que l’amour? Comment l’expérimente-t-on? Où commence–t-il? Comment s’achève-t-il? Que nous fait l’amour? Que nous fait faire l’amour? Comment en recevoir encore plus? (Rires) Je pense aussi que de nos jours, trop peu de créations artistiques s’intéressent, interpellent l’amour. Nous avons donc pris pour point de départ des histoires vraies, des histories vécues à partir d’entretiens que nous avons fait avec des personnes qui aiment, ont aimé, vont aimer, pour nous ouvrir à d’autres questionnements: comment s’ouvrir, s’adonner à l’inconnu? Comment se débarrasser des cases, des stéréotypes? Quel espace entre nous et la personne 195

aimée? Comment surtout se connecter à l’altérité à une époque où la xénophobie et le racisme gagnent jour après jour de plus en plus de terrain? The Love Project, un laboratoire sur l’amour? Tout-à-fait! Nous tentons de plonger le public au cœur d’une expérience, d’un laboratoire, dans le but de penser l’amour. « The Love Project » parle du « comment aimer ». Que fait l’amour à nos corps? Comment l’éterniser? Comment utiliser l’amour pour faire en sorte d’être plus ouverts au monde, plus vulnérable aussi, plus en lien avec les autres et mieux vivre en tant que citoyens, en tant qu’humains. Ces questions peuvent paraitre puériles pour certains; elles m’intéressent profondément. De nos jours, la haine semble l’emporter sur l’amour. Il semble plus aisé de haïr les gens, de les exclure, de les isoler et de s’isoler soi-même que de les aimer. L’acte d’amour semble s’apparenter davantage à une certaine forme de bravoure, de courage. « The Love Project » célèbre l’amour, l’ouverture, dans un monde qui semble de plus en plus empêcher un tel acte et qui semble se complaire dans un certain isolationnisme. Une création-fruit du prix “Ellen Sterwart International Award”. Que signifie cette récompense pour vous? Cette distinction est un immense honneur pour Zoukak! Rejoindre le legs d’une femme qui a été la figure majeure du théâtre expérimental américain dans les années 60 est une grande reconnaissance pour notre travail ! Comment se porte Zoukak ? Bien ! Zoukak a aujourd’hui 13 ans. La compagnie a été créée en 2006 et depuis n’a jamais cessé de se développer, de


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Maya Zbib, pourquoi faites-vous du théâtre ? Faire du théâtre est pour moi un moyen d’exister, de me connecter au monde. C’est un choix de vie. Travailler au sein d’une compagnie de théâtre est aussi un choix de vie, d’existence collective que les membres de Zoukak et moi-même assumons pleinement. Le théâtre me permet de questionner le monde, de le comprendre - ou de tenter de le comprendre. De l’interpeller, d’en débattre, de le réfléchir. C’est un point d’observation du monde. Comment se porte le théâtre ? Le théâtre mondial a connu une crise vers la fin du siècle

dernier. Aujourd’hui, je sens que les gens ont de plus en plus besoin de ce rapport à l’humain qu’octroie, permet le théâtre. Il se porte donc mieux en dépit des moyens dérisoires qui lui sont accordés. Au niveau local et régional, il s’agit d’une toute autre histoire car les fonds n’ont tout simplement jamais réellement existé. Nous nous accoutumons/faisons avec et malgré la précarité, l’urgence, le bricolage. La crise mondiale ne nous a jamais affectés. Nous sommes tout simplement mieux « équipés ». Nous savons plus et mieux comment utiliser notre peu, notre absence de moyen. L’écrit est de retour et le théâtre, j’ose l’espérer, se porte, à mon avis, de mieux en mieux. Qu’est Beyrouth pour vous ? Amour et/ou haine. Une ville qui me ronge petit à petit mais pour laquelle j’éprouve à la fois un grand amour. Elle est sauvage, violente, indomptée. Elle est nostalgique, romantique, opulente. Il y a du plaisir à Beyrouth… Qu’est-ce que l’amour ? L’amour est vulnérabilité et courage. C’est être ouvert. C’est avoir le courage de se tenir droit. Face au vent. L’amour est un antidote à la solitude, à la mort. C’est avoir une plaie ouverte. C’est la vulnérabilité de la plaie et le courage de supporter la peine, la douleur de la plaie. Jusqu'à la fin.

www.zoukak.org 196

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grandir. Après avoir habité pendant plusieurs années dans un appartement de Furn El Chebbak, Zoukak Studio a enfin ouvert ses portes, il y a deux ans, à la Quarantaine. Espace de répétition, de création et surtout de rencontre, ce nouveau local nous a permis, dans un pays qui manque cruellement de moyens, de faire grandir nos créations ainsi que celles d’artistes locaux. Zoukak est un lieu où se rencontrent des personnes de divers milieux. Un espace partagé, ouvert à de multiples formes d’expression. Tel était notre rêve depuis le début de l’aventure Zoukak. Par ailleurs, je tiens à souligner que Zoukak n’est pas uniquement destiné à l’élite artistique de la ville. Il va au-delà de la cité. Vers l’autre. Absolument.


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NAÏADE AOUN, ACTRICE EN HERBE

Révélée par le réalisateur canadien François Girard, la Libano-canadienne de 26 ans pourrait faire parler d’elle sur les tapis rouges. Rencontre.

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C’est une jeune pousse qui ne demande qu’à grandir. L’actrice de 26 ans a déjà fait ses preuves avec François Girard, le réalisateur qui l’a repérée et qui lui a offert son premier rôle. Un contrat décroché par hasard. La jeune femme ne se destine alors pas du tout au cinéma. Mais plutôt aux arts numériques, domaine qui la fascine, et dans lequel elle décide de se lancer juste après une année d’études rapidement interrompue dans la publicité. « Je ne voulais pas nourrir la machine du capitalisme», justifie la jolie brune qui a émigré du Liban au Canada avec sa famille juste après son bac. En 2013, elle entame une licence en arts numériques à l’Université Concordia. « J’ai découvert une passion », confie-t-elle derrière ses lunettes carrées, vêtue d’un jean et d’un ample tee-shirt noir délavé. Elle y apprend la programmation et l’électronique et découvre un univers artistique en pleine effervescence. Après sa formation, elle se lance à son compte en tant que vidéo-jokey (VJ). Son lieu de travail : les festivals et les ravesparties où elle réalise des animations visuelles. Mais la jeune femme se cherche encore et sent qu’elle aspire à davantage de stabilité. Elle dégote alors un temps plein auprès de l’artiste multimédia Rafael Lozano-Hemmer et arrondit en parallèle ses fins de mois comme serveuse au café d’en bas, le Laïka, rendez-vous incontournable de la scène artistique et culturelle montréalaise. Situé au rez-de-chaussée de son bureau, ce lieu devient vite son « centre de gravité ». Le cinéaste François Girard habite dans le même immeuble. « Je le connaissais car il venait souvent manger au café », raconte Naïade. Un jour, il lui propose de but en blanc de jouer dans son prochain film. « Il m’a dit qu’il me voyait dans un rôle. Au début j’étais très sceptique, je lui ai répondu que je n’avais aucune expérience en tant qu’actrice. Il a insisté, m’a poussée à passer une audition et j’ai été prise », se remémore-t-elle. Jackpot Elle décroche le jackpot, un des rôles principaux dans « Hochelaga, terre des âmes », le dernier long-métrage du réalisateur. Dans son personnage de veuve éplorée, la novice crève l’écran. « J’étais très à l’aise, j’ai adoré jouer. Je me suis 199

découvert une autre passion », relate la comédienne. Le film représente le Canada dans la course à l’Oscar du meilleur film étranger. Brusquement, la jeune femme se retrouve projetée dans l’univers grisant du septième art, foule « son premier tapis rouge » au Festival international du film de Toronto. Lucide, Naïade hésite toutefois encore à embrasser une carrière d’actrice. « Je savais que me lancer dans cette voie était un très grand défi», confie-t-elle. Elle choisit alors de rejoindre le studio d’arts numériques Moment Factory, un rêve qu’elle caresse depuis longtemps. Mais très vite, la Libanaise sent qu’elle tourne en rond, l’appel du cinéma est trop fort. Six mois plus tard, elle laisse tout tomber pour se lancer pour de bon. Avec la conviction que sur un plateau, elle ne s’ennuierait jamais. « Je ne vois pas comment je pourrais me lasser de jouer», résume-t-elle. Elève rebelle Celle qui se décrit comme « une élève rebelle qui était constamment virée » confesse ne pas vraiment tenir en place. « J’ai toujours eu du mal avec l’autorité », lâche, mutine, cette ancienne du collège Notre-Dame de Nazareth. Ses carburants : la nouveauté et l’adrénaline. Mordue d’escalade – elle pratique ce sport trois fois par semaine – la jeune femme à la silhouette élancée dit ressentir « un besoin constant d’apprendre ». Une curiosité insatiable qui la pousse en 2017, à se réinscrire à l’université pour y suivre des cours en sciences cognitives. En parallèle, elle prend des leçons de chant et de diction, participe à des ateliers de théâtre et court les auditions, sans se formaliser des refus. « Ca fait partie du métier », affirme-t-elle avec un sourire espiègle. « Mais je suis rassurée car à chaque fois j’ai de bons retours des metteurs en scène ». C’est donc avec confiance que Naïade Aoun envisage sa carrière naissante. Outre son long métrage avec François Girard, l’actrice a participé à un court métrage, « Faux départ », de Guillaume Blanchet , et fait une apparition dans la série québécoise « Les Simone ». Elle répète actuellement dans une pièce de théâtre d’Hugo Fréjabise. Un CV déjà prometteur qu’elle a bien l’intention d’allonger. naiadeaoun.com


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SHKOON, FUSION CULTURELLE À L’ÈRE DES MIGRATIONS

Photo Christophe Akiki

PAR MARIE ABOU KHALED

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« Shkoon », c’est la rencontre explosive des Syriens Ameen et Maher avec l’Allemand Thorben. Sur la production house de Thorben trône la voix profonde et éraillée d’Ameen, le tout orné des vibrants contrepoints de Maher au violon. Le trio, présent à tous les festivals, rencontre un succès exponentiel. Ils nous racontent.

Comment vous êtes-vous rencontrés ? Thorben: Ameen et moi nous sommes rencontrés à Hambourg, peu après son arrivée en Allemagne. À l’époque je partageais un appartement avec 8 amis, et pour sortir Ameen du camp, nous lui avons proposé de venir vivre avec nous. Lors d’une de nos soirées à la bonne franquette à la cuisine, Ameen nous a chanté un Mawwal. J’ai réalisé que je voulais collaborer avec lui à tout prix. Quelques semaines plus tard, des amis donnaient un événement caritatif. Ils m’ont demandé d’y participer avec ma musique. Le jour de l’événement, Ameen et moi avons décidé d’essayer quelque chose de très spontané. Dès lors, nous avons compris tous deux que nous n’arrêterions pas de collaborer : ce fut le début de Shkoon. L’été, avec nos premières expériences de festivals, nous avons rencontré Maher avec son violon, et ça a été le coup de foudre. Un an et demi plus tard, toujours avec l’idée de l’intégrer dans le groupe, nous l’avons invité à notre premier concert solo à Paris. Je crois que ça s’est bien passé ! D’où vient le nom « Shkoon » ? Shkoon veut dire « quoi » au village d’Ameen, Deir el Zor. C’est aussi la réaction des gens quand nous avons commencé à faire de la musique ensemble. Qu’est-ce que chacun de vous apporte au groupe, culturellement et musicalement ? Nous essayons toujours de rester dynamiques dans nos rôles respectifs, mais évidemment chacun apporte son style et sa personnalité au groupe. Maher, avec son background classique, est notre savant fou de la mélodie. Si vous le rencontrez, jouez n’importe quelle chanson et observez ce qui se passe. Ameen est notre boite à rythme, donnez-lui n’importe quoi à taper et pressez « enregistrer ». Il a aussi une 201

culture infinie des anciennes chansons arabes traditionnelles. Peu importe la situation, il connait le poète qu’il vous faut. Thorben est celui qui a toujours besoin de changer la structure harmonique, jusqu’à l’avant-dernière minute. Il est celui d’entre nous qui a le plus d’expérience de mixage et de production en studio. Comment décririez-vous votre son ? C’est une fusion où l’Orient rencontre l’Occident, l’ancien rencontre le nouveau, les quarts de ton rencontrent des structures polyphoniques, et l’homme rencontre l’homme. Une collaboration de rêve ? Avec Jean-Sebastien Bach, Stevie Wonder, John Legend, Bonobo Comment s’est passe votre concert au Liban en mai ? C’était très beau et très intense. Musicalement, nous étions très heureux d’avoir notre ingénieur son Henning Riez à nos côtés pour la première fois. Il nous a aidés à être vraiment décontractés sur scène. En plus de ça, le public était fou. Nous avons passé un moment inoubliable sur scène. Encore, s’il vous plait ! Nous avons eu écho d’un album en préparation, quels sont vos projets ? Tout à fait. Notre plus haute et seule priorité pour le moment est de finir notre premier album. Quand nous nous débrouillerons pour ne plus être en tournée et pouvoir retourner en studio à Hambourg, ce sera pour travailler sur le mixage final. Si tout se passe comme prévu, notre album sortira à la fin de l’année et nous serons euphoriques de repartir en tournée avec ce projet de rêve.

soundcloud.com/shkoon-music


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PAR MARIE ABOU KHALED

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Photo Marc Abou Jaoude @ Spice Photography

XRISS, PETITE SIRÈNE, GRANDE VOIX


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Xriss s’était d’abord fait connaitre du grand public en passant sur The Voice MBC, suite à quoi elle avait travaillé avec la légende américaine de la soul, Quincy Jones, artisan de la célébrité de Michael Jackson et d’Oprah, producteur de « We are the World ». Ce dernier avait produit avec elle une réinterprétation, engagée et à vif, de « Care About Us » de Michael Jackson. Elle l’avait dédiée à son pays le Liban, alors en pleine crise des déchets. Après un petit tour par la Suisse, cette voix puissante et abrasive est finalement de retour au Liban où elle a posé ses bagages, pour révéler le fruit de ses dernières années de travail : ses chansons originales.

Comment avez-vous commencé à chanter ? Mon plus ancien souvenir lié au chant, c’est ma sœur Neal et moi dans notre salon au Nigeria. Testant une toute nouvelle caméra vidéo, nos parents nous prenaient comme vedettes. Nous leur chantions des comptines en dansant, dans des t-shirts trop grands pour nous. Par la suite, ma mère qui adore les arts plastiques, s’est mise à nous faire des costumes, nous affublant de perruques assorties. Mes chansons préférées en grandissant étaient « Ce rêve bleu » d’Aladin et « Partir là-bas » de la Petite Sirène, de Disney. Quand avez-vous réalisé que vous vouliez en faire votre métier ? Ça peut paraître dramatique, mais ça ne l’est pas : c’est quand j’ai fait face à mes camarades de classe qui me harcelaient et me persécutaient sans relâche. À l’école on me raillait souvent parce que je passais mon temps à chanter. Mes professeurs me surnommaient « la Petite Sirène ». Ironiquement, personne ne savait que je savais vraiment chanter, car je fredonnais à basse voix, dans ma bulle. Un jour, comme d’habitude, une bande de pestes de ma classe m’a fait une farce des plus cruelle. Elles avaient organisé des auditions pour un groupe de danse qui devait se former en prévision du spectacle de fin d’année. J’y avais vu une chance de prouver que j’étais bonne à quelque chose, de briller enfin. J’ai été acceptée ! Y croyant à peine, je me suis rendue à la première répétition. Elles m’ont dit « On va faire de toi le clou du spectacle, et peut-être même que tu pourras chanter ! Assieds-toi de côté, on t’appellera quand ce sera ton tour ». Mais mon tour ne vint pas. La répétition suivante, ce fut pareil. La troisième fois, la meneuse du 203

groupe m’a lancé : « Tu es encore là toi ? ». Toutes les filles ont pouffé de rire, et j’ai senti mon échine se glacer. Une des filles, qui a eu mal au cœur pour moi, s’est alors approchée et m’a dit « Je t’en supplie ne viens plus, elles se moquent de toi, elles ne vont jamais te laisser danser. Ne viens plus, je ne peux plus supporter de voir ça c’est insoutenable ». J’ai pleuré une semaine sans en parler à personne. J’ai alors décidé de leur montrer de quel bois je me chauffe : j’allais chanter à la kermesse. Je me suis entrainée assidument. Le jour J, j’ai remis mon CD : « Prière Païenne » de Céline Dion. Je me souviens juste du moment où on m’a tendu le micro. Après ça, tout s’est passé comme sur un nuage. Les gens étaient bouche bée, et j’ai reçu un tonnerre d’applaudissements. Suite à cela, j’ai commencé petit à petit à remonter la « chaîne alimentaire » de l’école ! Je me suis dit : c’est ça que je veux faire tous les jours de ma vie. À la maison c’était une telle évidence que je n’ai jamais eu de discussion sérieuse à ce sujet avec mes parents. Au contraire, ils ont toujours su que je serai chanteuse. Maman a même financé ma chanson Save me. Elle m’a appris à me maquiller, m’habiller de manière à flatter ma silhouette, et avoir du style. Mes cadeaux d’anniversaire étaient toujours en rapport avec la scène et la musique. Mon père a toujours tout fait pour que je sois respectée dans mon métier. Je le revois, quand j’avais 16 ans, menacer mon premier employeur au téléphone : ce dernier feignait d’avoir oublié de me payer les 100 dollars -dérisoires- après que j’ai chanté (pour la première fois !) à sa soirée, à l’ancien Crepaway d’Achrafieh. Plus tard j’ai étudié les beaux-arts, le théâtre, et les arts de la communication (derrière et devant la caméra), ainsi que l’enseignement.


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Par ailleurs, toute ma collaboration avec Quincy Jones a été une expérience miraculeuse et inoubliable. En 2013, exactement un an après The Voice (où j’étais arrivée en quart de finale), mon ami Richard Hussein m’a parlé d’une compétition appelée Dubaï Music Week. Le jury était constitué de Quincy Jones, Will.i.am et Timbaland. J’ai chanté Listen de Beyoncé, et j’ai gagné. Je m’étais vraiment surpassée ce jour-là. J’ai signé un contrat de management et production pour 3 ans et demi. Quincy Jones m’a aidée à écrire mes chansons. On s’installait chez lui, dans sa salle de musique, et on les écoutait. Il me poussait toujours à me dépasser, me donnait des conseils comme « Il faut plus de progression » ou « La gamme pentatonique rend la mélodie plus accrocheuse ». Il était convaincu qu’il suffirait d’une chanson exceptionnelle pour me propulser. Ça s’est terminé sur une note très positive. Il m’appelle à mon anniversaire, je l’appelle au sien !

Quel est votre « summer jam » ? C’est plutôt « qui » est mon summer jam ! J’associe les chansons que j’écoute à ceux qui me les font découvrir, et cet été, c’est Lost In The Fire de The Weeknd, que j’ai d’abord écoutée avec mon chéri. Une autre chanson qui ne sort pas de ma tête est She Used To Be Mine de Sarah Bareilles. Je l’ai chantée à mon TEDx à LAU le 6 Juillet. Et ma chanson préférée de tous les temps est Since I’ve Been Loving You, de Led Zeppelin. Je peux l’écouter n’importe où, n’importe quand. Ou peut-on vous trouver par une journée d’été ? Sur scène, car c’est la saison des concerts. Ma journée : plage, happy hour, concert. Repeat. J’avais l’habitude de passer mes vendredis après-midi d’été avec l’animateur radio Gavin Ford, chez Danny’s à Badaro. Nous étions très proches et il me manque beaucoup. Quel est l’aspect de votre travail que vous préférez ? L’attention. J’aime voir l’expression des gens quand je chante. J’aime qu’ils viennent me parler après, me dire « J’adore ta voix ! J’adore ce que tu portes ! Je veux une photo! » C’est ce qui rend à l’enfant harcelée en moi sa valeur. Sur scène j’aime faire parvenir ma bienveillance et ma passion. J’ai été habituée à ce qu’on glisse des punaises sur ma chaise, qu’on me coupe les cheveux en douce… Alors je sais qu’il y a des gens qui ont peur des autres. Par ma musique je dis aux gens : je suis de votre côté, venez vers moi, je suis aimable. Qu’est-ce qui vous rend heureuse ? Etre amoureuse. La peur et la tristesse sont mes muses, l’attachement m’inspire quand je vais au studio. Par exemple, 204

Photos Marc Abou Jaoude @ Spice Photography

Quel est le moment de votre carrière dont vous êtes le plus fière ? Avoir pu enregistrer « Care About Us » avec Quincy Jones et dédier le morceau au Liban durant la crise des déchets. J’ai eu l’impression d’aider réellement les Libanais, à l’étranger et sur place, à exprimer leur rage et leur insatisfaction par rapport à cette situation. J’ai un amour débordant pour mon pays et ses habitants ! Je cherche constamment à collaborer avec des Libanais, je rêverais de faire plus de projets collaboratifs avec des équipes entièrement libanaises. Boshies, Lala Queen, Bowties and Gents, Nadine Labaki dont je suis si fière sans la connaitre : on a tellement de talent ici. Mais on est aussi mal compris par le reste du monde, qui nous voit comme un pays instable, truffé de terroristes.


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ma chanson Save Me qui sort bientôt parle de mon divorce. Quand on n’est pas bien dans sa relation, on se met à faire n’importe quoi, dans l’espoir d’une réaction de l’être aimé : c’est le sujet de la chanson. Besoin d’être sauvé, apprivoisé, sinon on déraille. Sur cette chanson, j’ai eu la chance d’avoir la collaboration de l’extrêmement talentueuse Fanny Leeb qui se remet d’un cancer du sein, et avec qui j’ai déjà travaillé sur plusieurs morceaux, y compris Home, filmé par Roger Moukarzel. Nous l’avions même faite venir au Liban pour la musique de la vidéo. Je prends en charge toutes les étapes de la réalisation d’une chanson, et j’exprime mes idées au piano et à la guitare. Toutes mes chansons parlent d’événements de ma vie. Un film préféré et pourquoi ? Splash ! J’adore les sirènes. Tout d’abord, elles chantent. Et

puis elles sont belles, sensuelles, insaisissables (car elles sont glissantes !). J’aime tellement la mer que je m’arrange toujours pour vivre quelque part où je peux la voir. Je connais tout le film par cœur, les répliques, les effets sonores, même ce qui passe à la télévision. Un jour à L.A., dans un Uber, j’ai rencontré la dame qui a créé et réalisé la queue de sirène dans le film ! Je lui ai dit « vous avez enchanté ma vie ». Je tremblais d’excitation pendant ces 20 minutes de trajet avec elle. Projets ? Je suis rentrée au Liban pour une seule raison : pour moi c’est la maison. Mon plan cet été est de lancer mes chansons une à une, single par single, faire des clips, collaborer et soutenir des talents locaux comme je l’ai dit plus haut. @xrissofficial

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KOZO, STRUCTURER POUR MIEUX LIBÉRER Kozo est un groupe libanais à la croisée de la dream-pop et du math-rock. Georgy Flouty, Andrew Georges, Camille Cabbabe, Elie El Khoury et Charbel Abou Chakra ont le cœur fragmenté comme la tour à capsules de Nakagin, et l’imagination luxuriante comme une vieille bâtisse beyrouthine. PAR MARIE ABOU KHALED

Photo Laura Karam

Comment tout a commencé pour vous ? Andrew : C’était à AUB Outdoors, depuis assez longtemps. Georgy, Camille et Elie jouaient avec leur ancien groupe. Georgy jouait sur une guitare métal complètement décalée par rapport à leur son dream-pop: elle était toute hérissé de pics miroitants. Extrêmement intimidé mais porté par mon enthousiasme, je suis allé demander son numéro dans les coulisses. En parallèle, j’avais commencé un projet avec Charbel (Abou Chakra) appelé Lambajain (comme la spécialité libanaise !) Petit à petit nous avons commencé à les aspirer dans notre groupe, un à un. Kozo veut donc dire structure en japonais ; comment ce nom vous est-il venu ? Elie : Andrew, Charbel et moi sommes architectes. Nous avons vite découvert notre passion commune pour un mouvement architectural japonais d’après-guerre appelé le « Métabolisme ». Le jour où il a fallu changer le nom terrible qu’était Lambajain, c’était tout trouvé. Andrew : La structure, c’est ce qui nous intéressait dans le Métabolisme, et c’était aussi notre cheval de bataille en termes de composition : c’est ce que nous concevons en premier avant même d’entamer l’écriture d’une chanson. Elie : Par ailleurs, aujourd’hui nous avons appris une histoire 207

très étrange : il y a un certain Mr. Kozo Okamoto qui vit dans un camp palestinien au Liban ! Il aurait fait partie de la milice communiste japonaise et soutenu l’OLP lors de l’attaque de l’aéroport Ben Gurion en 1972. Un mot sur le mouvement Metabolismes pour les nonarchitectes ? Elie : Lorsque les bombardements atomiques d’Hiroshima et Nagasaki eurent lieu, les deux villes durent être rebâties sur leurs cendres. Les architectes japonais, habitués à la limitation spatiale que leur imposait l’insularité, ont été confrontés au fait d’avoir pour point de départ une terre quasiment vierge. Avec à leur tête Kenzo Tange, ils se sont mis à concevoir l’architecture comme un métabolisme: quelque chose de mouvant qui doit pouvoir grandir et évoluer en continu, mais aussi pouvoir se détériorer et être maintenu, prolongé. On peut augmenter une architecture préexistante, c’est organique, ça épouse son environnement. Andrew : Au Liban, avec la guerre civile, on a été confronté à la même chose. En tant que groupe libanais, nos références aux métabolistes sont un hommage à ce mouvement magnifique, mais elles posent aussi la question de ce qu’aurait pu être le Liban d’aujourd’hui si nous avions eu une approche similaire, plus harmonieuse, et moins corrompue à la reconstruction.


Un exemple ? Elie : Sur notre chanson « Project Japan », Nous avons pris une ligne de guitare, l’avons déconstruite, et l’avons redistribuée entre nous, de sorte que chacun en joue un petit bout, formant une séquence. Chacune de nos guitares a un timbre et une texture différentes, ce qui apporte beaucoup de mouvement. Andrew : Cette ligne de guitare est notre motif, la toile de la chanson. Ça change du modèle classique où la basse et la guitare sous-tendent le tout. Gardant cela en tête, nous avons développé ce motif en trois parties : l’une sèche, l’une avec une intervention ambiante de Charbel Haber (dont nous sommes des fans invétérés), et une autre avec un témoignage touchant du seul et unique Bernard Khoury, qui nous parle de choses très humaines plutôt qu’architecturales: l’histoire de son père, qui a dû renoncer à ses aspirations d’ingénieur aéronautique à cause des limitations du pays. Elie : Ces trois couches texturales sont comme une gaine, comme un tunnel à travers lequel passe un train, qui est la ligne de guitare. De quelle manière espérez-vous que ces « paramètres » affectent votre musique du point de vue de l’écoute ? Andrew : Nous ne laissons pas ces procédés formels détériorer la facilité d’écoute du morceau. Il est très

important pour nous que le morceau reste agréable à l’oreille. Nos challenges structurels étant placés dans un contexte sonique favorable, l’auditeur n’est plus choqué par la complexité de ce qui se passe. Nous incorporons aussi des phrases en arabes, comme des mantras, qui ont un sens assez vague : « meçek el kon bi idak » (« tu tiens l’univers dans ta main »), « tiyyara 3am te2lob tetghayyar », (« un avion qui tombe, qui se transforme »). C’est de la musique abstraite, mais elle doit rester interprétable. Et surtout, nous considérons les accidents heureux comme des pépites, et nos paramètres structurels favorisent leur apparition. On peut dire que nous faisons de la musique « maximaliste » : nous supplions les gens de prêter attention à chaque détail ! Charbel : À mon sens, nous essayons de générer des lieux soniques. Notre musique se prête aux grands espaces. Nos imaginations d’architectes nous conduisent naturellement à la création d’atmosphères, d’où l’intervention de ces structures. Collaborations favorites ? Andrew : Celles mentionnées plus haut, mais aussi le rappeur El Rass qui est intervenu sur une de nos chansons au festival Oakenfest : l’effet était magnifique, complètement inattendu, vu que nos deux univers n’ont strictement rien à voir entre eux. Il est extrêmement talentueux, je n’avais jamais rien entendu de tel. Une performance favorite ? Andrew : nous avons récemment joué dans un lieu tout à fait incongru par rapport à notre musique : une magnifique école publique a Seb3el conçue par Josiane Tobey. Invités pour la fête de la musique, nous découvrons une fois arrivés là-haut que c’est la fête de promotion de cette école ! En fait, ils avaient intentionnellement fait d’une pierre deux coups, ne pouvant pas se permettre une animation spéciale pour les élèves. 208

Photo Laura Karam

D’un point de vue pratique comment toutes ces idées se traduisent-elles dans votre musique ? Elie : Quand nous commençons un morceau, nous nous fixons des paramètres structurels déterminés. Ce sont des paramètres qui touchent au rythme, à la structure ou à la mélodie. Parfois, ces paramètres conduisent à des « accidents heureux », c’est de ces accidents heureux que nous nourrissons notre musique, que nous la faisons vivre.


L’OFFICIEL MUSIQUE

Photo Andre Mahfouz

Georgy : Les élèves sont vites partis faire la fête et nous ont laissé leurs parents. C’était beau, il y avait des personnes âgées qui découvraient sans doute cette musique pour la première fois. Il y avait même un vieux monsieur qui était là avec sa chèvre. Ils étaient un peu choqués au début, mais une fois le concert fini ils nous ont montré qu’ils étaient très heureux et reconnaissants. Une chose qui vous unit, une autre qui vous divise Andrew : L’amour du Hip Hop crapuleux : on adore tous ca ! Lil Uzi, Lil Peep… tous les «Lil’s » ! Et Cardi B, Megan Thee Stallion… Georgy : Même Camille écoute Saturation I et II, elle adore. Camille : Et Death Grips ! Elie : Death Grips est la meilleure chose qui soit arrivée à la musique dernièrement, c’est du hip hop expérimental. Georgy : Ils sont géniaux, mais se font

beaucoup plagier. Entre autres par Kanye West… Andrew : Ne touche pas à Kanye ! Il l’a fait différemment. Georgy : Personne n’aime Kanye autant qu’Andrew. A part peut être Kanye lui-même, et ce n’est même pas sûr. Voilà ce qui nous divise ! il n’y a qu’Andrew qui l’aime. Rires Parlez-nous de votre album en cours Elie : ce sont 7 chansons qui sont thématiquement liées, le fruit de 2 ans de travail d’écriture et de réécriture. Ça nous a pris longtemps d’amener les chansons à ce qu’elles sont aujourd’hui. A chaque fois, l’un d’entre nous achetait une nouvelle pédale, une nouvelle guitare, et on voulait l’incorporer. Andrew : il faut dire qu’à Tunefork Studios, nous sommes entourés de musiciens très accomplis, qui sont vraiment comme une famille. Ils repoussent constamment leurs limites soniques, et ça donne envie 209

de travailler toujours plus dur. Fadi Tabbal nous a donné une opportunité incroyable de pouvoir travailler à leur contact. Il est aussi un peu un membre secret du groupe, tant son influence est grande. Elie : On travaille sur notre première vidéo avec Camille qui est une cinéaste de génie : ce sera un single qui précèdera la sortie de l’album. On collabore aussi avec Mohamad Koraytem, un illustrateur fantastique. Il s’occupe de la couverture de l’album, et ça se passe très bien, il nous a fait une première proposition et nous avons eu une réaction unanime immédiate : « c’est exactement ce qu’il nous faut! ». Il a tout à fait compris l’esprit du groupe. Stéphanie Merhej nous a aussi beaucoup aidés avec nos visuels. L’album sera probablement fini d’ici deux semaines, il s’agira alors de choisir un lieu propice et organiser le lancement. Pour en savoir plus, garder un œil sur la page Facebook KOZO Band


L’OFFICIEL ÉVÉNEMENT

AÏSHTI EN FÊTE POUR ZIMMERMANN C’est au resto-pub Americano récemment ouvert à Aïshti by the Sea que la griffe australienne Zimmermann présentait, le 18 juin dernier, sa collection estivale dans une ambiance farniente qui lançait la saison sur une note délicieuse. PAR F.A.D

petite boutique en propre est ouverte à Darlinghurst. Nicky est rejointe par sa sœur, Simone, dont la vision permet à la marque de se consolider et de conquérir le marché international. Tout ce qui sort des ateliers de la griffe est avant tout marqué par un esprit optimiste et joyeux. Une ligne de maillots de bain est créée avec pour objectif premier de flatter toutes les silhouettes et d’introduire de l’élégance dans cet accessoire conçu comme un vêtement à part entière. La marque « aussie » va bientôt trouver sa place naturelle aux États-Unis, avec des points de vente à New-York (Mercer st) et Los Angeles (Melrose Place). Londres la plébiscite à son tour et la fine fleur des magazines féminins lui offrent éditoriaux et couvertures. De nombreux prix viennent confirmer la justesse des choix stylistiques de Zimmermann, y compris le prix mode Marie-Claire Australie et le prix du meilleur concepteur de vêtement de natation. Aujourd’hui, tandis que la petite griffe poursuit sa courbe ascensionnelle sous la direction artistique de Don McQualter, présent à la création depuis les débuts, les deux sœurs Zimmermann se consacrent parallèlement à leur autre passion : la transmission. En tandem, elles font partie des coaches de Qantas Spirit et Australia Youth Awards. La marque Zimmermann est désormais présente au Liban, dans les magasins Aïshti qui partagent ses valeurs et sa vision d’un art de vivre naturel et sans contraintes. 210

Photos Carl Halal

Rayonnantes et si fraîches dans leurs robes estivales cousues dans de romantiques toiles ajourées, avec des longueurs et des effets qui évoquent tantôt le Deauville de la Belle Époque, tantôt la Côte d’Azur de la Nouvelle Vague, les mannequins célébraient à Aïshti by the Sea une belle journée d’été. Sortant du fond de ce restaurant où la saison tout entière avait pris la forme d’une paillotte de luxe, des filles sublimes se dirigeaient de l'Americano vers la mer en contournant le bar, tandis que la musique faisait esquisser des pas de danse involontaires aux invités de l’événement. Les yeux perdus dans l’horizon, à la main l’iconique cocktail Americano (Campari, Vermouth, eau de Seltz) surmonté de rondelles d’agrumes, les présents avaient moins l’impression d’assister à un défilé qu’à une farandole de fées. De fait, la collection Zimmermann printemps été 2019 adhère si bien à la saison douce qu’elle semble avoir été inventée en même temps que le soleil, la mer et les palmiers. C’est en 1991 qu’a vu le jour à Sydney, sur le marché de Paddington, la petite marque créée par Nicky Zimmermann, une jeune australienne passionnée de mode et de stylisme, qui avait envie de voir comment les femmes réagiraient à ses inventions. Féminines à l’extrême, sophistiquées avec discrétion, légères, faciles, tout en couleurs et impressions délicates, les créations de Nicky Zimmermann rencontrent très vite un succès qui vaut à la styliste deux pages dans Vogue Australia. Les commandes affluent de toute l’Australie et aussitôt une première


L’OFFICIEL ÉVÉNEMENT

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L’OFFICIEL RESTO

Photo Christelle Janho

AMERICANO, COMME DANIEL CRAIG ET EVA GREEN


L’OFFICIEL RESTO

Un petit air de Havane, l’atmosphère chaleureuse d’une cabane, Americano est plus qu’un restaurant. Amarré au complexe Aïshti by the Sea, il offre en bord de mer une véritable destination et l’expérience d’un dépaysement exotique. PAR F.A.D

A priori, le resto-pub Americano n’a pas grand-chose d’américain, et l’on se demande, dans cette ambiance de hutte raffinée, d’où vient le nom du lieu. La réponse est liée au temps de la Prohibition, cette décennie 1920 à 1930 où l’alcool fut interdit aux États-Unis, poussant les Américains à prendre le chemin de La Havane ou de l’Europe pour y aller boire à leur guise. L’Italie offre aux Américains un cocktail dont ils raffolent, composé en 1860 par le fabricant de boissons Gaspare Campari, oui, l’inventeur-même du Campari, cet apéritif d’un rouge profond, un peu amer, à base d’herbes et de fruits dont raffolent les Italiens, additionné d’un trait d’eau de Seltz qui le fait pétiller. Le cocktail de M. Campari est à l’origine baptisé Milano-Torino, ou MITO, car à son Campari milanais il ajoutait le vermouth de Turin. Par la force des choses, les Américains étant devenus accros au MITO, ce cocktail fut rebaptisé « Americano » et envahit l’Europe qui le surnomma aussi « Campari Cure », comme un médicament contre le mal de vivre. L’Americano trouva forcément sa place dans les bars de La Havane où les Américains affluaient en « booze -cruise » pour chercher leur alcool loin des dangereuses boissons de contrebande et autres risques liés à la Prohibition. D’où le décor cubain dont se pare Americano, non pas le cocktail le plus populaire du monde mais la nouvelle adresse du complexe Aïshti by the Sea où s’aligne la fleur de la restauration libanaise. Tournant le dos aux grandes artères et à l’agitation de la ville, serti dans l’architecture iconique de David Adjaye, orienté vers l’horizon, face à la mer dont aucun obstacle ne le sépare, Americano est le lieu idéal pour une pause déjeuner détendue au milieu d’une journée de travail. On peut aussi, le soir, se glisser dans la peau de Daniel Craig et jouer les James Bond, version Casino Royale (ou d’Eva Green en Vesper Lynd), en commandant au bar cet « Americano » de tous les désirs, spécialité de l’endroit, on l’aura compris. Tandis que devant vos yeux le soleil se glissera doucement dans la mer, la boisson couleur feu, surmontée de rondelles d’orange et de citron, vous donnera le bonheur de le voir se coucher au creux de votre main. +961 81 006 670, @americanobarandgrill 213


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L’HÔTEL PHOENICIA, UNE LIBERTÉ QUI SE DANSE


L’OFFICIEL SCÈNE

Les campagnes de l’hôtel Phoenicia InterContinental se suivent sans se ressembler, sinon par un mode déjanté et joyeusement impertinent qui casse la rigidité propre à l’image d’un palace. Voici, pour cette saison, « Transitions », un clip qui met en scène deux grands danseurs libanais en talons, Yousra Mohsen et Anthony Nakhlé.

Beyrouth. « J’étais excité à l’idée d’explorer les différents espaces de cet hôtel grandiose, ses escaliers emblématiques, sa magnifique suite présidentielle, le hall d’entrée historique… et de créer une chorégraphie permettant de passer d’une scène et d’un espace à l’autre », a-t-il précisé. Yousra Mohsen souligne, pour sa part, que « ce film produit par le Phoenicia Hôtel est unique, au sens où il contribue à la promotion de jeunes talents et artistes libanais et s’adresse à tous les publics, sans considération d’âge. L’intérêt de cette vidéo produite par un hôtel iconique, témoin de la vie de Beyrouth depuis 60 ans, est qu’elle répond aux attentes de ceux qui cherchent un changement. » En plus de ses 480 chambres et suites, dont les suites présidentielles et penthouse, l’hôtel Phoenicia offre de nombreuses options de restauration entre divers buffets internationaux et locaux, tables gastronomiques et espaces d’événements privés, ainsi que des salles de conférences. Sa vocation à la détente et au bien-être culmine au spa Phoenicia, havre de luxe qui permet de se ressourcer au milieu de l’agitation urbaine. Véritable institution, l’InterContinental de Beyrouth incarne l’esprit et la résilience de la ville dont il a vécu heurs et malheurs sur une longue période de l’histoire moderne, toujours ancré dans un cosmopolitisme rafraichissant, toujours ouvert aux options les plus contemporaines.

PAR F.A.D

Phoenicia Hotel, Minet El Hosn, Beyrouth, +961 1 369 100

L’idée était de mettre en avant l’immense talent d’une danseuse du Crazy Horse et d’un chorégraphe de 22 ans, danseur étoile en talons au Cirque du Soleil et assistant de Yanis Marshall. Yousra Mohsen et Anthony Nakhlé, tous deux Libanais, mènent des carrières internationales, elle à partir de Paris, lui de Las Vegas. Sur une musique de Karim Khneisser et une chorégraphie composée par Anthony Nakhlé en collaboration avec le réalisateur Charbel Bouez, les deux danseurs s’emparent avec grâce et sensualité de tous les espaces de l’hôtel. Courses folles dans les couloirs, voltiges dans le grand escalier et même l’escalier de secours, arabesques dans les chambres et suites, sur les lits, les fauteuils, dans l’ascenseur, les deux artistes, parfaitement accordés, dégagent autant d’énergie que de beauté pour exprimer la modernité du Phoenicia, institution iconique, traditionnelle mais jamais compassée. « Transitions » ne signifie pas autre chose que ce passage du feutré au torride, de la rigueur à une indiscipline souriante, de la culpabilité à la complicité. « Ce projet a été pour moi l’un des plus difficiles à réaliser », confie Charbel Bouez dont Transitions constitue le deuxième opus pour l’hôtel Phoenicia. « Je suis fier d’avoir réalisé ces transitions d’une scène à l’autre qui ont créé la structure de ce film », ajoute le réalisateur. Quant à Anthony Nakhlé, il s’est dit ravi d’avoir été appelé pour cette production et d’avoir aussitôt pris le premier avion de New York à destination de 215


L’OFFICIEL EXPOS

VOYAGER, SE NOURRIR, S’ÉMERVEILLER Picasso en sa Méditerranée, la nourriture du futur au V&A ou l’acropole de Baalbeck au Liban, les expos de la saison stimulent nos méninges autant que nos papilles. PA R N A S R I S AYE G H

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Paris-Beyrouth, Pablo, obstinément ! Pablo, obstinément! Les embruns de la Méditerranée irisent le numéro 5 de la rue de Thorigny. C’est ici, dans cet hôtel si parisien et si particulier, que depuis 1985 l’œuvre de Pablo Picasso à laquelle il est dédié est sans cesse revisitée. Dernière relecture en date : “Picasso, obstinément méditerranéen”, un parcours qui revient sur l’inspiration bleue du Minotaure espagnol de la peinture. Immersion poétique, l’exposition permet d’aborder les Méditerranées de Picasso depuis le paysage natal des ports espagnols jusqu’aux ateliers des dernières années de sa vie, en passant par les villégiatures azuréennes et le Midi culminant d’Antibes, de Vallauris et de Cannes. S’appuyant sur un ensemble d’œuvres exceptionnelles, de photographies et de documents personnels, l'exposition dessine les contours du quotidien de l'artiste sur une terre qui n'a jamais cessé d'influencer son imaginaire. «Son œuvre immense et multiple échappe à toute limitation, mais reste obstinément méditerranéenne », écrivait Jean Leymarie dans le catalogue Picasso et la Méditerranée publié en 1983. Savamment scénographiée, l'exposition propose une nouvelle balade au cœur du génie créatif d’un grand chantre de la Méditerranée. Cerise sur le gâteau, dans le cadre de l’initiative Picasso Méditerranée, 77 œuvres du maître espagnol seront exposées à Beyrouth, au musée Sursock, à partir du 26 septembre, sous le thème « Picasso et la famille ». Jusqu’au 6 Octobre 2019. www.museepicassoparis.fr

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L’OFFICIEL EXPOS

Londres Œuvres au Plat « Dites-moi ce que vous mangez ; je vous dirai qui vous êtes » semblent nous susurrer l’insatiable Victoria et l’avide Albert. Au menu du prestigieux musée londonien, “FOOD: Bigger than the Plate”, une expo gastronomique qui envisage notre civilisation à travers un prisme inattendu : celui de nos assiettes ! Attablée aux cimaises du V&A Museum, une brochette d’artistes contemporains –en collaboration avec des agriculteurs, des chefs cuisiniers et des scientifiques– livrent leurs recettes pour repenser et surtout ré-enchanter la société de demain. Du ludique au provocateur, ces installations – plus de 70 au total - nous invitent à remettre en question tous nos préjugés sur l’alimentation. Engageant un dialogue inédit entre les visions créatives d'artistes et les acteurs de la société contemporaine, cette expo essentielle nourrit une réflexion sur nos modes de vie, préfigurant les contours du nouveau monde à inventer… pour assurer la subsistance de l'homme. Avis aux palais les plus engagés! www.vam.ac.uk

Beyrouth Éternelle Heliopolis “C’était en effet la merveille du désert, la fabuleuse Baalbeck, qui sortait toute éclatante de son sépulcre inconnu, pour nous raconter les âges dont l’histoire a perdu la mémoire ». Lors de son « Voyage en Orient », Alphonse de Lamartine ne tarit pas d’émoi face à la beauté de cette acropole. Baalbeck. Ses poussières romaines, ses souvenances couleur ocre, son Jupiter en guise de temple, sa Vénus consacrée, son Bacchus sans cesse enivré, ses marches éternelles, son festival tout de Béjart, d’Oum Kalthoum et/ou de Cocteau paré. Baalbeck est sans conteste l’un des épicentres de tous les fantasmes de l’histoire du Liban et de bien au-delà. « Baalbeck. Archives d’une Éternité », une exposition-hommage du Musée Sursock sous la houlette de Vali Mahlouji, curateur londonien et conseiller au British Museum ... Plus qu’une simple exposition, cet événement inédit de par la taille et l’ampleur revient sur l’importance archéologique, ethnographique, anthropologique, culturelle et artistique qu’ont pu revêtir ces colonnes au travers des siècles. Éternelle Baalbeck. Jusqu’au 22 Septembre. sursock.museum

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L’OFFICIEL LIVRES

POUR LA BEAUTÉ DES FEMMES ET DES PHOTOS Découvrir les architectes féminines du Bauhaus ; se souvenir de la révolution stylistique de Thierry Mugler ; se plonger, à défaut de l’avoir visitée, dans le catalogue de l’anthologie de la photographie exposée au Louvre Abu Dhabi… un peu de fraîcheur dans la torpeur estivale. PA R N A S R I S AYE G H

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Les Filles du Bauhaus Lorsqu’il est question du Bauhaus, amateurs et spécialistes s’empressent de citer Walter Gropius et Henry Van de Velde omettant d’office Anni Albers et Marianne Brandt, leurs non moins emblématiques consœurs. Cent ans après la création de l'influente école d'architecture, les éditions Taschen tentent de remédier à l’amnésie – systématique, voire systémique, dans tant d’autres domaines – en publiant Bauhausmädels. A Tribute to Pioneering Women Artists. Elles se prénomment Gunta Stölzl, Gertrud Grunow, Anni Albers, Margarete Willers, Lucia Moholy ou encore Ise Gropius. Elles ne sont – au regard de l’histoire - que les épouses, les camarades, les collègues de ces messieurs. Et pourtant, à lire les noms des inscrit(e) s aux premières classes de l’École, la majorité étaient des femmes: 84 pour 79 hommes. À travers quelques 400 photographies, “Bauhausmädels” (les filles du Bauhaus) forme une galerie, album de famille de 87 portraits en images de ces femmes artistes qui, appartenant à l’école d’art la plus progressiste du XXe siècle, s’en sont écartées pour changer le milieu de l’art, de l’architecture, du design et même de la politique. Danke Taschen!

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L’OFFICIEL LIVRES

Féminissime ! Forte, puissante, indépendante, sensuelle et assumée, la femme Thierry Mugler s’impose à contre-courant d’une mode qui se libère d’un code vestimentaire trop genré, d'une époque où les looks androgynes ont la cote. Nous sommes en 1974, date de la création de la marque. Tailleurs total look, corset et esthétique féminine extravagante, architecturale, le couturier français impose ses lignes, révolutionnant depuis ce jour la mode contemporaine par sa vision singulière et créative. Au-delà de ses célèbres tenues prêt-à-porter et haute couture, il est aussi photographe, metteur en scène, chorégraphe et parfumeur. Un artiste complet à qui les éditions Phaidon rendent hommage dans Thierry Mugler/Couturissime . Somptueuse et richement illustrée, cette première monographie consacrée au couturier propose un riche retour sur la vie, les créations et les collaborations de Mugler. Plus de 450 images d’archives inédites – certaines signées Newton, Avedon ou encore La Chapelle – viennent attester du génie créateur de cet artiste d’exception. Mugler for Ever!

L’Imagier du Monde Le catalogue de l’exposition Ouvrir l’Album Du Monde: Photographies 1842–1896 qui s’est achevée au Louvre Abu Dhabi en Juillet dernier, fait partie de ces ouvrages qui marqueront leur temps. D’abord par sa rareté –jamais ce chapitre de la photographie n’aura aussi bien été documenté– puis par sa charge émotive –il s’agit des toutes premières captations du monde au travers d’un medium encore nouveau, la photographie. Au fil des pages, le livre nous embarque dans l’odyssée du monde tel que vu et capté par les premiers voyageurs-marins-photographes. Émotion de genèse; daguerréotypes, estampes, albums, négatifs se succèdent pour attester, témoigner, immortaliser les premières impressions des contrées lointaines. Présentant une vaste sélection de photos provenant principalement du Musée du quai Branly, le catalogue explore les circonstances dans lesquelles la photographie a été introduite en Europe dès 1839 et pratiquée ensuite au Moyen-Orient, en Afrique, en Asie et sur le continent américain, par de grands photographes tels Isidore van Kinsbergen, Désiré Charnay, Muhammad Sadiq Bey, Lala Deen Dayal et Abdullah frères. Emotion sépia! Une coédition Kaph Books / Musée du Louvre Abu Dhabi.

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L’OFFICIEL RESTO

C’EST LE PÉROU ! Brève escapade aux saveurs du Pérou chez Inka, le nouveau restaurant haut en couleurs installé dans une ruelle à Mar Mikhael.

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PA R M A R I A L ATI


L’OFFICIEL RESTO

C’

est en travaillant sur le concept d’un nouveau restaurant aux îles Maldives que le chef Jose Barza, créateur de plusieurs cartes de restaurants à travers le monde, consultant du salon Horeca et juge de Top Chef Moyen-Orient, convainc son acolyte Gaston Fajardo Susli, chef péruvien, de se rendre à Beyrouth. Les deux chefs globetrotteurs décident de travailler ensemble pour ouvrir un nouveau restaurant et faire découvrir des spécialités de la cuisine péruvienne au Liban en y ajoutant des notes méditerranéennes. Inka, a ouvert ses portes à Mar Mikhael en avril dernier. Dans ce restaurant, les ceviches sont à l’honneur, et les variations sur le thon, le saumon, la crevette, le poulpe ou le clasico à la chair de poisson blanc sont préparées sur le comptoir. Assis sur un tabouret au bar, on peut observer le chef mélanger les ingrédients de ses bols fraicheur assaisonnés à la sauce ‘leche de tigre’ ou lait de tigre, un mélange acidulé de jus de citron, oignons rouges, cèleri, coriandre, gingembre et ail, à la sauce japonisante Nikkei, avec du soya, du jus de gingembre, de la sauce d’huitre, de l’huile de sésame ou encore avec du lait de coco et de la citronnelle. Derrière le comptoir on aperçoit une série de bouteilles de pisco infusées de pomme, poire ou fruits de la passion qui seront mixés dans les boissons. De l’autre côté du bar, Bashar Saab prépare les ingrédients de cocktails détonants : le ‘Piscoritta’ dans lequel le pisco remplace la Margherita, le ‘Limamule’ en lieu de Moscow Mule, ‘La Inka

Jarra’ avec du pisco infusé de poires ou encore le Suave Pisco un shot aux notes locales de Halawa. Pommes de terre, fruits de mer et couchers de soleil Outre le pisco, ce brandy produit dans les régions viticoles du Pérou, un autre ingrédient vole la vedette dans la composition de nombreux plats : la pomme de terre. Cultivé au Pérou depuis des milliers d’années, le tubercule fait figure de favori sur la carte de Inka. On le retrouve en « patatas bravas » épicées pour les plus courageux, en purée avec du parmesan fondu en compagnie de coquilles Saint Jacques et saumon ou encore avec des champignons et petits légumes pour accompagner un poulpe. Le chef nous explique que le poulpe doit être cuit rapidement sur un poêle bien chaud afin d’éviter l’effet caoutchouc. On apprend aussi que « Nikkei» signifie « immigrant du Japon ». Nombreuse au Pérou, la communauté japonaise y a fortement influencé les spécialités culinaires. Dans une ambiance qui bat son plein aux sons d’une musique lounge, d’un groupe de jazz ou animée par la chanteuse Ingrid Naccour, attablés sur des chaises aux motifs multicolores traditionnellement tissés sur les vêtements au Pérou, on se prend à rêver de paysages aux nuances rosées, de couchers de soleil auprès de lamas qui se promènent tranquillement entre lacs et montagnes, tels qu’illustrés sur les murs du restaurant. Fin du voyage, quand les talons foulent le sol en céramique aux tons ocres et pastels, on repart chez soi après un moment d’évasion. @inkabeirut


L’OFFICIEL RESTO

LES VRAIS/ FAUX BURGERS D’ORENDA Niché dans une rue calme de Mar Mikhael, ce nouveau resto crée l’illusion avec sa carte 100% vegan.

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PA R P H I LI P P I N E D E C LE R M O NT- TO N N E R R E

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L’OFFICIEL RESTO

Et un de plus. La tendance vegan ne cesse de gagner du terrain au Liban. Un nouveau restaurant, Orenda, vient d’ouvrir ses portes fin juin à Mar Mikhaël. Un joli troquet aménagé dans une vieille maison traditionnelle aux murs rose pâle, avec ses arcades et son petit jardin tranquille. Le leitmotiv des lieux : faire partager au plus grand nombre le veganisme, ce mode de consommation respectueux de la vie animale. Aux manettes : Huaïda Ragab, ancienne directrice de boutique chez Aïshti, et Myrna Harb, employée à BankMed, toutes deux récemment reconverties à la restauration… en mode vegan « Le fait d’être vegan a impacté ma vie sur plusieurs niveaux, qu’il s’agisse du respect de l’environnement, de la santé et bien sûr des animaux. Cela me permet aujourd’hui d’être en paix avec moi-même », explique Huaïda, végétarienne depuis dix ans. « Ce sont toutes ces raisons qui m’ont poussée à ouvrir cet endroit », poursuit la restauratrice de 39 ans. Vous avez dit sushis ? Pour familiariser le grand public avec une pratique culinaire encore marginale, les propriétaires ont souhaité une carte qui se rapproche le plus possible de ce que l’on peut trouver dans les restaurants classiques. Les recettes ont été élaborées par le chef Hadi Hazim. Au menu donc, figure une variété de plats internationaux bien connus ; burger, curry et même sushis. « On veut montrer aux gens qu’on peut leur servir des mets auxquels ils sont habitués sans porter atteinte à

l’environnement », insiste Huaïda. Pour créer l’illusion d’un vrai burger, il suffit par exemple d’avoir recours à des substituts de viande, comme les haricots et les betteraves. « Une fois que vous avez la texture, il ne reste plus qu’à ajouter les épices, c’est très facile », assure la restauratrice. On remplacera ainsi le saumon cru par des carottes grillées marinées pendant trois jours avec du sel et du miso. Une préparation qui « donne le goût de la mer ». Et la formule visiblement fonctionne. « Les gens reviennent, même les non vegans qui représentent en réalité la majorité de notre clientèle», se réjouit Huaïda. La spécialité de la maison ? « Le burger ! » s’exclame-t-elle. « A lui seul ce plat a nécessité pas moins de quatre mois de travail ». Exit le plastique L’autre particularité de la maison réside dans son côté ecofriendly. Exit le plastique et les matériaux peu respectueux de l’environnement. Les tables sont faites de bois recyclé. Les bouteilles d’eau et de jus sont toutes en verre. Chez Orenda, on veille aussi à privilégier le plus possible les fruits et légumes de saison. Le restaurant abrite enfin un petit concept store. Des produits réalisés à partir de matériaux réutilisés y sont proposés. Une partie des bénéfices des ventes est reversée à des ONG. « Cela nous permet d’encourager de petites start-up et de contribuer en même temps à une cause », confie Huaïda. @orenda.lb

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L’OFFICIEL GASTRONOMIE

SORORITÉ EN CUISINE On les croise sur la toile toujours accompagnées d’un plat mijoté aussi joli qu’appétissant dans une cuisine immaculée. Six chefs femmes ont décidé de se serrer les coudes pour former ensemble les Sofra Sisters.

Tina Khalil, alias Mrs.Clueless et Lara Ariss sont attablées et discutent avec des amies foodies de Dubai en visite, lors d’un diner ‘Swinging Mawssam’ aux produits saisonniers sur la terrasse chez Bethany Kehdy. La discussion porte sur un "cook book club" à Dubai où amateurs et connaisseurs passionnés de cuisine se réunissent régulièrement pour commenter et tester les recettes autour d’un livre de cuisine à chaque fois différent. L’idée enthousiasme les trois chefs libanaises. Lara, ‘la diva des desserts’ comme la surnomment les autres, auteur de deux ouvrages sur la cuisine levantine, Tina plus connue sous le nom de Mrs.Clueless qui partage ses réussites et déboires en cuisine documentés sur un compte Instagram ludique suivi par des milliers de followers et Bethany, chef adepte de cuisine méditerranéenne contemporaine et qui compte deux livres à son actif. Elles décident de créer leur propre club à Beyrouth. Rejointes par Sally Jane, chef américaine qui habite le Liban depuis trois ans, consultante pour des restaurants et qui accueille des élèves dans sa cuisine joliment fleurie pour des cours de cuisine healthy; Sana Toukan, coach santé et spécialiste de nutrition pour enfants et Tina Wazirian, chef, consultante et animatrice d’une émission de cuisine sur la chaine LBC, les Sofra Sisters prennent d’assaut les fourneaux. Dans cet univers culinaire parfois rude, à forte dominance masculine, les jeunes femmes apprécient de se retrouver entre elles, de partager conseils, recettes et bonnes adresses mais avant tout de se détendre entre amies autour d’un bon repas. Dîners thématiques et expériences savoureuses Pour les Sofra Sisters, pas de règles strictes, l’idée est de se soutenir et de découvrir des curiosités culinaires, et les jeunes femmes sortent parfois diner entre amies pour goûter les spécialités d’autres chefs libanais. A travers leur club culinaire, elles se retrouvent à chaque fois chez l’une d’entre elles pour partager un repas autour d’un livre ou d’un thème choisi.

Nappes à carreaux ou sets de table en bambou, vaisselle colorée, arrangements de fleurs et d’agrumes, l’hôtesse de la soirée dresse la table, et puis façon ‘potluck’, les invitées arrivent l’une après l’autre apportant chacune son plat tout juste cuisiné. Derniers préparatifs derrière les fourneaux et c’est parti pour un repas convivial, d’où ‘on sort si rassasiées qu’une séance de gym est nécessaire’ confie Lara en riant. Pour leurs premiers diners elles ont choisi des livres tels ‘Mastering the Art of French Cooking’ de Julia Child ou ‘Simple’ d’Ottolenghi, et entre une quiche, un coq au vin et un gâteau à l’orange, les discussions ont fusé sur ce qui a bien fonctionné ou pas, ce qu’elles ont trouvé simple ou plus compliqué à réaliser et puis ce qui était bon. Mais ça, disentelles, ‘c’est finalement clair à la fin du repas, quand les plats ont été raflés’. Elles salivent encore, et nous avec elles, en se remémorant les pulled lamb nachos de Sally ou le gâteau "tres leches" préparé par Lara lors de la soirée mexicaine, un orzo pilaf aux crevettes cuisiné par Mrs.Clueless ou encore la ‘loquat kibbe’ de Bethany où les nèfles ont pris la vedette à l’occasion d’une soirée sur le thème oriental. Cela à côté d’un loubieh bi zeit (ratatouille de haricots) revisité avec un boulghour aux épinards et une Kabsa, plat Saoudien avec riz, tomates et poulet, préparée par chef Tina Wazirian, servis dans de grands plats en céramique. Autre ambiance pour le diner State Fair Food, aux allures de fête foraine, où les jeunes chefs se sont amusées à sublimer le junk food ; beignets de saucisses frits dans de la polenta, coleslaw haut en couleurs et vitamines et glaces au caramel crémeux en cornets dégustées avec du pop-corn caramel. L’ambiance de chaque soirée et quelques-unes des recettes concoctées sont ensuite commentées sur le compte Instagram des Sofra Sisters et les chefs ont hâte d’organiser des soirées dans des lieux en plein air pour y convier d’autres passionnés de cuisine. @thesofrasisters

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L’OFFICIEL RESTO

MAKAN, LE « SAJ » DE MADRID

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PAR F.A.D

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L’OFFICIEL RESTO

Beyrouthin pur jus, passionné de musique, issu d’une famille où chacun transforme son talent en destin, Alex Mteini partage avec sa mère, Caline Chaya, et sa sœur, Youmna Zard, le goût de la nourriture préparée avec gratitude et partagée dans la joie. Le petit « saj » qu’il a créé à Madrid est littéralement magnétique.

Sans doute en raison de la barrière linguistique, Madrid n’a pas vraiment été, jusqu’à récemment, un lieu d’études et d’implantation pour la jeune génération libanaise. Voilà quelques années, pourtant, que la capitale espagnole est de plus en plus attractive pour les étudiants étrangers, non seulement pour la qualité de vie qu’elle offre, mais aussi pour la qualité de l’enseignement de ses universités où l’anglais se taille une part importante. Les étudiants libanais n’y sont pas en reste, de plus en plus nombreux et intégrés. C’est donc en véritable pionnier qu’Alex Mteini a décidé d’y ouvrir un petit restaurant, ou plutôt un de ces « saj » traditionnels, équipé d’un four, où se préparent dans un pain tout fin, proche du « wrap », les délices rustiques du street food libanais. Il nous en parle. Comment est venue votre vocation pour la restauration ? La gastronomie a toujours été chez nous une passion familiale, portée par l'amour de ma mère et de ma sœur. Ce sont elles, les talents culinaires derrière les recettes de mon restaurant madrilène. Quant à moi, je suis motivé par l’adrénaline et l’exaltation de faire tout mon possible pour essayer de construire une marque internationalement reconnue. Le projet Makan est l’histoire de notre famille qui travaille ensemble pour introduire à Madrid le goût de la tradition libanaise. 227

Sinon, quelle aurait été votre autre option professionnelle? Trompettiste, si je jouais de la trompette. Pourquoi Madrid ? Le ciel bleu et les opportunités toujours inexplorées. « Makan Saj », pourquoi ce nom ? Au début du projet, notre groupe Whatsapp a été submergé de propositions de noms peu convaincants. Jusqu’au un jour où, pop ! Ma mère, Caline, a suggéré « Makan ». On a aimé. On a vu le potentiel, simple, facile à retenir et à prononcer. Ça a accroché. Quel a été l’accueil du public ? L’accueil de la communauté libanaise, avant tout, a été formidable. Splendide. Ils nous ont reçus à bras ouverts et cela nous a beaucoup émus. Quant au clients internationaux et madrilènes, nous les voyons sortir de Makan le sourire aux lèvres. Nous sommes heureux et reconnaissants d’avoir une clientèle aussi diverse et fidèle qui, en retour, nous fait sourire jusqu’aux oreilles ! Quels sont à ce jour le plat et le dessert vedettes de Makan? Le fameux Chicken Sumac Hummus! Recette palestinienne


L’OFFICIEL RESTO

Quels sont vos lieux préférés à Madrid ( café, resto, bar, boîte de nuit, librairie, cinéma, musée, gym, parc) Allez, je vous y emmène ! Pour un bon Iced Latté, allons chez mon ami Daniel qui a un petit « hole in the wall » à Madrid. Pour dîner, El Fogón de Trifon que vous ne trouverez pas sur la liste des lieux recommandés aux touristes. Nous y assisterons à un spectacle authentique de Flamenco a Candela, et je vous assure que ça vous prendra le cœur ! Nous écouterons ensuite du bon blues à La Coquette. Nous passerons par Sala Clamores pour commencer la soirée avec du Swing Jazz. Nous finirons par danser au Café Berlin mais terminerons la nuit à Amante. Il sera six heures du matin, il faudra nous nourrir. Je vous emmènerai donc au chinois, que mes potes et moi appelons Winnie The Pooh.

Pourquoi ? Il faudra y aller pour le savoir ! Il est sept heures, retour chez Daniel, ou…? Que représente le Liban pour vous ? Le lieu où habite ma famille. Où je retrouve mes amis. Où j’ai grandi. Où j’ai bien dansé. Où je ne me vois pas retourner… de sitôt. Où trouvez-vous votre énergie et votre inspiration ? Mon énergie, je la trouve dans ma musique. Mon inspiration, auprès des grands de ce monde. Quelle sera la prochaine étape pour Makan Saj? Nous travaillons sur la meilleure manière d’offrir à l'Espagne un avant-goût de la traditionnelle man’ouché saj libanaise, tout en maintenant la qualité, le service et l'expérience que nos clients ont tant aimés.

makansaj.com 228

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revisitée à la façon Caline et Youmna. La Mhalabieh (crème dessert au lait) commence à avoir un joli petit succès, mais c’est surtout notre « Makan Curcuma Muffin », autrement dit le « sfouf », notre gâteau traditionnel, qui est toujours au top de la liste.



L’OFFICIEL PÂTISSERIE

SUR LE REBORD D’UNE FENÊTRE Nappes blanches sur fond de mur couleur crème, fleurs délicates sur nude cakes, les images épurées du compte Instagram Bythewindowsill, à la croisée de la gourmandise et de la photographie, éveillent la curiosité.

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n 2010, alors qu’elle travaille au bar Demo, Rachel propose de prendre la relève du pâtissier qui vient de partir. Elle fera elle-même les desserts. Cette première expérience encourageante la guide sur cette voie, et la jeune femme commence un blog dans lequel elle mêle ses recettes de cuisines à sa passion pour les séries TV, improvisant parfois des plats et desserts qu’elle imagine plaire à ses personnages préférés. Rachel se souvient qu’à l’université, lors de son cursus en photographie, le laboratoire dans lequel les étudiants apprenaient à développer leurs clichés s’appelait ‘The Kitchen’. La jeune femme observe toujours avec intérêt ce lien qui lie la photographie et la pâtisserie, toutes deux résultat gracieux d’une série de réactions chimiques bien calculées. Après ses études, alors que Rachel travaille comme archiviste de photos, elle voit petit à petit affluer les commandes pour ses gâteaux. Dès 2015, ses classiques, le banana bread, le gâteau aux carottes avec glaçage labneh ou cream cheese et son cake pistache amande sans gluten, font leur entrée à la librairie-café Papercup, à Mar Mikhael et deviennent un must pour accompagner un moment de lecture.

Rachel n’abandonne pas pour autant la photographie et s’occupe désormais des archives images à la Arab Image Foundation. Elle termine actuellement sa thèse sur la conservation des films nitrate et en profite pour prendre une brève pause dans les commandes privées tout en peaufinant son portfolio de nouvelles recettes que nous pourrons d’abord admirer sur Instagram, avant de pouvoir les savourer. En attendant, chez Papercup les bibliophiles se plaisent à feuilleter un livre ou un magazine tout en dégustant une tranche de sponge cake, un gâteau à la bergamote et thé vanille ou au chocolat avec glaçage à l’expresso. Des combinaisons de saveurs insolites Rachel a appris la cuisine avec sa mère mais pour la pâtisserie c’est toute seule qu’elle s’y est mise, en commençant avec des recettes basiques avant d’en arriver à élaborer ses propres créations. Pour trouver un juste milieu entre les desserts américains gourmands mais très riches en beurre et sucre, et un style plus européanisé tout en finesse, la jeune femme choisit des herbes, fleurs et agrumes locaux et compose elle-même ses ingrédients comme le sirop de pamplemousse ou la poudre d’amande et pistache. Elle infuse du 230

thym, de la lavande ou du safran pour décliner un cake classique au parfum lavande citron, pamplemousse et thym, ou amandes et eau de rose. A l’occasion d’une grosse commande, un client lui demande de décorer les gâteaux avec des fleurs, et Rachel se prend au jeu. Désormais des arrangements délicats ornent tous ses gâteaux devenant même la marque de fabrique de Bythewindowsill. La photographe pâtissière se rend régulièrement chez le fleuriste et décore chaque recoin de sa maison de bouquets de baby roses, dahlias, pivoines ou chrysanthèmes. De temps en temps, elle se promène dans la forêt près de chez elle pour y cueillir des fleurs sauvages ; coquelicots et marguerite qu’elle dépose sur ses gourmandises. Elle choisit les fleurs qui viendront se poser sur un gâteau, les rince à l’eau et au vinaigre puis les laisse sécher, avant de les placer avec soin sur le glaçage ou de les parsemer ici et là. Et comme une photo qui prend son temps pour se révéler, les gâteaux sortis du four reposent tranquillement quelques heures dans un coin de la maison, près du rebord d’une fenêtre, ‘by the windowsill’, avant d’être photographiés puis goûtés. bythewindowsill.com

Photos Rachel Tabet

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L’OFFICIEL GOURMANDISE

LA GLACE CHANGE DE CAMP Artisanale, onctueuse, aux saveurs douces de rose, fleur d’oranger, pistache ou cannelle, la glace libanaise fait son entrée à Londres avec Festok, le glacier qui secoue les recettes classiques. PA R M A R I A L ATI

Karen, la fondatrice de Festok, explique que si la glace libanaise est unique c’est bien grâce aux ingrédients compris dans sa confection, en particulier le sahlab et le mastic. Le mastic est une résine naturelle extraite des troncs de l’arbuste éponyme. Le sahlab ou salep, farine obtenue à partir d’orchidées cultivées en Turquie, donne cette texture élastique et ce goût un brin doux qui évoque les journées d’antan, quand on était de sortie avec la tribu de cousins, chez le marchand de glace. Et voilà que trois jeunes Libanais décident d’introduire ces saveurs à Londres, créant forcément un peu de remous. Au cours du premier festival auquel Festok participe à ses débuts, le Marylebone Summer Fayre, la file est si longue devant le glacier que l’équipe de sécurité est obligée d’intervenir pour fermer ce stand dont le succès bloque la circulation. Festok, avec son site internet pour commander en ligne pots de glaces, assortiments de boules, ou gâteaux glacés, anime aussi des événements privés et participe toujours à des marchés et festivals à travers Londres. Le glacier, qui a débuté il y a quelques mois à peine, a déjà fait son entrée chez Harvey Nichols pour un pop-up estival et s’apprête à introduire ses desserts à la carte de restaurants. Les trois entrepreneurs, allient

savoir-faire culinaire avec un flair pour les affaires. Karen Massad, diplômée d’HEC Paris qui a travaillé chez Google à Dublin avant de s’installer à Londres initie le projet. Son mari Tony Saade, arrivé à la city pour son MBA à la London Business School avant de rejoindre un fonds privé qui investit notamment dans la restauration, apporte sa solide connaissance du secteur. Rizk, le frère de Tony, diplômé de l’Insead, employé dans une banque d’investissement pendant huit ans, s’est lancé à son propre compte pour investir dans des sociétés émergentes, dont Festok où il s’implique désormais dans le secteur commercial. Des glaces à base de desserts traditionnels Les glaces sont le péché mignon de Karen qui avoue qu’en voyage elle planifie parfois ses escapades autour de nouveaux glaciers et concepts qu’elle aimerait goûter. Elle ne retrouve pas dans sa ville d’adoption le goût authentique et prononcé des glaces libanaises et l’idée de Festok commence à germer quand elle déménage à Londres en 2017. Elle s’inscrit à un cours pour apprendre à préparer des glaces et commence à créer ses propres recettes. Elle passe ensuite plusieurs semaines à Beyrouth pour y apprendre 233

la tradition levantine de fabrication de glaces qui, elle s’en rend compte, est très scientifique, avec de nombreux facteurs à prendre en considération. Elle se donne alors quelques mois supplémentaires pour peaufiner des recettes autour d’ingrédients classiques de desserts libanais, et des centaines d’essais plus tard, les saveurs qui figurent désormais à la carte de Festok sont sélectionnées. Il y aura les parfums classiques Achta (crème de lait) ou Pistache ; les plus élaborés tels que le Turmeric inspiré du traditionnel gâteau sans lait appelé Sfouf, la Rose parsemée de pétales séchées, le parfum Caroube, Datte, ou encore Osmalieh ; une glace achta enrobée de vermicelles au sirop de sucre et garnie de pistaches de Sicile. Les sorbets citron, mangue et fraise et la glace Meghli, avec de l’anis, des graines de carvi, de la cannelle, saupoudrée de noix de coco plaisent aussi aux nombreux adeptes véganes de Festok. Les parfums sont bien de chez nous et les ingrédients organiques et naturels sont importés de Grèce, d’Italie, de Turquie ou trouvés sur place. Festok, qui mise tout sur le goût, parie sur ses créations à base de recettes atypiques composées d’ingrédients traditionnels de la cuisine libanaise, ambassadeurs glacés d’un Liban chaleureux. festok.london


L’OFFICIEL BAR

BAU, UN BAR PAÏEN DANS LE CIEL DE BEYROUTH Tournant le dos à la ligne de crête des gratte-ciels de Beyrouth, dans cette zone « Seaside » qui fait, à fleur de vagues, la joie des nouveaux noctambules, Bau est un rooftop à vocation mystique, aussi vrai que la joie est prière. PAR F.A.D


Bau, déesse sumérienne dont on peut voir le buste au musée du Louvre, est la fille de An, père de tous les dieux de Babylone, et l’épouse de Ningirsu, dieu des semences, des moissons et des victoires guerrières. Bau a le pouvoir de réinsuffler la vie à ceux qui n’en ont plus la force ou le goût… Tout un programme ! Qu’on se rassure, il ne s’agit pas ici d’un cours de mythologie mésopotamienne, mais d’une véritable invitation à la fête.

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Avec son panorama ouvert sur les lumières nocturnes de Beyrouth, le BAU se présente comme un bar central organisé à la manière d’un autel voué au culte de la déesse de la Vie. Entourant une arche de néon rouge derrière laquelle se profile, à travers des palmes, tel un totem perdu dans une jungle, le portrait imaginaire de Bau, le bar lumineux derrière lequel officient des mixeurs professionnels est le cœur vibrant du lieu. En effet, les fondateurs de BAU, fidèles aux préceptes de leur déesse conceptuelle, ont décidé, entre sons, lumières et enchantement des papilles, d’offrir à leurs adeptes une expérience zen et raffinée qui promet un moment de béatitude, fait vibrer les sens et rajeunit l’âme. Leur objectif est d’enclencher un cercle vertueux de sérénité, d’amour et d’empathie, de gentillesse et d’authenticité, entre cocktails créatifs et cuisine asiatique authentique, le tout baignant dans une atmosphère chaleureuse accentuée par une musique tropicale. Les mots clés de l’expérience offerte dans ce roof-top en bord de mer sont donc « béatitude » et « zénitude ». Vous pourrez y ajouter ceux qui vous viendront à l’esprit en prenant vos habitudes dans ce temple haut perché de la vie nocturne et en adoptant son culte. Les bénédictions de BAU se ressentent sur place et à la sortie. Kitsch et saoureux. +961 81031513, @baubeirut


L’OFFICIEL MAISON D’HÔTE

CHEZ FARES ET LUCIA, COMME CHEZ SOI A l’intérieur des remparts de la ville de Byblos, aux abords d’une allée piétonne, se cache Beit Fares wa Lucia, une maison d’hôte de charme avec son jardin paisible, qui offre une vue insoupçonnée sur le port et la Méditerranée.

Photos Walid Rashid

PA R M A R I A L ATI

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théâtre. La maison est rythmée de portes en bois que l’on franchit avant de gravir les escaliers de pierre entourés de murs légèrement irréguliers car enduits à la main, pour découvrir les chambres et les salons à l’étage. L’aménagement est sobre, émaillé d’objets rapportés des voyages de l’hôtesse, comme ce tapis bédouin qui borde les murs d’un des salons, ou ces canapés colorés d’où l’on peut contempler, à travers des baies couronnées de vitraux, l’une des plus anciennes villes du monde. En fin de journée, passage obligé sur la terrasse pour siroter un Prosecco, en admirant le soleil se cacher derrière la citadelle avant de disparaitre dans la mer. L’esprit des grandes tablées famililales Le nom de Beit Fares wa Lucia est un hommage à la famille de Najwa, qui a longtemps vécu dans cette demeure nichée entre les bananiers, les citronniers et les vestiges millénaires. Lucia, la mère de Najwa, promet très jeune à Fares, son futur époux, qu’ils se retrouveront et se marieront un jour, contre l’avis de ses parents, originaires de la région de Qartaba. Mais leur amour est solide et le couple dure. L’histoire romantique de Fares et Lucia inspire tant et si bien que le couple sera témoin de quelques quatre cents mariages et parrain de trois cents 238

enfants. Jeunes, les parents de Najwa habitent d’abord dans une maison tout près de la citadelle de Byblos, mais doivent déménager car des vestiges sont trouvés sous terre, et le lieu fait désormais partie du site archéologique. Ils emménagent un peu plus loin dans la maison qui se nomme maintenant Beit Fares wa Lucia. Avec ses frères et sœurs, Najwa coule des jours paisibles et se souvient des grandes tablées, de l’accueil généreux de sa mère qui avait toujours de la place pour les nombreux invités, de la nourriture abondante prête à sortir du four à toute heure du jour et de la nuit. Cette ambiance ‘open house’ est toujours entretenue par ses frères et sœurs, chacun dans sa maison dans un coin du monde. Daad, l’une des sœurs de Najwa, et son mari Boutros sont longtemps restés les garants bienveillants de la demeure familiale à Byblos après leurs parents. En inaugurant sa maison d’hôte, Najwa cherche à perpétuer cette tradition, et désormais les inconnus de passage pour une nuit ou quelques jours deviennent des amis, dans une atmosphère qui rappelle cet autrefois des retrouvailles en famille, avec les amis et voisins autour d’un repas généreux. hotelibanais.com/travel/guesthouses/ beit-fares-lucia/

Photo Walid Rashid

Accueil chaleureux dans le jardin, Najwa apporte man’ouche, labneh, concombres, tomates, olives et du pain marqouq aux graines de nigelle pour le petit-déjeuner. Elle sirote une limonade dans laquelle flottent des brisures de kaak et raconte que dans ses souvenirs d’enfant c’est ainsi qu’on servait cette boisson chez les marchands de la vielle ville. Rentrée au pays, Najwa laisse derrière elle une vie riche en aventures, quarante années passées en missions dans des camps de réfugiés et pour des organisations internationales telles la Croix Rouge ou les Nations Unies ; au Liban, en Iraq et au Yémen où elle a vécu longtemps avec son mari et sa fille. Elle travaillait sur des projets de développement sanitaire et social, domaine qu’elle enseigne désormais à l’université sans abandonner ses missions en cours. Au Yémen, pays cher à son cœur, elle découvre l’art de restaurer les maisons traditionnelles et décide de retaper sa maison à Byblos en préservant son aspect d’antan. Elle met en valeur les détails d’époque comme les vieilles pierres millénaires des remparts de la ville qui délimitent son jardin ou l’arcade ottomane qui mène à une salle voutée datant de sept cent ans que Najwa envisage de transformer en espace culturel où elle accueillera expositions, concerts et pièces de


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LES PIEDS DANS L’EAU Située dans le centre historique de Batroun, à deux pas de la plage, The Blue Marlin Beach House est l’endroit rêvé pour des vacances au bord de la mer.

Photos DR

PA R P H I LI P P I N E D E C LE R M O NT- TO N N E R R E

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Souvenirs de voyages L’intérieur est décoré avec beaucoup de goût. Avec ses murs en vieilles pierres apparentes, ses arcades et ses tommettes au sol, ses tissus et son mobilier chinés un peu partout, la maison offre un cadre à la fois champêtre et raffiné. Aucune pièce ne ressemble à l’autre. Nana n’a rien laissé au hasard ; chaque détail est savamment étudié. « Au premier étage, on a mixé l’ancien et l’industriel avec des éléments en métal, alors qu’au second et au troisième on retrouve des petites touches relaxantes dans le style bohémien », détaille Nana Bekdache, également propriétaire d’une bijouterie à Beyrouth. Des objets insolites disséminés un peu partout apportent une dose de charme supplémentaire à l’endroit. Comme ces irrésistibles collections de cloches à vaches et de vieilles montres ou

encore cette armada de casseroles en cuivre qui habillent les murs de la cuisine. Des trouvailles rapportées par l’hôtesse au fil de ses voyages. « A chaque fois que je pars, je reviens avec quelque-chose », sourit cette Libanaise de 55 ans. Surf, vélo et bonnes tables Avec Blue Marlin Beach House, cette globe-trotteuse invétérée a imaginé l’endroit où elle aimerait séjourner si elle était touriste dans son propre pays. « Quand je voyage, j’aime réserver dans un lieu différent, j’évite les hôtels », confie-telle. La maison est conçue pour recevoir des groupes plutôt que des individus. Le gîte ne comprend pas de service de restauration, mais les cuisines sont parfaitement équipées pour se sentir comme chez soi. Chaque étage est indépendant. Le premier, le plus vaste, s’étend sur une surface de 250 mètres carrés. Il abrite trois chambres et une mezzanine pouvant accueillir entre 8 et 10 personnes et dispose de son propre jardin. Il se loue entre 400 et 500 dollars la nuitée selon la saison. Le second et le troisième comptent quant à eux chacun 5 lits et une terrasse. Comptez 250 dollars environ la nuitée. Outre la plage, Nana oriente volontiers ses visiteurs vers les nombreuses activités qu’offre la région : randonnées, surf, vélo et autres. L’hôtesse saura également vous recommander les meilleures tables de la région. @bluemarlinbatroun 242

Photo DR

Dans la série des maisons d’hôtes batrouniotes, voici Blue Marlin Beach House, magnifique bâtisse traditionnelle de trois étages où Nana Bekdache accueille les visiteurs depuis cinq ans. Cette ancienne maison de famille qui cartonne sur Airbnb est convoitée chaque été par les locaux comme les étrangers. Il faut dire que ce gîte qui ne désemplit plus coche toutes les cases, à commencer par celle de l’emplacement, à dix minutes à pied de la plage. Avec ses terrasses et ses chambres donnant sur la Méditerranée, Blue Marlin est le point d’atterrissage idéal pour les vacanciers souhaitant se rapprocher le plus possible de la mer.


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Fast Building, 344 Pasteur Street, Gemmayze, Lebanon T. +961 1 562 777 F. +961 1 449 000


Photo Camille Moirenc

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SNOBISMES DE SAISON Du Perche à la Corse en passant par le Côte d’Azur et la Camargue, suivez le guide de nos coins de France favoris. P A R T H I B A U LT D E M O N TA I G U

Prendre le maquis au Domaine de Murtoli en Corse

Une vallée inviolée depuis la nuit des temps, 2 500 hectares de maquis et des kilomètres de côte sauvage. Tel est le royaume de Paul Canarelli qui l’a hérité de son grand-père maquignon et qu’il a reconverti en robinsonnade de luxe. On y dort dans des bergeries en pierres sèches avec piscine incrustée dans la pierre. Pour les repas, direction l’un des quatre restaurants du domaine, dont la Table de la Ferme tenue par le plus branché des grands chefs, Mathieu Pacaud. Côté loisirs, balades à cheval, parties de golf, journées de farniente au spa ou chasses privées comme au glorieux temps des rois de France pour tirer le canard ou le sanglier. Nicolas Sarkozy ou Andrea Casiraghi ont déjà succombé aux charmes de ce paradis ourlé par les vagues de la Méditerranée.


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Explorer le centre d’art Luma à Arles

Ici, on ne parle que d’elle. Cette tour de 56 mètres de haut en blocs d’acier inoxydable dessinée par Frank Gehry qui surplombe Arles, la Petite Rome des Gaules. À l’origine de ce projet titanesque, la milliardaire suisse Maja Hoffmann qui souhaitait créer sur ces dix hectares de friche industrielle un nouvel écosystème artistique avec halls d’exposition, centre de recherches, bibliothèque, auditorium, studios d’artistes et restaurant sommital. Depuis son ouverture en 2018, tout le monde s’y presse. Et pour cause, la programmation est des plus pointues : Gilbert & George, Annie Leibovitz, Lily Gavin, Jean Prouvé et Benjamin Millepied qui, après son départ de l’Opéra de Paris, s’y est installé comme artiste résident. Le clou de la saison : les Rencontres photographiques d’Arles lorsque l’intelligentsia française et européenne investit l’antique cité durant deux mois.

Succomber à la table de La Cabane Méditerranée

C’est le secret le mieux gardé de la Côte. À vingt minutes de Saint-Tropez, sur la plage enchanteresse d’Héraclée, Erwan Lefèbvre, dont le frère tient les manettes du Vin de Bellechasse à Paris, a ouvert un restaurant les pieds dans l’eau où la bohème chic du coin vient déguster des daurades sauvages, s’imbiber de rosé Minuty et buller sur les matelas devant les pins et les chênes verts du cap Lardier. Au sortir de la sieste, on s’aventure sur un stand-up paddle ou on déplie son corps pour une séance de yoga avec vue sur le soleil couchant. Puis c’est l’heure des tapas et des caïpirinhas sur des musiques entêtantes. Un retour à l’ambiance du Saint-Tropez des années 1960, quand Jean Castel lançait L’Épi Plage et Françoise Sagan dansait le cha-cha-cha à L’Esquinade. 246


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Se retirer au sein D’une île dans le Perche

Photos Hervé Hôte, Alexandre Guirkinger, DR

Se réfugier dans les cabanes de Benoît Bartherotte au Cap-Ferret C’est un jardin d’Eden caché à la pointe du Cap Ferret. Son propriétaire, Benoît Bartherotte, qui se bat depuis des années pour préserver la presqu’île de la montée des eaux, y loue à quelques privilégiés des cabanes haut de gamme inspirées des celles des ostréiculteurs de la région. Sept maisons en bois brut perdues dans la végétation où ont déjà posé leurs valises Leonardo DiCaprio, Charlotte Casiraghi, Isabelle Adjani, M, Pierre Palmade ou encore Gad Elmaleh. Loin de la foule des estivants, ces happy few partagent leurs journées entre sessions de surf dans les vagues sauvages de l’océan et balades en pinasse côté bassin d’Arcachon. Comptez tout de même entre 15 000 et 20 000 € la semaine au mois d’août.

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Boris Grébaut, le wonderboy de la bistronomie française, dont le restaurant parisien Septime squatte la liste des World’s 50 Best Restaurants, a décidé de se mettre au vert et d’ouvrir une nouvelle adresse en plein cœur du Perche. Huit chambres d’hôte et une table d’à peine vingt couverts nichées dans un hameau de trois bâtisses xviie siècle au charme délicieusement désuet : poutres apparentes et tommettes, baignoires à sabot et bois écaillé des portes. La cuisine, elle, est 100 % locale. Les herbes viennent du potager ou de la cueillette sauvage ; les viandes et les fromages de fermes alentour ; les fruits et légumes de marchés de village ou de producteurs-artisans. Ensuite, tout est affaire d’inspiration selon la saison : aubergine rôtie servie avec une faisselle au colza ou volaille fumée au foin, le tout accompagné de vins biodynamiques of course. Pensez à réserver à l’avance !


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LE SANCTUAIRE DES ÉLÉPHANTS Au cœur de la réserve nationale de Samburu, au Kenya, Tiffany & Co. et la campagne #KnotOnMyPlanet aident le Elephant Crisis Fund à assurer la survie des pachydermes tout en se battant pour mettre un terme au commerce mondial de l’ivoire. TEXTE ET PHOTO GRAPHIE JOSEPH AKEL



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Des membres de la tribu semi-nomade Samburu, qui habite dans la région de la réserve du même nom, au centre du Kenya.

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C’est le début de l’après-midi, en mars dernier, et mon guide, David Daballen, me dit calmement, mais fermement, de ne plus bouger. À une trentaine de mètres devant nous, une grande éléphante s’est arrêtée, sa trompe incurvée nous renifle. Elle adopte une posture qui reflète à la fois la curiosité et la méfiance : les oreilles en avant, tout le poids de son corps vers nous. Et pour une bonne raison. Derrière elle, un troupeau d’une quinzaine d’éléphants – parmi eux des bébés – passe à l’ombre d’un bosquet d’acacias feuillus et de kigelia pour se diriger vers un point d’eau à proximité, soulevant des nuages de ​​ poussière couleur rouille. À part le craquement des branches sèches sous leurs pattes et le bruit de leur respiration, le troupeau passe devant nous dans un silence surprenant. Alors que la queue de ce cortège approche, la grande femelle se détourne rejoignant le groupe dans sa promenade et mettant fin à notre confrontation. Avec une profonde inspiration, sans doute la première depuis la rencontre avec le troupeau, je me tourne vers Daballen qui me demande avec un grand sourire : “N’était-ce pas remarquable ?”, je réponds sidéré “plutôt inoubliable !” La menace des braconniers Jusqu’à ce que vous ayez vu un éléphant de près et capté son regard, observé la tendresse entre une mère et son petit ou regardé un troupeau passer gracieusement à travers l’étendue sauvage d’une savane aux couleurs dorées, il est difficile de réconcilier l’image de la créature que nous avons appris à 251

connaître dans la culture populaire avec un animal vivant. Rencontrer un éléphant dans la nature pour la première fois ne va pas sans faire naître un sentiment d’incrédulité, un choc qui accompagne l’observation réelle d’un animal longtemps aimé mais jamais vu. Et pour des groupes de protection de la nature comme Save the Elephants, cette révélation est exactement l’objectif. Fondée par le zoologue et expert en éléphants Iain DouglasHamilton en 1993, l’ONG Save the Elephants (STE) mène des recherches approfondies sur une population d’environ 900 éléphants de la réserve nationale de Samburu, située sur les rives de la rivière Ewaso Ng’iro au centre du Kenya. Pionnier dans son domaine, Douglas-Hamilton est reconnu comme l’un des premiers à avoir sonné l’alarme concernant les effets dévastateurs du braconnage de l’ivoire sur les populations d’éléphants en Afrique. Ses recherches de 1979 à 1989 ont contribué à l’interdiction mondiale du commerce de l’ivoire. Et tandis que de nombreux progrès ont été accomplis pour lutter contre le commerce de l’ivoire sur le marché noir, les décès causés par le braconnage constituent toujours une menace sérieuse pour les populations d’éléphants du continent africain. Un simple coup d’œil sur les statistiques relatives à la mortalité des éléphants révèle l’ampleur du problème. Entre 2007 et 2015, la population totale des éléphants en Afrique a diminué de 110 000 individus. Certaines données de recensement plus récentes suggèrent que la population d’éléphants d’Afrique a diminué de 30 % entre 2007


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et 2014. Dans les réserves et les parcs africains les chiffres sont tout aussi alarmants. Le parc national de Gambra, en République démocratique du Congo, a vu sa population passer d’environ 10 000 éléphants au début des années 1990 à un peu plus de 1 000 aujourd’hui. Au Tchad, le parc national de Zakouma a vu sa population d’éléphants baisser à environ 450, contre 5 000 recensés en 2002. Et la menace que représentent les braconniers pour les éléphants s’étend également à ceux qui veulent les protéger. En 2017, Wayne Lotter, écologiste de premier plan et cofondateur de PAMS, une ONG basée en Tanzanie responsable de l’organisation des efforts de lutte contre le braconnage dans le pays, a été abattu alors qu’il se dirigeait vers Dar es Salaam, la capitale. Et, bien que d’importants progrès aient été réalisés pour couper à sa source la demande d’ivoire en Chine et au Japon – la Chine interdit désormais la vente d’ivoire –, il existe toujours un marché noir florissant en Asie du Sud-Est, notamment dans les pays qui composent le Triangle d’Or, comme le Vietnam, le Laos et Myanmar. Changer les perceptions Ces dernières années, STE a adopté une approche unique dans sa mission de protection des éléphants, une approche qui fait appel au monde de la mode et aux célébrités pour aider à transmettre son message aux consommateurs potentiels d’ivoire. Avec le Wildlife Conservation Network, STE a aidé à fonder le Elephant Crisis Fund qui distribue des subventions aux organisations qui sont en première ligne sur le terrain, comme PAMS. Le joaillier américain Tiffany & Co. est un partenaire clé du Elephant Crisis Fund et lui reverse 100 % des bénéfices de sa collection “Save the Wild”. Dans le cadre de la campagne #KnotOnMyPlanet, avec des ambassadrices prestigieuses telles que Cara Delevingne, Doutzen Kroes ou Naomi Campbell, Tiffany a permis de récolter des fonds qui permettent à plus de 70 ONG d’effecteur leur indispensable travail. Mon guide David Daballen, qui est aussi le chef des opérations de STE sur le terrain, est le mieux placé pour comprendre l’impact du financement de Tiffany. En surveillant les éléphants à l’état sauvage, en s’en approchant le plus possible, Daballen est en première ligne de la mission de STE. “Le soutien économique de Tiffany”, ajoute-t-il, “ainsi que leur capacité à faire passer le message dans le monde entier, apporte un soulagement énorme, car plus de gens sont au courant, plus de gens sont éduqués en ce qui concerne la faune, mieux ce sera.” Pour Douglas-Hamilton, le soutien de Tiffany

est essentiel au succès du programme de conservation des éléphants qu’il a fondé. “Sans l’aide de Tiffany”, me confiet-il un après-midi dans notre camp de base en plein milieu de la savane, “beaucoup de choses que nous avons accomplies aujourd’hui n’auraient pas été possibles.” Une autre initiative de STE, en partenariat avec Tiffany, et la campagne #KnotOnMyPlanet qui consiste à amener des influenceurs, des célébrités et des mannequins venus d’Asie à créer du contenu axé sur les éléphants documentant des expériences concrètes dans le but de changer la perception du commerce de l’ivoire pour une nouvelle génération de consommateurs potentiels en Asie. Lors de mon voyage à Samburu, le président de STE, Frank Pope, et sa femme Saba Douglas-Hamilton, la fille de Iain, ont accueilli un acteur chinois de premier plan et une influenceuse et mannequin très populaire au Japon, orchestrant des séances de photos dans la nature et organisant des survols aériens pour recenser les populations d’éléphants ainsi que des visites des installations de STE. Un soir, lors d’un repas organisé dans le lit asséché de la rivière Ewaso Ng’iro, près du Elephant Watch Camp – un lodge écologique accueillant les visiteurs de la réserve et fondé par Oria Douglas-Hamilton, la matriarche du clan –, Saba discute de l’importance de ces échanges culturels et du pouvoir qu’ils ont de modifier la perception du commerce de l’ivoire. “Grâce à l’interaction avec les éléphants”, expliquet-elle, “ces animaux deviennent très réels pour les personnes qui les rencontrent.” Selon elle, le but est de tracer une ligne directe entre l’ivoire qui est vendu et l’animal vivant et de dissuader les gens d’acheter le produit de la contrebande. Si des personnalités influentes en Chine ou au Japon soutiennent l’interdiction de l’achat d’ivoire, on espère que leurs légions de fans feront de même. Certes, il reste encore beaucoup à faire pour assurer la survie et la protection de la population d’éléphants en Afrique. Face aux menaces qui pèsent de plus en plus du fait de l’expansion des communautés locales sur des habitats autrefois sauvages – résultat de la croissance de la population –, le danger que les éléphants encourent reste encore très présent dans l’esprit des militants écologistes. Et pourtant, parler avec des membres du STE ne décourage pas sur l’avenir des éléphants. De fait, leur dévouement incroyable et leur détermination profonde pour leur mission sont palpables tout comme, ce qui est peut-être encore plus frappant, leur gratitude de pouvoir partager la vie de si remarquables créatures. Traduction Géraldine Trolle 252


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Toutes les photos ont été prises à la réserve nationale de Samburu, au Kenya, en mars dernier.

“Sans l’aide de Tiffany & Co., beaucoup de choses que nous avons accomplies aujourd’hui n’auraient pas été possibles.” Iain Douglas-Hamilton, fondateur de Save the Elephants 253


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ZIMMERMANN +961 1 911 111 EXT.130

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AD Beatrice Rossetti - Photo Federico Cedrone

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L’OFFICIEL CORRESPONDANCE

(EX) MYOPE COMME UNE TAUPE

PAR LAURA HOMSI I LLU STR ATI O N MARION GARNIER

Cela faisait des années que je vivais dans le flou. Tout simplement parce que je faisais partie de la catégorie des myopes refusant de porter systématiquement leurs lunettes. Cet entêtement (stupide, je l’admets) a été récompensé par un nombre incalculable de galères. Retrouver des amis dans un lieu public devenait une gageure en soi. J’ai appris à me planter au milieu d’un restaurant en attendant de grands signes pour me diriger vers la bonne table. Parfois ça durait assez longtemps. Honnêtement ce n’est pas facile de se donner contenance au milieu d’un bar ou d’une fête en attendant que des proches vous repèrent. Je me suis régulièrement précipitée vers des personnes, pensant saluer des amis, avant de réaliser que j’étais en train de serrer dans mes bras des inconnu(e)s. Gênant. Autre extrême, j’ai souvent ignoré des gens sans le vouloir. L’équilibre entre la sur-expansivité et le snobisme étant compliqué, j’ai fini par me résoudre à marcher en regardant par terre. Paradoxalement, j’ai toujours eu une paire de lunettes à portée de main, au cas où. Parce que l’on se sent rarement autant "sans défense" que sans elles. Un cinéma, une expo ou même une journée au bureau sans verres correcteurs devenaient mission impossible. Il y a des choses dont les non myopes ignorent même l’existence. Comme les lunettes sous le masque de ski, l’horreur. Les lunettes de vue sous les lunettes 3D au cinéma, infernal. Ou le “sans lunettes” du ski nautique, où on ne voit rien, juste un peu de bleu avant de boire la tasse. J’ai enfin fait l’opération de correction de myopie il y a quelques semaines. C’est drôle, il suffit de 30 minutes pour changer de vie. Clic, clac. J’étais passée de l’autre côté de la force. Pour la première fois, en levant les yeux, j’ai vu les détails des façades. J’ai réussi à lire de loin les noms de rues ou enseignes de boutiques. J’ai passé quelques journées à m’émerveiller de cette nouvelle clarté. Et pourtant, les habitudes de myope subsistaient. Au tout début, j’avais encore tendance à tendre la main pour attraper mes lunettes alors que je n’en avais plus besoin. Je plissais encore les paupières pour mieux voir. J’ai réalisé que j’étais toujours aussi perdue en entrant dans un lieu

public, attendant que l’on m’interpelle. Alors que j’aurais aussi pu bien ouvrir les yeux et trouver par moi-même. Au final, tout est question de perception. A force de m’auto-traiter de myope notoire, je ne savais plus faire autrement. A moi de réapprendre, et changer ma vision des choses. Pour ça, rien de mieux que les voyages. C’est drôle comme les codes sont différents d’une ville à l’autre. On ne perçoit plus ceux de la sienne tant on les a intégrés. C’est quand on part ailleurs qu’on se surprend à prêter attention à la manière qu’ont les gens de se tenir, parler, ou même commander au restaurant ... Cela en dit long sur les pulsations d’une ville. Certains disent qu’il faut absolument passer par un supermarché pour découvrir les dessous d’une destination. Je pense que c’est surtout flagrant dans les cafés. Lors d’un tout récent voyage dans une grande métropole, je me suis retrouvée dans un établissement célèbre. Les serveurs y reconnaissaient les fidèles et leur apportaient leurs plats sans qu’ils aient eu à passer commande. J’ai observé les gens comme au théâtre. J’ai assisté au supplice d’un couple déjeunant avec des beaux-parents lourdingues. J’ai compati avec une mère essayant de gérer seule son bébé infernal. J’ai repéré les prémices d’un couple, deux personnes en first date. J’ai eu envie de rejoindre une grande tablée, bruyante mais très joyeuse qui se régalait de desserts. J’ai essayé de capter des signes, tout en restant discrète, pour assembler les morceaux et en constituer une histoire. Celle-ci n’est pas forcément vraie, mais c’est tout l’intérêt de ce jeu. En rentrant de l’aéroport vers chez moi, les yeux encore embués de toutes ces nouveautés, je me suis surprise à redécouvrir MA ville. Il m’avait fallu un peu de distance pour mieux la regarder. Ce trajet de retour de vacances est toujours aigre-doux. On est déjà nostalgique de cette escapade et on appréhende le déluge de la rentrée. Pourtant, avoir pris de la distance avec son quotidien donne un goût de renouveau ! Cette fois, je n’ai pas eu besoin de lunettes. Ça y est, j’ai appris à reconnaître mes proches au restaurant ou ailleurs. Et surtout, à serrer dans mes bras les bonnes personnes ! 256


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